Sarko mise sur la prudence de l’économie européenne pour résister à la crise. Pas évident…
Entre fin 2007 et fin 2009, le Royaume–Uni devrait compter 2 millions de chômeurs en plus. En Espagne, on est passé de deux millions de chômeurs mi 2007 à un peu plus de trois millions fin 2008 et les quatre millions fin 2009 sont probables.
Pays donnés naguère en exemple pour leur dynamisme « à l’américaine », l’Espagne et l’Angleterre sont les pays les plus touchés par la crise en Europe. Et ce, pour les mêmes raisons que les Etats-Unis. Ils ont vécu à crédit et nourri leur croissance d’un endettement privé sans retenue. Résultat, un déficit extérieur considérable, (11% du PIB en Espagne, 10% au Royaume-Uni) et au moment de la crise un sévère retour de bâton.
Certes, à ce stade, nul n’est épargné. Même l’Allemagne connaît de graves difficultés. On parle d’une contraction possible de sa production de 2% en 2009, voire 3% ; et en France, l’indicateur de confiance des chefs d’entreprise a retrouvé le niveau de décembre 1992, juste avant la récession de 1993, conduisant à anticiper une récession d’environ 2%.
Autour de Sarkozy, constatant qu’a priori, seront les plus affectés par la crise les pays qui furent jadis encensés et qui se contentaient de vivre à crédit comme les Etats-Unis, on est persuadé qu’en fin de compte, l’Europe, dont la politique monétaire a été plus prudente, souffrira moins. Sarkozy a remisé les critiques de la BCE, d’autant plus que celle-ci donne l’impression de faire preuve de moins de rigidité. Au point d’ailleurs que certains se demandent si ses dirigeants, qui prétendent avoir un vision de long terme de leur action, ne sont pas dans une phase de desarroi intense, pilotant à vue leur politique monétaire en essayant de trouver ce qui pourrait mener à un rapide retour à la normale sur les marchés financiers.
Désormais, à l’Elysée, on vante le modèle européen face à celui des Etats-Unis et Nicolas Sarkozy a déclaré au colloque organisé à sa demande par Eric Besson sur le thème « Nouveau monde, nouveau capitalisme » que « la Vieille Europe porte le discours de l’avenir ». Et il attend le G20 du 2 avril pour indiquer qu’à son sens, c’est la politique économique américaine de ces dernières années et singulièrement le laxisme monétaire qui sont à l’origine de la crise. Sarkozy a abandonné la ligne anti-Trichet de ses débuts. Ce faisant, il se rapproche des Allemands et espère que ceux-ci seront sensibles à ses nouvelles orientations. D’autant qu’à Berlin, les certitudes sont ébranlées : en novembre, les exportations ont reculé de 10%, la récession est là et le plan de relance annoncé n’a convaincu personne. Ultime humiliation, le Trésor qui avait lancé un emprunt de 6 milliards € n’a finalement pu récolter au taux prévu que 4 milliards…Berlin est d’accord pour une concertation des plans de relance et l’a fait savoir à Paris et à Londres. La réponse d’Alistair Darling, le chancelier de l’Echiquier, a été immédiate. Accusé il y a un mois de « keynésianisme grossier » par les Allemands, il a proclamé qu’il était hostile à toute politique tendant à faire marcher la planche à billets et qu’il fallait rester vigilant vis à vis de l’inflation. Voilà un discours qui ne peut que flatter les oreilles berlinoises…
On va se coordonner à la fois dans la relance et face aux Etats-Unis dont la croissance tant vantée des années 2000 a mis tout le monde dans la panade. L’heure est à l’affirmation d’une spécificité économique européenne faite de prudence ; Miroslav Kalousek l’a bien compris : il a déclaré le 8 janvier qu’un trop grand creusement des déficits publics en Europe et aux Etats-Unis serait dangereux. C’est qui, ce Kalousek ? Le ministre des finances tchèque ; son pays préside l’Europe !! Mais ne le dites pas à Sarkozy, il croit que c’est encore lui…