Après Manchette, Bakchich continue sa révision des polars cultes. Voici A.D.G.et son "Pour venger pépère".
Publié en 1980, Pour venger pépère n’est pas le premier roman d’A.D.G. L’auteur, comme Manchette, a écrit son premier en 1971. Ce polar raconte l’histoire d’un avocat qui venge le meurtre de son grand-père.
La gauche n’est pas encore arrivée au pouvoir. VGE est à l’Elysée depuis six ans, Barre mange à Matignon depuis quatre ans. La légitimité de la résistance s’épuise, de Gaulle est mort. G. Pompidou qui n’était pas tellement gaulliste mais plutôt banquier, itou. Chirac a été battu aux élections.
Les orléanistes s’installent. Ils représentent le pragmatisme du monde des affaires. L’argent est arrivé au pouvoir, mais personne ne s’en est encore rendu compte. Leurs enfants vont pouvoir diriger le Club Méditerranée, voire, comme au bon vieux temps, succéder à leurs parents à l’Assemblée nationale. La pairie est de retour. Comme au bon vieux temps la politique va devenir une affaire de famille. Quelques décennies plus tard Roselyne Bachelot et MAM succéderont à leurs pères. Deux fils de Giscard deviendront députés. Vive la République, fermez le banc !
Ces opportunistes n’ont pas froid aux yeux. Ils ont été vichystes pendant l’occupation, membres de la division Leclerc les deux derniers mois de la guerre. Ils n’ont pas une conscience politique et morale particulièrement développée. Ils ne désirent qu’une seule chose, conserver leurs acquis. Pour ça ils se sont organisés. L’UDF a été créée en 1978, elle agrège les notables de province aux sensibilités très hétérogènes. Libéraux tant qu’on ne souhaite pas épouser leurs filles, gaullistes quand le Général leur accordait des strapontins ou des maroquins, ils siègeront sans problème dans les ministères que Mitterrand leur donnera, et aucun ne résiste aux ministères proposés par Sarkozy.
A.D.G. n’est pas un opportuniste. De son vrai nom Alain Fournier, un blaze difficile à porter quand on veut écrire. Il est né le 19 décembre 1947 à Tours.
A.D.G. fut l’une des plumes de la Série Noire des éditions Gallimard. Fut, car il s’est tiré en 2004. Pour Folio qui le réédite, il « est considéré comme un des maîtres français du roman noir. Autodidacte et dévoreur de livres, A.D.G. se réclame de Céline, de Boudard et d’Albert Simonin ».
Cette biographie lapidaire oublie l’essentiel. A.D.G est un double marginal. Homme de lettres, c’est un auteur de polar, c’est aussi un homme de droite, voire d’extrême droite, dans un genre où ils ne sont pas nombreux. Il deviendra le principal animateur du Front national en Nouvelle-Calédonie et fut un collaborateur de Minute.
Cet engagement assumé ne posa visiblement pas trop de problèmes aux autres figures du néo-polar. A.D.G. fut ainsi l’ami de Frédéric H. Fajardie, auteur important dont il sera question dans ces colonnes dans les semaines à venir. Quelles furent ses relations avec Jean-Patrick Manchette, le fondateur du genre ? L’homme que l’on ne pouvait pas qualifier de socialiste modéré jugea le roman qui nous intéresse ici « très cohérent, très abouti, excellent ». Leurs relations furent-elles plus cordiales que cet hommage légitime ? Une polémique est née à ce sujet. Libération en fit l’écho.
Une chose est sûre, c’est qu’A.D.G. publia sept romans dans la Série Noire et un dans la collection Super Noire. Un bel exploit. Pratiquement tous sont réédités chez Folio policier.
Ce roman est, a priori, d’une veine morale assez bourgeoise. Des marginaux tuent le grand-père d’un avocat de province. Celui-ci décide de le venger. Sauf que, rapidement, le lecteur découvre que ces marginaux ont des liens improbables mais assez forts avec la haute bourgeoisie de Tours…
A.D.G. ne fait pas dans la dentelle. La description des notables de province est très vivante. Elle ne laisse pas beaucoup de chance aux sénateurs UDF. Royer, Monory, Barraud et consorts n’ont pas dû beaucoup apprécier les jeux de mots à répétition de l’auteur. « Ils pouvaient acheter des journaux comme en se jouant, alors, les consciences… Ils avaient le pouvoir d’étouffer, d’engloutir, ils avaient l’habitude de mentir, de cacher, ils avaient la volonté de s’enrichir, la soif de jouissances, le dédain du commun. »
Un petit roman « très cohérent, très abouti, excellent ».
Pour venger pépère, A.D.G., Folio policier, 5 euros
À lire ou à relire sur Bakchich.info :
des "marocains" ? Bigre… Trafics de jeunes berbères dans la vallée de la Loire ?
Maroquins plutôt, non ?
Monsieur
Oui plutôt Maroquins. Le cuir des autres n’est pas assez dur pour résister à cette engeance.
Un marocain ou un alégien, je ne sais plus, joue un rôle dans cette histoire. Mais ce n’est pas un personnage central.
J’ai donc corrigé. Merci de votre lecture attentive.
Cdt
Bertrand Rothé
il est dommage que ses derniers livres (période Nouvelle Calédonie) aient gravement pollué son oeuvre de quelques ouvrages plus que discutables, tant dans la forme que dans le fond. Ce n’est plus un romancier décapant, mais un auteur militant sans doute aigri. Pour moi, ses bouquins "Série Noire" sont dans mes livres cultes "de chevet" mais hors du Berry, plus d’ADG.
Norbert Gabriel