Combats au Tchad, entre gouvernement et rebelles, le ballet continue. Preuve que la culture africaine est plus vivace que jamais.
Entre colonnes de pick-up et tour d’hélicoptères, les figures imposées sont connues. Et à chacun sa spécialité. Aux rebelles la surprise et les attaques éclairs, aux forces gouvernementales les déambulations aériennes aux tirs assez imprécis. Deux écoles de pensée, deux courant fort créateurs. Même si, du côté du gouvernement d’Idriss Déby, le président tchadien, on fait du neuf avec du vieux. Las, les méthodes vieillissent moins bien que le vin dont il est si friand. Longtemps, le bon Idriss a aimé se faire cajoler par feu Bob Dénard, corsaire de la République pour ses fans, barbouze émérite pour les autres. Les ans ayant emporté le sieur Bob, l’éthylo-président tchadien, d’une fidélité touchante, s’est attaché les services des anciens de la bande, comme l’a raconté Bakchich ( Déby n’a pas fini de trinquer ). Une sympathique bande de vingt loustics, de jeunes loups et de vieux baroudeurs, pour une équipée entre nostalgie et passage de témoin, certains ayant déjà eu à se balader dans le pays.
Mais les temps ont changé, comme la situation politique, diplomatique et militaire d’Idriss Déby. Les mouvements rebelles avancent vers N’djaména. « Ils se rapprochent, sont de mieux en mieux organisés, équipés, et de mieux en mieux approvisionnés depuis leurs bases arrières », constate un des « soldats privés » lié au régime tchadien. Une avancée qui a irrité au plus haut point tonton Idriss, assez remonté. À la fois contre l’Eufor, la force d’interposition européenne entre le Soudan et le Tchad, accusé « de laisser passer les combattants venus de l’étranger », et contre la France. « Ils font le minimum syndical, du renseignement, de la logistique, via le dispositif épervier, mais rien au niveau achat de matériel », se plaint-on dans l’entourage du toujours maître de Ndjaména Idriss Déby. Et ce ne sont pas les déclaration du plus en plus discrètes du ministre des Affaires Étrangères français, Bernard Kouchner, expliquant que la France n’avait pas vocation à intervenir, qui rassurent « le Vieux ».
Même pour les barbouzes les temps sont durs. Les hélicoptères à dispositions s’avèrent « vieux, les pièces de rechange sont difficiles à trouver ». Le réapprovisionnement paraît aussi incertain. Bien que d’ordinaire assez dépensier, Déby se méfie désormais avant de faire ses emplettes militaires. Dictateur échaudé qui craint l’eau froide. Ses dernières mésaventures, également relatées par Bakchich, l’ont refroidi. Entre hélicoptères russes obsolètes, pilotes brésiliens sans beaucoup de tête et intermédiaires fantômes, le garçon a perdu un peu de sa mise et de son temps… Et incidemment, ce sont ses barbouzes qui trinquent avec lui. D’autant que le clan présidentiel n’est pas franchement soudé. « Entre ceux qui veulent prendre sa place, et ceux qui souhaitent prendre l’argent qui reste avant de déguerpir, relatent les mercenaires en balade, on navigue à vue, entre ordre et contre ordre ».
Conscients de la situation un brin bancale de leur mission, les polis mercenaires s’évertuent même à montrer patte blanche sur le terrain. 75 % de leurs effectifs encadrent la garde présidentielle et le palais de N’djaména. Voilà pour le contingent français. Quant aux braves gars de l’Est, ils ont été envoyés au front. « Par précaution diplomatique au cas où il y a des blessés parmi nous ou pire », précise le chef de guerre. Mais l’heure n’est pas forcément au pessimisme. Si les officiels occidentaux montrent une certaine défiance à leur égard, la camaraderie militaire joue à plein. « Et avec le livre blanc sur la défense, beaucoup se demandent si notre business n’est pas l’avenir ». Un avenir pour l’instant à court terme. Leur mission au Tchad doit durer trois mois, renouvelable. Le travail précaire, fléau du XXIème siècle.
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