Une lettre anonyme dénonçant la circulation d’argent liquide a conduit à une perquisition au Sénat. L’enquête a été classée.
Alors ainsi, de l’argent liquide circulerait au Sénat. Du moins à lire l’article paru dans Marianne le 29 mars dernier. Le magazine rapportait les dires d’un ancien proche du sénateur Jacques Pelletier racontant – selon lui – les pratiques financières en vogue au sein du RDSE, le Rassemblement démocratique social et européen (un groupe politique rassemblant des élus de tous bords). Son secrétaire général, Pascal-Raphaël Ambrogi, y était présenté comme un personnage clé. Pour le témoin cité par le journal, des « amendements se monnayaient » avant d’être proposés au vote des sénateurs et c’est par Ambrogi que « s’exerçait la pression de très nombreux lobbys ». Pour résumer abruptement, des textes ou des amendements législatifs prérédigés par l’UIMM, la fédération patronale de la métallurgie, et présentés en 2004 au Sénat, auraient, toujours selon lui, permis à de belles enveloppes de billets de garnir quelques poches. Rien que ça.
Ancien collaborateur de Jean-Pierre Soisson, l’élu-girouette qui rejoignit toutes les majorités ou presque, Pascal-Raphaël Ambrogi connaît comme sa poche les arcanes du Sénat : il occupe le poste de secrétaire général du RDSE depuis 1993. A la parution de l’article de Marianne, il s’est fait discret, laissant le président et l’avocat du groupe RDSE monter au créneau. Ces derniers ont exprimé leur indignation et contesté cette « diffamation » à leur encontre. Quand même, insinuer des choses pareilles…
Depuis la parution de l’article, les langues se sont déliées dans les couloirs de la docte assemblée. Car dans la brochette des édiles indignés, nul n’a cru bon révéler au public que le Sénat avait subi, en novembre 2007, une perquisition policière en bonne et due forme. Un oubli qu’il fallait réparer. Voilà qui est fait !
Comment la police financière a-t-elle osé débarquer au Palais du Luxembourg ? Une enquête préliminaire menée par le parquet de Paris après réception d’une lettre anonyme s’est intéressée en 2007 au train de vie du secrétaire général du RDSE, Pascal-Raphaël Ambrogi. Ce dernier, qui possède une demeure dans les Deux-Sèvres, semblait, selon le courrier du corbeau (détaillé au point de révéler le nom de son employée de maison philippine) brasser de belles quantités d’argent liquide. Pas illégal, mais néanmoins alléchant pour tout procureur normalement constitué.
Mais la perquisition dans le bureau de l’intéressé au Sénat n’a rien donné de concluant. Agendas saisis, comptes bancaires épluchés… L’enquête a constaté l’utilisation de cash, mais pas dans des proportions démesurées par rapport aux ressources déclarées. Questionné par la justice, Ambrogi a justifié des sommes. Le dossier a donc été classé par le procureur de la République.
De l’UIMM et de ses millions distribués en billets à de mystérieux bénéficiaires, il n’a pas été question dans cette enquête sénatoriale. Logique : au moment où le parquet de Paris reçoit la lettre anonyme et déclenche ses investigations, le scandale de la fédération patronale de la métallurgie n’a pas encore éclaté.
Les soupçons d’utilisation d’argent liquide resurgissent, une fois connu le scandale de la fédération patronale, dans Marianne. Avec cette fois-ci la référence à l’UIMM. De quoi agacer l’avocat des sénateurs et de Pascal-Raphaël Ambrogi : « C’est stupéfiant de voir la facilité avec laquelle on ouvre les colonnes d’un journal à n’importe qui prétend faire des révélations sur l’UIMM », dit-il à Bakchich. Il dénonce, par ailleurs, des accusations lancées par vengeance et dénuées de tout fondement. Le corbeau et le témoin interviewé par Marianne ne serait-il qu’une seule et même personne ?
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