A peine les patrons de la Société Générale et du Crédit Agricole ont-ils été contraints il y a dix jours par l’Elysée de renoncer à leurs bonus pour l’année 2008, qu’un beau scandale éclatait aux Etats-Unis.
Le président de Merrill Lynch, John Thain s’est fait limogé voici quelques jours, pour avoir versé 4 milliards de dollars de primes aux collaborateurs de la banque d’investissement qui a perdu l’année dernière 27 milliards de dollars. Merrill Lynch a été sauvé in extremis de la faillite en étant racheté par Bank of America, un mastodonte de la banque outre-Atlantique.
Les largesses de John Thain ont bien évidemment traversé l’Atlantique et remis sur le tapis en France, le sujet épineux des bonus, cette part variable de la rémunération des dirigeants et des opérateurs sur les marchés financiers, indexée sur les performances de la banque. En France, si Nicolas Sakosy ne s’était pas fâché tout rouge le 20 janvier dernier en conditionnant la deuxième tranche d’aide au refinancement des banques de 10,5 milliards d’euros à l’abandon des bonus, qui sait ce qui se serait produit. Philippe Dupont et Dominique Ferrero, président et directeur général de Natixis, la filiale des Banques Populaires et des Caisses d’épargne qui va terminer l’année 2008 sur de lourdes pertes, ont annoncé dès le 18 décembre qu’ils mettaient une croix sur leurs bonus. Juste avant la réunion avec Nicolas Sarkozy, Michel Pébereau et Baudouin Prot, président et directeur général de BNP Paribas leur ont emboîté le pas.
Mais il restait deux réfractaires, la Société Générale et le Crédit Agricole. Ils ont du s’incliner tout en répétant à l’envie que c’était au conseil d’administration de chaque établissement de prendre la décision et en aucun cas la puissance publique. Les bonus ont été bien sûr maintenus dans chaque banque pour le reste des collaborateurs dans des proportions sans doute bien moindre qu’en 2007. Mais on n’en saura pas davantage. Contrairement aux pays anglo-saxons qui publient le montant global des bonus distribués par les banques, la France cultive le secret. Seuls sont indiqués chaque année les bonus versés aux mandataires sociaux. Ainsi en 2007, Baudouin Prot a reçu 2,72 millions d’euros, le must des patrons de banque.
Les banques françaises restent aussi très évasives sur les leçons à tirer de la crise sur le système des bonus. Il ne faut pas être grand clerc pour en comprendre les effets pervers et leur rôle dans la crise financière qui a mis nombre de banques sur le flan. Les bonus sont indissociables de la course aux rendements financiers et des prises de risques inconsidérées. Quitte à se retrouver dans le mur le jour où les marchés s’effondrent les uns après les autres. Dans les banques, on reste discret sur cet aspect là des choses. Depuis l’automne un groupe de travail qui réunit la Fédération bancaire française, la Fédération française des sociétés d’assurance, et l’Association française de gestion, avec l’amical soutien de l’Autorité des marchés financiers et de la Commission bancaire, planche pour établir de nouveaux principes sur la rémunération variable des traders. Il doit rendre ses conclusions à Christine Lagarde, ministre de l’Economie, au début du mois de mars.
Mais concernant les mandataires sociaux (président et directeur général) et les membres des comités de direction, aucune réflexion n’est en cours, comme s’il suffisait de laisser passer l’orage pour reprendre ensuite les mêmes habitudes. A l’exception de Natixis, où l’on admet qu’une réflexion est en cours pour réformer le système des bonus dans son ensemble, ailleurs la question ne semble pas à l’ordre du jour.
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