Au Medef, c’est à celui qui tapera le plus fort sur l’ouverture systématique à la concurrence.
Entre les grands patrons, une nouvelle forme de concurrence saine et revigorante fait rage. On s’en est aperçu à la dernière université d’été du Medef début septembre. C’est à celui qui tapera le plus fort sur la Commission européenne et son « idéologie dominante » de la mise en concurrence systématique. « Au-delà du raisonnable », dixit Gérard Mestrallet (GDF Suez). C’est devenu « l’alpha et l’oméga » d’une politique que Bruxelles « reproduit de manière génétique », a tonné Louis Gallois (EADS). La Commission désorganise l’industrie européenne, déplore Anne Lauvergeon (Areva) et son ultra-libéralisme est « pénalisant, irrationnel et injustifié » dénonce Jacques Saadé (l’armateur CMA-CGM). Bigre, ça sent le grand soir.
« C’était surréaliste. Pendant des années, ils n’ont juré que par la compétition et par l’ouverture des marchés et aujourd’hui, c’est haro sur la Commission », s’amuse un permanent du Medef. Sans doute la présence à cette table ronde d’un boute-en-train souverainiste, en l’occurrence Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, les a-t-il décomplexés. « L’Europe s’est mis à agir contre l’intérêt des entreprises européennes » et « ne pourra plus fonctionner comme avant, ou alors il n’y aura plus d’Europe » a a t il prophétisé. Rien que ça.
A Bercy, un haut fonctionnaire qui se revendique ultra-libéral est affligé. « Guaino est un dangereux socialiste comme ces patrons presque tous issus de la gauche » s’emporte-t-il. Et de relativiser ces coups de boutoir contre le dogme bruxellois. « C’est une pente naturelle. Les chefs d’entreprise détestent la concurrence et veulent se constituer une liste d’activités dans lesquelles personne ne doit les emmerder ».
Un tir de barrage qui permet de relativiser l’influence de la France. A Bruxelles, le message hexagonal a vraiment été reçu cinq sur cinq : la semaine passée, la Commission a encore sommé la France de faire plus de place aux concurrents d’EDF !
Les plus optimistes rappellent qu’un travail de sape est une affaire de longue haleine et nécessite des renforts. Ils jubilent d’avoir trouvé un allié en la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE). L’instance qui en dernier ressort dit le droit en Europe a recadré le 8 septembre la Commission dans son offensive sur le business des jeux. Plus question de remettre totalement en cause le monopole d’Etat. « Reste à savoir si ce revirement de jurisprudence va rester circonscrit à ce secteur où l’urgence est d’abord de lutter contre le blanchiment, ou si la Cour de justice a basculé à gauche » s’inquiète notre homme de Bercy.
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