Ce devait être l’apothéose artistique de la présidence française. L’exposition d’images du Grand Palais patronnée par Kouchner et Albanel donne la sinistrose.
Une fois entrée à l’intérieur du grand Palais, l’ambiance est aussi glaciale qu’au dehors. Non pas au cause du froid, mais de l’atmosphère de lendemain de cataclysme nucléaire qu’évoque cette sauterie artistique [1] Patronnée par Bernard Kouchner et Christine Albanel, les ministres respectifs des Affaires Etrangères et de la Culture, cette expo gratuite qui a débuté le 18 décembre pour s’achever le 31 est censée constituer le bouquet final de la présidence sarkozienne du Conseil européen.
Les deux compères nous annoncent modestement que « la France a choisi de présenter à ses habitants comme à ses visiteurs, l’effervescence des nouvelles voies artistiques ». Très à la traîne sur la scène mondiale de l’art contemporain, l’Hexagone espère en jeter plein la vue. Prière d’apprécier. D’autant que c’est avec nos impôts que la fiesta a été financée à hauteur de 1,5 millions d’euros, tandis que de généreux sponsors (région Nord, Lille, Total, Orange, Lagardère…) ont allongé 1,7 million.
Mais de quoi s’agit-il ? Dans l’obscurité du Grand palais sont projetées sur des dizaines d’écrans de toute taille des films d’auteurs de diverses nationalités passés par le Fresnoy-Studio national, un haut lieu français de création d’œuvre d’art digital. Impossible de suivre le moindre film de bout en bout, l’attention étant sans cesse détournée. L’époque est au zapping et au règne de la forme sur le fond. Le sens n’a aucune importance. D’ailleurs, pour en trouver un à cette expo, il faut se lever de bonne heure ou être un intellectuel puissant…
À moins que Kouchner et Albanel aient décider de broyer définitivement le moral des gens qui se pressent, pourtant heureux de se retrouver ensemble pour la période des fêtes. L’obscurité qui baigne l’expo perturbée par la ratatouille d’images est déjà dramatique. Mais en plus le directeur artistique inflige aux oreilles un magma lugubre de sons mélangés et insupportable à moins d’avoir fréquenté Guantanamo.
Au final, c’est sophistiqué, cérébral, un peu inquiétant, prétentieux, ennuyeux. Vraiment ça ne rigole absolument pas. Rire interdit. L’humour est un ingrédient semble-t-il laissé accroché aux vestiaires. Dans tous ça, on croirait parfois reconnaître une métaphore d’une certaine Europe technocratique. Mais on se dit surtout que ça a d’abord un goût bien français, bien de chez nous. C’est un certain esprit faisandé de l’intelligentsia française qui se projette à la face de l’Europe.
Vite la sortie. En face, il y a le Petit Palais avec L’ « Eglise de Moret » de Sisley, un subtil tableau sur la tombée du soir, qui réchauffe le cœur.
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[1] « Dans la nuit, des images ».->www.danslanuitdesimages.net->www.bakchich.info/mot201.html
"Mais on se dit surtout que ça a d’abord un goût bien français, bien de chez nous. C’est un certain esprit faisandé de l’intelligentsia française qui se projette à la face de l’Europe."
Plutôt un goût très parisien de croire que l’on est le centre du Monde.