Pour ce premier jour de l’année, les hommes d’affaires, amis du Président, présents lors de la soirée du Fouquet’s, le 6 mai dernier, peuvent faire le point sur leur mise. Est-ce que l’investissement dans Nicolas Sarkozy est rentable ou pas ? Revue de détail.
Les grands gagnants, dans l’ordre
Nicolas Beytout, l’homme le moins fortuné des amis de la sphère économique invités au Fouquet’s, a été le plus facile à servir. Ancien boss du Figaro, il vient d’être nommé à la tête du pôle média du groupe LVMH. Nicolas Sarkozy s’est chargé de l’annoncer lors d’une entrevue avec les journalistes des Echos. Une promotion de taille surtout que la gestion du Figaro, et de son actionnaire, n’était pas une sinécure.
Patrick Kron, le sauveur d’Alstom, doit beaucoup à Sarkozy, mais l’inverse est aussi vrai. C’est lui qui a donné de l’épaisseur économique au Président de la République. Il a su le pousser à demander, voire à exiger de Bruxelles l’intervention de l’Etat pour sauver Alstom. À cette époque Sarkozy, le libéral ministre de l’économie et des finances ne croyait pas que Bruxelles accepterait. Ce fut une réussite. Sarkozy en profita pour nourrir son image de gaulliste, d’économiste volontariste. Aujourd’hui, les deux amis peuvent se vanter d’avoir sauver un des joyaux de l’économie française, le constructeur du TGV. Le président a su se montrer reconnaissant. En plus des insignes d’officier dans l’ordre national du Mérite que le Président lui a remis devant cinq ministres en fonction. Il est présent lors de tous les voyages présidentiels à l’étranger, et ils sont nombreux. Lors de la visite d’Etat au Maroc il a signé deux contrats. Depuis l’été, le groupe a vendu 80 rames de TGV à la SNCF (entreprise d’Etat), 57 tramways à l’Algérie (avec le soutient du gouvernement). L’homme a beaucoup d’ambition, il attend, comme Martin Bouygues son premier actionnaire, le partage d’Areva. Mais ses relations difficiles avec l’actuelle patronne du nucléaire français est un handicap. On verra.
Serge Dassault, l’ancien chiraquien, a tout de suite changé son fusil d’épaule. Nicolas lui en est reconnaissant, il s’est battu pour vendre ses Rafale. Avec peu de succès, il est vrai. Mais l’effort est louable. Nicolas a essayé de vendre des Rafale à l’armée marocaine, mais l’affaire était déjà trop mal emmanchée. Il y a visiblement plus qu’un espoir que la Libye achète quelques exemplaires de notre joyau technologique.
Ceux qui n’ont pas à se plaindre
Bernard Arnault et le secrétaire général de LVMH, Nicolas Bazire, sont vernis. Au moment du rachat des Echos, Nicolas Sarkozy a mouillé sa chemise pour eux. Au début du mois de novembre, alors que, depuis plusieurs mois, les salariés des Echos dénonçaient le risque de conflit d’intérêts en cas de vente du quotidien économique à LVMH, le Président de la République a pris sur son temps pour leur expliquer de vive voix tout le bien qu’il pensait de leur futur propriétaire. « Un homme très bien, et qui va investir dans leur journal ». Le soutien était tellement appuyé, qu’il aurait déstabilisé Catherine Pégard, la conseillère de l’Elysée, organisatrice de la rencontre
Ceux qui attendent encore, et qui peuvent gagner beaucoup
Martin Bouygues patiente. C’est pourtant un très proche du président. Un intime. En plus d’être le parrain du petit Louis et le témoin de son mariage avec Cécilia, notre président se vante de l’appeler au téléphone tous les jours. Il attend le partage d’Areva, le géant français de l’atome. Cet industriel (Bouygues, Bouygues Télécom, TF1, etc) est un chasseur. Très avisé. Pas ou peu soucieux d’apparaître. Cet homme placide prend son temps, il l’a prouvé au moment du lancement des licences de l’UMTS, la téléphonie de troisième génération. Cette stratégie est fondamentale pour le groupe éponyme. Il a besoin d’une nouvelle vache à lait. TF1 est à la peine ces derniers temps. L’arrivée d’un quatrième opérateur risque de relancer la concurrence dans la téléphonie mobile, et réduire la rentabilité de Bouygues Telecom. Pourquoi pas l’électricité nucléraire ?
Vincent Bolloré fait des efforts. Certains disent que ce financier aux intérêts diversifiés (industrie, négoce, transport, pub, médias) est encore en phase d’investissement. Il prête son yacht, son avion. Le président et ses compagnes successives en profitent. Ses rédacteurs en chef n’oublient pas d’éviter les articles qui risquent de déplaire. Demain peut-être aura-t-il une grosse proie ? Il le mérite.
Ceux qui n’attendent plus grand chose ou étaient là par hasard
Antoine Bernheim est sûrement trop vieux pour attendre. À 83 ans, l’ex-banquier de Lazard et actuel Pdg de Generali a reçu, en juillet, des mains du président la grand-croix de la Légion d’honneur, une distinction que seul dans les affaires Marcel Dassault avait obtenue avant lui. La consécration. Pourtant l’homme se plaint. Se plaint de ne pas être assez riche, de ne plus être tout jeune. Dans ce cas seulement notre président ne peut rien faire. Depuis, un fonds anglais a demandé son départ du groupe Generali pour conflit d’intérêts.
Henri Proglio, PDG de Veolia, dont certaines mauvaises langues disent qu’il ne devait sa présence au Fouquet’s qu’à son amie Rachida, n’a pas gagné grand chose. Mais c’est un garçon obstiné.
Ceux qui essaient de se faire oublier
Jean-Claude Decaux, PDG de JC Decaux, a essayé de faire oublier sa présence au restaurant des Champs. Roi du Vélib, il a besoin du soutien du maire de Paris, le socialiste Bertrand Delanoë, pour gagner des contrats à l’étranger. Chicago peut-être ? Il n’a pas oublié que bon nombre de mairies des grandes viles sont tenues par des socialistes. Les choses changeront peut-être aux prochaines élections. Peut-être ?
Attendons un peu pour Bolloré, notamment sur le front des Télécoms. Il a déjà obtenu les meilleures licenses wimax (Paris, Lyon et le Sud principalement) à vil prix l’an dernier, comparé à l’UMTS…Je parie un centime d’euro qu’il n’aura aucun souci pour déployer ses services à base de Wimax dans le futur.
E.