Si elle était appliquée, l’indemnité de départ volontaire, mesure à l’étude pour réduire le nombre de fonctionnaires, aurait de nombreux effets pervers.
Et si, pour favoriser la mobilité dans la fonction publique, l’Etat accordait une indemnité de départ volontaire à tout fonctionnaire prêt à partir dans le privé et porteur d’un projet ? Encore à l’étude dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) publiée il y a quelques jours, cette mesure n’est pas pour autant une nouveauté. Déjà, en juin 2006, Jean Arthuis, ancien ministre des finances, en faisait l’éloge dans une interview au Parisien. Il assure même aujourd’hui sur son blog que certains fonctionnaires prêts à faire le grand saut devraient pouvoir bénéficier d’un pécule de plus d’un an de salaire ! De quoi laisser rêveur…
Ou songeur, si l’on mesure la difficulté qu’il y aura à convaincre les fonctionnaires les moins qualifiés. Les salaires dans le public sont, dans ce cas, supérieurs à ceux du privé. Si l’on ajoute à cela le risque lié au chômage des plus de 50 ans et le fait que près de 6 entreprises sur 10 font faillite au bout de 5 ans d’existence, nos quadras de la fonction publique, pourtant épuisés par la très mauvaise gestion des ressources humaines, risquent, malgré la prime, de ne pas sauter le pas.
Restent donc comme cible de cette mesure les plus diplômés et les mieux formés, ceux qui occupent déjà des postes à responsabilité dans les grands corps de l’Etat : énarques, polytechniciens… Sans oublier les commissaires de police débauchés par les grands groupes pour structurer leur pôle sécurité, ou rejoindre les sociétés privées de sécurité. Etant donné les salaires proposés dans le privé, l’indemnité de départ aura peu d’effet sur le désir de partir de ces heureux bénéficiaires. Selon les études récentes, 80 % des bénéficiaires d’une prime seraient, de toute façon, partis sans cette dernière.
Et les hésitants ? Certains vont pouvoir enfin réaliser leur projet professionnel : quitter l’Etat pour intégrer un cabinet privé anglo-saxons et travailler pour… l’Etat qui aura externalisé ce qu’il ne saura plus faire en interne faute de compétences. Le tout facturé à 1 500 euros, voire bien plus, la journée. Drôle d’économie !
Il ne faut pas oublier qu’au nom du principe d’équité et d’unité de la fonction publique le dispositif doit être étendu aux fonctionnaires hospitaliers. Or, dans ce domaine, il y a une pénurie d’infirmières, de médecins qui ont d’ores et déjà tendance à ne pas rester très longtemps dans le secteur public. Comme nos hauts fonctionnaires, ils profiteront de cette prime pour aller s’installer dans le secteur privé où leurs rémunérations, plus élevées, pèseront sur l’assurance maladie.
Les entreprises du privé qui se sont risquées à l’exercice s’en mordent les doigts. Alain Minc aimait à raconter, il y a quelques années que, lorsqu’il avait des responsabilités chez Saint-Gobain, il avait proposé une prime au départ ouverte à tous. Cet avantage n’avait intéressé que les plus compétents de ses cadres. Résultat, pour faire face à la fuite des compétences, le groupe avait été obligé de les réembaucher peu après avec des augmentations de salaires à la clé.
Cette mobilité vers le privé qui ne bénéficera qu’aux plus compétents risque d’amplifier l’appauvrissement de la fonction publique. Les universitaires qui travaillent, les plus compétents des fonctionnaires, ceux qui servent la collectivité, seront encore plus incités à quitter une fonction publique incapable de gérer leur carrière. Le discours dominant sur le faible investissement, la faible implication des fonctionnaires, s’en trouvera renforcé.
Si un service ou une activité est externalisable, c’est qu’il ne fait pas directement partie des fonctions régaliennes de l’état.
On peut prendre en exemple un service informatique de l’administration dont le chef a fait sciences po et de la criminologie… c’est bien, il a une tête bien remplie, mais bon… si il ne sait pas faire la différence entre un serveur et un climatiseur, ça avance à quoi ?