A l’occasion de la deuxième journée de championnat samedi soir, les stades de Nancy et Lorient inaugurent leurs pelouses artificielles. Aux normes FIFA, bien entendu.
Ce week-end, pour la deuxième journée du championnat, l’AS Nancy-Lorraine et le FC Lorient joueront leurs matches à domicile sur une surface synthétique, comme de vulgaires clubs de la Ventre Mou’s League tels que le Red Bull Salzburg ou les Young Boys de Berne. Le début discret d’une vraie révolution pour le jeu ?
Les deux stades seront en effet équipés du même produit, fourni donc par le même fabricant [1], que les deux enceintes suisse et allemande citées précédemment.
Il s’agit d’un complexe formé par une couche d’amortissement de 25mm coulée en place, sur laquelle repose une moquette de 40mm remplie de sable et de granulats de caoutchouc colorés.
Voilà pour la technologie, mais dans le jeu, ce qui différencie le gazon synthétique du gazon naturel est la vitesse de la balle. Les plateformes qui accueillent les surfaces de jeu naturelles ou synthétiques sont préparées avec la même tolérance, mais la moquette ne présente pas les irrégularités d’une pelouse, le ballon roule donc plus. Si le ballon est moins ralenti, la vitesse de jeu augmente et c’est ce que recherchent les fédérations et les ligues professionnelles. Voilà notamment pourquoi le président de la LFP Frédéric Thiriez applaudit les clubs qui passent au synthétique. Ces surfaces devraient également de limiter les reports de matches qui compromettent presque chaque saison un calendrier très serré.
L’entraîneur de Lorient, Christian Gourcuff s’est beaucoup plaint de la piètre qualité de la pelouse du Moustoir. Après avoir fait étudier les éventuels travaux pour jouer sur une belle pelouse, le club et la Ville ont opté pour le synthétique, qui garantit une qualité de jeu dès la livraison, là où une rénovation du gazon naturel est plus longue et plus aléatoire.
Le Grand Nancy est pour sa part candidat à l’accueil de l’Euro 2016, une candidature renforcée par le récent forfait de la Meinau à Strasbourg, et le stade Marcel-Picot est un projet politique de première importance pour les élus locaux. Le passage au gazon synthétique est une première étape qui permettra la couverture du stade dès que les financements seront réunis. Le toit assurera à la Communauté Urbaine la capacité à accueillir des spectacle en plus d’éventuels grands matches de football.
En 2004, le Board de la FIFA autorise les matches officiels des compétitions internationales sur revêtement synthétique, à condition que le terrain soit conforme aux exigences établies par son comité technique [2]. La FIFA a défini deux standards de terrains, la catégorie FIFA deux étoiles est exigée pour toutes les phases finales de compétitions, la catégorie FIFA une étoile est suffisante pour accueillir des matches éliminatoires à une compétition FIFA.
L’UEFA, souveraine sur sa confédération, exige cependant que ses compétitions de clubs (Ligue des champions et Ligue Europa) ainsi que les matches internationaux soient joués sur des terrains la catégorie FIFA 2 Stars. L’ensemble des grandes fédérations européennes suivent cette recommandation et en France, la LFP et la FFF attendent le classement des terrains de Nancy et Lorient dans la catégorie FIFA 2 Stars.
La décision du Board de 2004 arrive alors que les experts avaient peu de recul sur l’impact des gazons synthétiques à un haut niveau [3]. Toutefois, la FIFA, en créant son label qualité au début des années 2000, avait instauré un système très lucratif de licences qui s’essoufflait.
Le principe de la licence est simple : un fabricant paie pour utiliser le logo du système qualité de la FIFA. La licence court sur une période de trois ans. En 2004, ce premier système arrivant à échéance pour de nombreux fabricants [4] , la FIFA leur a proposé de repartir sur un nouveau système qualité qui est encore en vigueur en 2010. Artificial Turf (gazon synthétique) devient Football Turf (pas de traduction à l’heure actuelle en français), la FIFA reproduisant pour les gazons synthétiques son système qualité en place pour les ballons (FIFA Approved / FIFA Inspected).
Les ressources glanées par la FIFA avec ces licences (ballons et gazon) servent à financer de nombreux projets Goal ou des subventions pour la création de terrains de sport, notamment en Afrique où chaque fédération s’est vu offrir un terrain en gazon synthétique entre 2007 et 2010. Les installations FIFA deux étoiles ne gardent ce statut que douze mois, la FIFA ayant "des exigences strictes" qui doivent être respectées lors de chaque étape du cycle de vie de la pelouse (voir les tests de résistance et de jouabilité de la FIFA).
Les gazons synthétiques de Nancy et Lorient seront contrôlés chaque été, tant qu’ils accueilleront des matches de Ligue 1 ou Ligue 2. Ils seront aussi scrutés par les observateurs et foulés avec attention par les footballeurs, et l’on saura peut-être si l’arrivée des pelouses synthétiques peut significativement changer le football.
En dernière analyse, on espère surtout que la différence soit aussi minime que possible.
- Avec
[1] Envirosport, basée à Amiens, filiale du groupe allemand Polytan a remporté les deux appels d’offres, grâce notamment à ses références suisses (Berne et Neuchâtel) et autrichienne (Salzburg) – des terrains installés dès 2006.
[2] FIFA Quality Concept for Football Turf.
[3] Encore aujourd’hui, les études sont peu nombreuses et se contredisent, la MMArena du Mans ne sera pas équipée d’un gazon synthétique car il serait une "cause supplémentaire" de blessure.
[4] Les licenciés et leurs terrains "FIFA recommended".