Pour aider les pauvres policiers européens dans leur gai travail d’expulsion, de petits malins autrichiens vont créer une compagnie aérienne, baptisée « Asylum », spécialisée dans le « raccompagnement ». Et certains disent que l’Europe n’avance plus…
« Les bonnes idées, comme notre future compagnie aérienne Asylum Airlines, naissent souvent dans la convivialité, autour d’un verre », raconte Heinz Berger. Le consultant en affaires aéronautiques a le verbe facile, le sens aiguisés du business et connaît beaucoup de beau monde. Et pas seulement dans sa patrie, l’Autriche.
D’un ton chantant, Berger explique comment l’idée d’une compagnie aérienne européenne spécialisée dans l’expulsion des sans-papiers est née : « Nous avons beaucoup de contacts dans le monde de la police, possédons le savoir-faire nécessaire et nous avons compris qu’il y a un vrai problème dès qu’il s’agit de refouler des illégaux hors d’Europe. Renvoyer « ces gens-là » dans leurs pays d’origine, ça coûte cher, autant qu’un billet en classe affaire ou même parfois un billet Firstclass, et c’est le contribuable qui paye la note », résume Berger, qui se plaît à « rationaliser les problèmes et surtout leur trouver des solutions adaptées ».
Heinz Berger est volubile mais tenace et rompu aux négociations même les plus ardues. Comme ses deux partenaires, eux aussi très bien intégrés dans le petit monde très international de la sécurité. Hermann Heller est avocat d’affaires et un haut gradé de l’armée autrichienne. Carl Julius Wagner est le représentant d’entreprises aéronautiques étrangères comme le constructeur d’aviation américain Sikorsky en Autriche. C’est par son intermédiaire que l’armée autrichienne achète ses hélicoptères et avions.
Les trois partenaires soignent leurs contacts et raffolent des discussions à bâtons rompus. « Nos amis dans les milieux de la police nous ont souvent fait part de leurs soucis. Ils racontent comment les sans-papiers se comportent quand ils sont renvoyés chez eux. Ces gens-là sont très bien informés, ils savent se faire de la publicité. Parfois ils réussissent même à émouvoir l’équipage et le capitaine. ». Du coup, explique Berger, certaines expulsions doivent être reportées. Ce qui équivaut à une perte sèche pour : « Les États et les compagnies aériennes qui perdent beaucoup d’argent et gagnent en mauvaise publicité ».
Berger et ses deux amis ont donc décidé de faire des malheurs des plus nombreux une affaire juteuse. Ils ont fignolé pendant plus d’un an un plan susceptible de présenter « une solution praticable et économique au renvoi de “ces gens-là” ».
Berger démarche déjà pour Asylum Airlines, qui devrait commencer ses premiers vols cet été. Avec succès, assure-t-il. L’homme d’affaires refuse de nommer ses clients. « Ce serait une mauvaise stratégie commerciale ». Selon des informations du journal The Independent, le ministère de l’Intérieur britannique aurait bien été contacté. À Berlin et Bruxelles dans les milieux gouvernementaux, on confirme que des efforts européens sont « en cours » pour trouver des solutions communes au renvoi des indésirables. Pour le moment sans résultats.
Pendant ce temps, le trio peaufine les détails pour les premiers vols renvois. Les trois premiers avions qui constitueront la flotte de départ seront aménagés pour les besoins très particuliers des gardiens de ceux qui voyagent contre leur gré. « Tout est pensé pour qu’un très grand nombre de sans-papiers soient transportés avec moitié moins d’agents de sécurité qu’habituellement ».
Les passagers de cette classe à part seront attachés dans des petites cabines où tout ce qui pourrait être tranchant sera revêtu de mousse pour empêcher… les accidents. Le plan de vol sera défini selon la destination finale. « Par exemple le lundi, nous partirons de Vienne et ramasserons à Berlin, puis Paris puis Madrid tous ceux qui sont renvoyés au Nigeria. Le mardi, on fera le vol pour le Pakistan. Et ainsi de suite ».
Berger respire le contentement de soi. Non, assure-t-il plusieurs fois pendant sa conversation avec Bakchich, son business n’a rien de politiquement suspect. Au contraire, ce serait même « tout à fait politically correct ». La preuve : un médecin et un délégué des droits de l’homme seront de chaque voyage. Et les expulsés auront même le droit à un sandwich et de l’eau. Gratuitement.