L’AS Monaco, princière, connaît une nouvelle révolution de Palais. Exit l’entraîneur Ricardo, bonjour l’ex-directeur général revenu en grâce Marc Keller. Reste un souci, l’argent ? Un comble sur le Rocher !
Monaco a beau être un état catholique [1] et son archevêque arpenter Lourdes en long et en large, il n’y a pas de miracle. Le pays du luxe et des Ferrari connait aussi la crise. Finances publiques en berne (les recettes de l’Etat ont diminué de 14% au premier trimestre), manifestation historique des salariés à deux pas du casino… même les jeux, secteur fétiche de la principauté, sont en chute libre. Pire, suite au G20, Monaco, toujours classé parmi les paradis fiscaux par l’OCDE, devra montrer patte blanche d’ici la fin de l’année et enfin permettre une transparence coopération fiscale avec l’Union européenne… Comme quoi tout fout le camp.
Et comme un malheur ne vient jamais seul, les (rares) supporters de l’ASM voient rouge. Le club de Ligue 1 (enfin pour le moment) a beau remonter péniblement à la 11ème place du championnat, l’ASM, qui a fait la gloire de Monaco dans le passé, ne fait plus rêver. Elle est bien loin la finale de la champions league en 2004.
Fini le temps où le président de l’ASM Jean-Louis Campora régnait en maître et influait sur l’avenir de la ligue. Oubliée la période où Monaco caracolait en tête du championnat, jalousé par les présidents de clubs rivaux comme Jean-Michel Aulas des avantages fiscaux dont bénéficient les rouge et blanc.
Aujourd’hui, le club boit la tasse. Le joujou d’Albert encaisse les coups, de tous les côtés. Quatre présidents en six ans, des changements de staff et d’entraîneurs incessants, une trésorerie en rade… personne ne comprend plus rien à la gouvernance du club. Dernière surprise en date : sur la planète entière, on fustige les banquiers, des cadres abandonnent même le traditionnel costume cravate pour éviter de se faire agresser à la sortie du bureau. A Monaco, pas question de brocarder les hommes d’argent. On les proclame princes du foot. Fin mars, Etienne Franzi, président de la Compagnie monégasque de banques (l’un des sponsors du club), a pris la tête de l’ASM.
La rumeur bruissait depuis un bon moment mais beaucoup de supporters en sont toujours estomaqués. Car s’il fallait bien remplacer Jérôme de Bontin qui a pris ses clics et ses clacs après avoir repris le club en sauveur il y a à peine un an, le choix n’a pas ravi tout le monde à Monaco, loin de là. On a reproché à Michel Pastor d’être un mauvais communicant. A Monaco, on rigole. Le nouveau président incarne l’omerta des banques de la place avec une communication réduite au silence radio. Sait-on jamais : l’air du stade Louis II lui donnera peut-être des ailes.
Pour épauler Franzi, le conseil d’administration du club a choisi Michel Aubery, le président de la section amateur mais surtout un proche d’Albert. Un Barbajuan, du nom de l’équipe de foot de copains du prince qui a visiblement ses entrées au palais. On dit même que l’ancien président délégué sous l’ère Pastor, Gérard Brianti, qui était également un fidèle Barbajuan, pourrait revenir dans le circuit de l’ASM. Après tout, après les retours évoqué de Jean-Luc Ettori ou confirmé de l’ex-directeur général Marc Keller, qui avaient du faire leurs valises il y a quelques mois, on est plus à un remue-ménage ou à une inconstance près.
Sur le plan financier, Monaco est dans le rouge. Un rouge écarlate. Ce n’est pas nouveau. Un audit réalisé en 2003 et resté confidentiel après avoir été visé au palais montrait déjà les problèmes de trésorerie. Mais fin 2008, le ministre d’Etat Jean-Paul Proust (soit le premier ministre monégasque) était très inquiet pour la saison 2010-2011. Au point que l’ancien préfet de police de Paris a brandi la menace : si la Société des bains de mer, société hôtelière qui a le monopole des jeux à Monaco et dont l’Etat est actionnaire majoritaire, ne crachait pas au bassinet, le club qui frisait le dépôt de bilan devrait « mettre la clé sous la porte. » Au départ, la SBM devait se contenter de sponsoriser le club à hauteur de 7,2 millions d’euros. Aujourd’hui elle a carrément endossé le costume d’actionnaire tout comme les promoteurs immobiliers Claudio Marzocco et Patrice Pastor, neveu de l’ancien président Michel Pastor (lui même beau-père de David Hallyday). Ce nouveau pool d’actionnaires investit 20 millions d’euros sur deux saisons. Mais le club manquant de liquidités, ce noyau dur d’investisseurs monégasques pourrait se voir rejoindre par d’autres actionnaires. C’est en tout cas ce qu’Albert a confié la semaine dernière à L’Equipe. Comment les appâter ? Pas facile. Jérôme de Bontin s’y est cassé les dents. Ça n’a déjà pas été du gâteau pour convaincre les locaux. A preuve, les promoteurs Patrice Pastor et Claudio Marzocco, tous deux candidats au projet avorté d’urbanisation en mer (estimé à plus de 8 milliards d’euros), sont tellement ravis d’être actionnaires qu’ils n’apparaissent même pas dans le conseil d’administration du club. Mais visiblement, à Monaco, on ne dit pas non au prince ou à son gouvernement, surtout quand ses chantiers à venir dépendent de lui…
En temps normal, à Monaco, on n’aime pas couper les têtes. Sans doute en raison de mauvais souvenirs d’une princesse guillotinée lors de la Révolution. Albert, à qui on reproche au contraire son immobilisme, n’est pas réputé pour faire le ménage et répudier les caciques du pouvoir. Pourtant ces derniers temps, les têtes voltigent. Parmi les météorites, on compte Jérôme de Bontin, que l’on croyait protégé par son statut d’ « ami d’Albert ». L’aller-retour monégasque n’aura pas été si néfaste : on le dit dragué par Auxerre et Paris. Qui ne connait pas aujourd’hui Eric Danon ? L’homme qui s’est depuis fait remarquer pour ses liens étroits - amicaux et financiers - avec Bernard Kouchner reste l’ « ambassadeur éclair » de France à Monaco. En bisbille avec le Ministre d’Etat, il n’est resté en place que 7 mois… Dans son sillage, l’explorateur Jean-Louis Etienne a également pris son billet retour pour Paris au bout d’un an tout rond. Motif invoqué : ses qualités de gestionnaire. Comme si le médecin avait été vraiment choisi au départ pour ses talents comptables… On lui reprochait d’avoir dit tout haut ce que tout le monde pensait : que le projet d’urbanisation en mer, arrêté à la fin 2008, risquait de polluer le littoral méditerranéen.
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[1] où les intégristes arrivent à bloquer pendant des années la légalisation de l’avortement et où l’opus dei serait très présent.