Robert Eringer, ex-conseiller spécial chargé du renseignement de Son Altesse Sérénissime Albert II, proteste de n’avoir pas été suffisamment payé d’une importante mission pour le prince.
Albert II de Monaco est-il une « pince » ou un pigeon ? Difficile à dire. Ce qui est certain en revanche c’est qu’un certain Robert Eringer, titulaire de la carte n° 001 du service de renseignement pompeusement baptisé « Monaco Intelligence Service » et ex-conseiller spécial chargé du renseignement de Son Altesse Sérénissime le prince Albert II, affirme avoir donné de sa personne entre le 16 juin 2002 et le 31 décembre 2007 pour aider Albert à faire le tri entre ses rares vrais et ses nombreux faux amis. Et ne pas avoir été payé de retour. Ou pas suffisamment.
D’ailleurs les confidences du maître du contre-espionnage monégasque à Paris Match du 5 novembre étaient illustrées d’une reproduction du sésame princier où l’on peut lire : « Le porteur de cette carte agit sur autorité de S.A.S. le prince Albert II Toutes les autorités militaires et civiles ainsi que les forces armées doivent le laisser circuler librement et lui accorder une assistance totale et confidentielle ». Un signe extérieur d’une incontestable proximité avec le prince et d’une bonne connaissance des « affaires » de l’État monégasque qu’il gérait, selon ses dires, à partir d’un trois pièces discret situé au dixième étage de l’immeuble du 11 boulevard Albert 1er…
Et Robert n’y va pas avec le dos de la cuillère lorsqu’il s’agit de vendre sa marchandise et de se hausser du col : « … en identifiant les ‘bad guys’ j’ai ainsi alerté le prince sur un certain nombre de personnalités sulfureuses venues de l’Est ou d’Italie, qui essayaient de le rencontrer ou d’utiliser Monaco comme base arrière pour leurs affaires. J’ai empêché qu’un Russe à la réputation douteuse, Alexei Fedorichev n’investisse dans le club de foot de la principauté, l’AS Monaco, ou encore qu’un autre Russe, Sergeï Pugachev, ne signe un joint-venture avec la Société des Bains de mer. J’ai signalé au prince que Monaco faisait l’objet de tentatives d’infiltration de la part du FSB, le service de renseignement russe, ainsi que des loges maçonniques criminelles. Et j’ai mis en lumière les liens entre certaines banques monégasques et la mafia italienne… ».
Et pour toute reconnaissance de ses services éminents, Eringer serait reparti en Californie fin 2007 avec un bras d’honneur du prince en guise de bonus. C’est en tout cas la version de la fin de ses relations contractuelles, qu’il a donné à l’appui des deux plaintes qu’il a déposées pour non paiement de factures.
Dans un communiqué du 19 novembre 2009, son avocat Brigham J. Ricks confirmait le dépôt devant la cour supérieure de Santa Barbara en Californie d’une plainte contre la principauté de Monaco pour rupture abusive de contrat et fraude.
Ricks indiquait également que son client s’était vu contraint de retirer sa première plainte visant personnellement Albert, ce dernier ayant invoqué pour se soustraire à la justice californienne, l’immunité dont il bénéficie en sa qualité de chef d’état.
Ricks avait déjà précisé dans un précédent communiqué daté du 13 novembre, que l’annonce par l’état-major du palais princier et par l’avocat du prince Maître Thierry Lacoste, d’un prétendu dépôt de plainte en Californie à l’encontre de son client n’était que du bluff. D’ailleurs ajoutait l’avocat californien non sans malice, le dépôt d’une telle plainte est peu probable puisqu’elle obligerait Albert à venir déposer sous serment et à s’exposer ainsi à un éventuel risque de parjure.
Stanley S. Arkin, avocat new yorkais d’Albert II, n’est pas en reste. Le 13, il annonçait également sa requête en nullité de la plainte visant Albert II, en indiquant d’abord que le droit international reconnaissait clairement l’immunité absolue des chefs d’états souverains devant les juridictions américaines. En outre, ajoutait-il, il est établi que les demandes d’Eringer portent sur un contrat qui ne concerne en rien, les USA et la Californie (« on peut difficilement concevoir un scénario plus inapproprié quant à la compétence de cette juridiction » commentait-il dans ses écritures).
Pour remettre l’affaire en perspective, Arkin rappelait l’existence d’un courrier de septembre 2009, dans lequel Eringer aurait exigé du prince, le versement d’une somme de 400 000 euros en échange d’une garantie de confidentialité sur le contenu de la plainte qu’il envisageait de déposer.
Comme si la tentative d’extorsion n’était pas assez évidente, Arkin concluait ses écritures par un feu d’artifice du meilleur goût : « …Sa frustration de ne pouvoir obtenir les fonds auxquels il ne peut prétendre démontre son intention maligne. Sa plainte porte sur une somme de 40 000 euros, soit une fraction de ce qu’il demandait à l’origine…Eringer s’efforce de transformer une pure tentative d’extorsion de fonds en un procès sans cause, relatif à un différend contractuel ; comme le prouve la consultation des archives publiques, ce n’est pas la première tentative de ce genre à laquelle il se livre… »
Alors, habillé pour l’hiver Robert Eringer ? Pas sûr. L’homme est un personnage de roman qui ne s’en laisse pas facilement conter ; successivement journaliste, consultant en intelligence économique, romancier, agent de renseignement ayant semble-t-il rendu pas mal de services au FBI pendant plusieurs années, Bob est surtout très bien renseigné.
On se souvient notamment du curriculum vitae aussi détaillé qu’éloquent mis en ligne le 20 décembre 2008 sur son blog à la veille de la présidence Tchèque de l’Union Européenne. Il s’agissait en l’espèce de celui de Vaclav Klaus, président de la république et très ancien agent de l’Est sous le nom de code « Vodichka » dont Eringer retraçait la carrière au service de l’Internationale communiste. Pas étonnant que la présidence tchèque se montra un brin timide à la suite de telles « lettres de créances »… Les affirmations d’Eringer sur le pedigree de Klaus n’ont étrangement jamais été démenties par l’intéressé.
« Le prince a vite oublié sa promesse de faire le ménage à Monaco » confiait Eringer à Paris-Match il y a à peine quelques semaines. Un phrase lourde de sous-entendus qui laisse sans doute augurer d’un déballage sordide au cas où Albert II persisterait à nier quelque obligation financière que ce soit, fut elle modeste voire ridicule, envers son ex-James Bond.
Falciani s’exprime sur HSBC
Prétendument traqué par la mafia et sous protection policière, Hervé Falciani se confie décidément beaucoup. Dans le dernier numéro de Bakchich, il raconte sa vie au sein de la banque genevoise. Extraits. « J’ai grandi dans un paradis fiscal (ndlr : Monaco). Ma carrière a commencé au casino de la Principauté et s’est poursuivie à la Banque Edmond Safra, dont le fondateur est mort dans des conditions mystérieuses a Monaco. La banque Safra a été rachetée par la HSBC, où j’entre officiellement en 2000. »
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Monaco:La Tour infernale
L’opération « main propres » engagée par le parquet de Marseille autour de la construction d’une tour à Monaco continue. Un vaste chantier ayant généré d’importantes commissions occultes.