Le parquet ne fera pas appel. Chirac est renvoyé en correctionnelle. Et conserve sa côte d’amour…Douce France
La vieillesse est un naufrage, se lamente la sagesse populaire. Pas pour tous, lui rétorquerons-nous. Si certains plongent irrémédiablement dans la décrépitude physique et morale que garantit le minimum vieillesse, pour d’autres, l’âge est un levier qui élève leur carcasse décatie sur le pavois des Grands Hommes de la Patrie Reconnaissante.
Prenons un exemple au hasard. Voyez ce jeune loup du siècle dernier : partisan engagé de l’Algérie française, tombé judicieusement de communisme en gaullisme par foi en son propre destin, marié par amour de sa carrière et séducteur compulsif, bulldozer ministériel de la pompidolie, acteur central du système pourri de financement du parti qui le porte au pouvoir, complaisant témoin des magouilles de vente d’armes et d’attribution de marchés publics, ami indéfectible des dictateurs africains et gourmand gargantuesque glorieusement réélu grâce au slogan inspiré « votez escroc pas facho » quelques années après avoir fait évacuer, à coups de hache et de matraque, une église parisienne où s’étaient réfugiés des sans papiers à l’odeur désagréable.
Ce héros balzacien, dont on comprend pourquoi les beaux-parents hésitaient à lui confier leur fille, la vieillesse l’a transfiguré.
Sommé de se présenter, pour quelques broutilles, devant les tribunaux d’où on peut raisonnablement penser qu’il sortira sans trop de dommages, le vieillard serein suscite des commentaires aussi déférents que polyphoniques : l’homme qui a tant donné à la France mérite d’être laissé tranquille, assure l’une ; il a le droit de vivre en paix, estime l’autre ; c’est le personnage préféré des français, rappelle le troisième ; de toute façon c’est trop tard et pas bon pour l’image de la France, conclut-on.
Mieux, victime de l’acharnement d’un juge d’instruction, dont il convient de supprimer au plus vite la fonction, le vénérable vieil homme est brandi comme la preuve vivante de l’indépendance de la justice. Qu’on se le dise, en France, la justice est la même pour tous ! Julien Coupat appréciera.
Devant tant de déclarations emmiellées, on en viendrait presque à goûter le mordant revanchard d’un autre papy des tribunaux. Il va tous les lâcher, nous promet le condamné, vieux briscard des secrets puants de la République. On va voir ce qu’on va voir ! En attendant, l’extrême droite moribonde relève sa tête de goule. Et les Français sondés d’approuver en masse le grand débat sarkozyste sur l’identité nationale et le braillement scolaire de la Marseillaise. Les peuples aussi, ça vieillit mal.
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