La préparation du Sommet arabe de Damas qui se tiendra dans la capitale syrienne les 28 et 29 mars prochains se déroule dans un contexte de vendetta, après l’assassinat du chef militaire du Hezbollah libanais. Entre chamailleries à n’en plus finir et donnant-donnant sur le dossier libanais, ça se passe mal.
Le temps presse. À une semaine du sommet arabe de Damas des 28 et 29 mars prochains, aucun compromis sur le dossier libanais n’a été trouvé entre la Syrie et les deux puissances arabes que sont l’Arabie Saoudite et l’Egypte. Et entre Syriens et Saoudiens, l’ambiance est carrément à couper au couteau comme en témoigne cette anecdote : Damas a envoyé son invitation pour le sommet au roi d’Arabie Saoudite par l’intermédiaire du ministre adjoint de l’Association du Croissant Rouge dont le ministère semble avoir été créé pour l’occasion. La Syrie n’a en effet pas apprécié que l’Arabie Saoudite ait refusé de recevoir le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, et a rendu la politesse à Riyad. Ambiance…
Renforcé par la présence confirmée d’au moins dix chefs d’Etat arabes dont quatre des pays membres du CCG (Conseil de coopération du Golfe) à Damas, le président syrien Bachar al-Assad montre une indifférence toute relative à l’égard des voix qui se font entendre, notamment saoudiennes, sur le dossier libanais et qui exigent qu’un Président de la république libanaise soit élu avant le début du sommet.
En parallèle, certains observateurs croient toujours à une sortie de crise de dernière minute dans le dossier libanais. Pour cette raison, le premier ministre qatari, cheikh Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani et le ministre du Sultanat d’Oman, Youssef al-Alaoui, font la navette depuis une semaine déjà entre Damas, Riyad et le Caire pour tenter d’arrondir les angles et de trouver des dénominateurs communs, même provisoires, entre les acteurs du dossier libanais.
Pendant ce temps, en visite au Proche-Orient, le vice-président américain Dick Cheney, tente de tordre le bras aux pays arabes modérés pour qu’ils boycottent le sommet ou, du moins, ne soient pas représentés par leurs chefs d’État. De son côté, le diplomate en chef de l’Union Européenne, Javier Solana, a fait les gros yeux à la Syrie à cause de son comportement qui ne facilite pas l’élection du général Michel Soleïman à la tête du Liban. Une « menace » qui n’a visiblement pas inquiété les Syriens qui ont dénoncé une ingérence dans les affaires inter-arabes et estimé que les Européens feraient mieux de se tenir éloignés de ce dossier.
Malgré ces passes d’armes, la majorité des États arabes craint les conséquences d’un échec du sommet. Ils ont bien conscience que la Syrie et son principal allié, l’Iran, possèdent des cartes maîtresses aussi bien en Irak, en Palestine qu’au Liban, et qu’ils sont donc susceptibles de déstabiliser plusieurs régimes arabes. D’autant que le pouvoir syrien a reporté sa riposte à l’assassinat sur son territoire du chef militaire et sécuritaire du Hezbollah libanais, Imad Moughnieh, après le sommet de Damas. Mais le fait que les Syriens laissent entendre que les services secrets d’un État du Golfe soient impliqués dans cet assassinat est un message qui a par contre été reçu cinq sur cinq par le pays concerné. Il s’agirait, dit-on, des services saoudiens.
Dans ce contexte de vendetta, si l’Egypte, l’Arabie Saoudite et la Jordanie étaient représentées au sommet par leurs chefs d’État, alors Damas saura opter pour la voie du compromis en lançant un appel à la solidarité arabe. Mais cela aura un prix, et l’on parle déjà d’un troc entre les principaux acteurs du dossier libanais. Il faut en effet savoir que pour la Syrie, la relance de l’initiative de paix avec Israël, initiée par le roi d’Arabie Saoudite, Abdallah, est une atteinte aux intérêts syriens au Liban. Dans ce contexte, les termes du troc pourraient être les suivants : permettre à Damas de récupérer son rôle d’antan au pays du Cèdre. Ce que les États-Unis et une partie des Européens ne sauraient accepter.
Plus le coup d’envoi du Sommet fixé au 28 mars approche, plus les pays arabes jouent des coudes pour renforcer leurs positions. A Damas, on se concerte au quotidien avec Tripoli et Alger, ce qui inquiètent les Saoudiens. Du coup, ces derniers ont dépêché, mardi 18 mars 2008 à Alger, leur chef de la diplomatie, le prince Saoud al-Fayçal. Après sa rencontre avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika, il a signé un mémorandum d’entente portant sur la « création d’un mécanisme de concertation politique et de coopération entre les ministères des Affaires étrangères ». La première formule de ce genre entre ces deux pays arabes.
De sources algériennes proches du palais d’El-Mouradia (la présidence algérienne), on apprend toutefois que l’objectif de la visite de Saoud al-Fayçal, était surtout de demander la médiation de l’Algérie auprès de la Syrie dans les dossiers libanais et palestiniens avant le sommet de Damas. Riyad redoute en effet des surenchères, notamment après les derniers actes de résistance du mouvement du Hamas à Gaza. Et patatras, voilà qui a poussé l’Egypte à jouer les intermédiaires entre ce dernier et le gouvernement israélien…
Les prochains jours seront donc décisifs. On saura si les parties concernées, qu’elles soient régionales ou internationales (notamment américaines), choisiront de torpiller le sommet ou parviendront, au contraire, à le transformer en un sommet de défi et de résistance. Mais dans les deux cas de figure, le régime syrien en sortira gagnant. Seule une attaque israélienne contre la Syrie et l’Iran pourrait en décider autrement. Ce qui ne semble plus à l’ordre du jour après les récents déboires économiques et financiers de George W. Bush.