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Les logiques d’une Europe sans tête

UE / dimanche 29 novembre 2009 par Guillaume Sacriste
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Certains pensent le pouvoir européen comme l’émergence d’une structure institutionnelle tripartite rigide. Mais personne n’a jamais parlé au nom de l’Europe, car le principe est que chacun apporte sa pierre au processus de décision.

On a tôt fait de crier haro sur les nominations de Herman Van Rompuy et Catherine Ashton aux postes de Président et de « Ministre des affaires étrangères » de l’Union européenne.

Il s’agirait là de personnalités ternes, sans expérience européenne pour l’un, sans consécration du suffrage politique pour l’autre, sans réelle envergure européenne pour l’un comme l’autre. Les gouvernements des grands Etats, à commencer par celui de la France, auraient procédé à ces nominations pour « la déco ». Une opportunité aurait ainsi été une fois de plus manquée pour renforcer l’Europe politique, une Europe qui définitivement peinerait à exister.

Ceux qui défendent cette interprétation procèdent tout au moins par simplification. Ils pensent que l’Europe aurait vocation à se doter d’un gouvernement comparable à ceux des Etats-nations occidentaux.

Alors que le pouvoir politique européen est diffus et fragmenté, eux le pensent comme l’émergence une structure institutionnelle tripartite rigide :

1. un chef d’Etat, les présidents tournant du Conseil européen ( la présidence Sarkozy ayant démontré, peut-être plus pour nous que pour le reste des Européens, qu’un président de conseil européen énergique pouvait bien ressembler étrangement, trait pour trait, à un chef d’Etat énergique dans un Etat-Nation) ;

2. un gouvernement, le collège des commissaires ayant à sa tête un premier Ministre, le président de la commission Manuel Barroso ;

3. un parlement, le parlement européen élu au suffrage universel par un collège de citoyens européens à l’image là encore de nos parlements nationaux.

L’Union ainsi tracée sur un patron nationalisé, la nomination d’un personnage inexpérimenté aux fonctions de président du Conseil européen identifié à un chef d’Etat de l’Europe serait un crime de lèse-intégration : qui penserait mettre un inconnu notoire à la tête de l’Etat français !

Nommer quelqu’un d’extérieur à un corps diplomatique national comme Ministre des affaires étrangères du gouvernement de l’Europe : ce serait sabrer la puissance extérieure de l’Union quand ce poste est réservé à des diplomates de carrière dans les Etats-Nations.

Mais en réalité, l’Union européenne ne ressemble en rien aux régimes politiques des gouvernements des Etats-Nations de l’Europe. Ceux qui savent la complexité du gouvernement de l’Europe ont depuis longtemps compris qu’il convenait de décentrer l’analyse des individus vers celles des logiques dans lesquelles les multiples acteurs de l’Europe sont pris et parmi celles-ci la logique qui pousse au sein de l’Union à la recherche du compromis tant elle est décisive dans la construction communautaire.

Aucune personne n’a jamais parlé au nom de l’Europe, ni Delors, ni Sarkozy, ni Javier Solana… Van Rompuy ou Cathy Ashton ne le feront pas davantage demain car le principe qui préside au fonctionnement du gouvernement de l’Europe est que chacun apporte sa pierre au processus de décision de l’Union sans qu’aucun n’incarne l’Union. C’est en fait le sens même du mot de communauté (européenne).

L’Europe a été pensée comme une communauté d’acteurs : la Commission, le Conseil, le parlement européen, les gouvernements des Etats-membres, les groupes d’intérêts, les parlements nationaux, les collectivités territoriales etc. devant s’effacer derrière la promotion de l’intérêt communautaire. La définition de cet intérêt émerge de l’interaction de cette diversité d’acteurs, les fonctionnaires européens ayant pour charge de le mettre en forme. Tous contribuent à la définition de l’agenda communautaire, aucun n’en détient la clef.

On aura peut-être besoin de têtes incarnant l’Etat européen quand il y aura un Etat européen. En attendant, l’Europe est un système fluide, acéphale et dilué ayant vocation non pas à être tenu par l’une quelconque de ces personnalités héroïques (Blair, Junker, Miliband, etc.) dont les commentateurs attendaient la nomination avec impatience.

En réalité, plutôt que par le charisme individuel des uns ou des autres, l’Europe est tenue et soutenue par le droit communautaire, le fameux « acquis » encadrant l’espace des possibles des prises de décisions européennes de bornes indépassables, surveillées par les 27 juges de la Cour de justice des communautés européennes.

Pour qui ne veut pas se payer de la fausse monnaie paresseuse du décalque de l’Union européenne sur le patron des gouvernements nationaux, des nominations fondamentales au sein du régime politique de l’Union européenne ont récemment été effectuées. Ce ne sont pas celles du président du Conseil européen ou du Ministre des affaires étrangères de l’Union. Mais le 7 octobre 2009, la moitié des juges de la Cour de justice des Communautés a été renouvelée. Ceux-là font moins de bruit et n’ont pas vocation à passer à la télévision. Mais ceux-là sont les atlantes qui supportent l’édifice européen tel qu’il est.

Guillaume Sacriste est maître de conférences à l’Université Paris-I.

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