On nous prend pour des couillons

Oh, je vous conseille 100 fois Bruno Le Maire, notre ministre de l’Agriculture. Et non pas pour ces quelques mots publiés dans l’un de ses livres : « Quand je me laissais envahir par la chaleur du bain, la lumière de la lagune qui venait flotter sur les glaces de la porte, le savon de thé vert, et la main de Pauline qui me caressait doucement le sexe. » (le Ministre, Grasset, 2004).

À la vérité, il y a mieux.

Dans un entretien à Libération le 25 novembre, Le Maire montre, s’il en était besoin, ce qu’est un ministre de l’Agriculture : un vulgaire lobbyiste.

Ainsi sur le sujet de la pêche industrielle, qui est en train de tuer un poisson mythique de notre mythique Méditerranée : le thon rouge. Le Maire, alors que la France continue de défendre une poignée de patronspêcheurs prospères : « Si on va trop vite, on va mettre à la casse des bateaux de pêche, on va perdre des emplois – 1 000 emplois sont concernés. »

Sur l’agriculture industrielle, qui a empoisonné de pesticides toutes les rivières, les côtes, les sols, les aliments, l’air, on applaudit derechef : « Mais n’oublions pas que l’agriculture la plus propre au monde, si on parle des grands pays agricoles, c’est l’agriculture européenne. » Sur l’agriculture bio, on hésite entre le rire et le rire : « Je suis prêt à soutenir le bio, et je rappelle que j’ai maintenu l’intégralité des crédits pour le soutien au bio sur 2011, après les avoir augmentés en 2010. »

On me permettra de dire à monsieur le ministre qu’il nous prend pour de gentils couillons.

Le si fameux Grenelle de l’environnement avait promis de faire passer la surface agricole utile du bio en France d’un peu plus de 2% à 6% en 2012. Nous étions alors en 2007, et le boss de Bruno Le Maire, Sarkozy, parlait de « New Deal » écologique, de «  révolution » sans précédent. Nous approchons de 2011 et la France n’atteint pas les 2,5% de surfaces cultivées bio sur son territoire. Autrement dit, il ne reste qu’un an pour faire plus que doubler ce qui existe. Autrement dit, cela ne se fera pas.

On peut en revanche être certain d’une chose : le nombre de paysans va continuer de baisser. Certains syndicats parient sur une disparition de 30% d’entre eux en seulement deux ans. Au profit des tracteurs et des pesticides.

Le Maire, expert en novlangue : « Il n’y a pas d’agriculteurs forts sans une industrie forte. Et il n’y a pas d’industrie agroalimentaire qui puisse vivre sans que les paysans soient correctement rémunérés. » Aucun doute : il sera tôt ou tard Premier ministre, voire pire.

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