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Eté de m… (3) : allée des marronniers, bis

racket / mercredi 19 août 2009 par Séverin Buzinet
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Chaque année, c’est pareil : l’été, c’est un sac d’embrouilles. Petit inventaire des emmerdeurs et des emmerdements estivaux.

Cela fait plusieurs années que la nouvelle est ressassée pendant deux mois : les Français, qui partent de moins en moins en vacances, vont de plus en plus à la campagne. Une foule de reportages viennent l’attester, sans parvenir vraiment à nous convaincre. On promène un micro le long d’une flaque baptisée « base nautique » : les estivants affirment avec une conviction hilare que « c’est aussi bien qu’à la mer, et qu’on y fait tout pareil » (y compris se noyer, souffle le mauvais esprit). Donc, autant aller à la mer, dit la raison. C’est ce que continue à faire, malgré tout, une immense majorité de vacanciers, car on n’enregistre pas vraiment de désamour pour les plages, qui, logiquement, devraient se désertifier suite à cet engouement pour les vacances rurales…

Vacances rurales - JPG - 69.3 ko
Vacances rurales
© Nardo

CE SOIR, APERO CHEZ MARCEL !

Evidemment, la campagne, c’est moins cher. Il est humain que, quand le porte-monnaie coince, on trouve des charmes au Camping du Lac, même s’il faut se baigner dans de l’eau beige en enfonçant ses orteils dans une vase à l’odeur fade. Et on peut même concevoir que ces plaisirs-là valent bien ceux des entassés de la Riviera et des douchés de la Bretagne, qui ont retenu à prix d’or depuis six mois un appartement humide dans une fausse chaumière exilée à cinq bornes du littoral. Le marronnier « le camping à la campagne séduit de plus en plus les humbles » fait néanmoins l’impasse sur l’odeur dense de pastaga qui imprègne caravanes et mobil homes. L’apéro est le grand orgasme collectif des étés prolétariens  : leurs couchers de soleil se déclinent en jaune et bleu, comme les casquettes. Et pour les orgasmes particuliers, il y a l’adultère entre quadragénaires grivois, quand Marcel a ses deux grammes, derrière les sanitaires. Crac-crac. Infiniment moins chic que les partouzes tropéziennes, or de cela, picolades et saillies entre voisins de bivouac, les journaux, télévisés ou pas, ne disent mot. Ils se contentent de baptiser « convivialité » les beuveries au pastis, et « produits du pays » les merguez qui crament sur le barbecue. Mais ça, ils le font avec une belle constance… Au contraire, l’« enquête » se termine généralement par une célébration de la campagne, qui permet de « ne pas bronzer idiot ». On se demande en quoi et pourquoi.

OLE !

L’été, il y a des férias qui sont au sud ce que les carnavals sont au nord. Mais les carnavals ch’tis ont bonne presse, tandis que les férias occitanes, basques ou landaises, qui ne font pas davantage de comas éthyliques ou de rixes sanglantes, doivent officiellement être décriées. On fait étalage des forces de police mobilisées pour canaliser la violence et éviter « les débordements de l’an dernier » (l’an dernier, il y a toujours eu des débordements). Le problème des férias, c’est qu’elles gravitent autour d’une corrida (bien que la plupart des fêtards ne soient pas en état, à las tardes, de retrouver les arènes). Et les corridas, disent les planteurs de marronniers, c’est vilain, ça consiste en un gominé habillé de verroteries qui fait le kéké devant un malheureux taureau qui ne lui a rien fait et qui meurt à la fin pour devenir de la gardianne de toro. Soit dit en passant pour les rédactions ignares, taureau, c’est le charolais, dans l’arène, c’est toro et ce n’est pas la même bête.

Là, le reportage rituel au journal télévisé, c’est la manifestation des opposants à la corrida, avec interview d’un ami des bêtes maigre et barbu. Cette année, on a vu des dames montrer leurs tétés en se tortillant sur le bitume pour signifier qu’elles étaient des bêtes comme le toro, ou je sais plus quoi. Bref, elles exhibaient face à la caméra ce qu’elles montrent à la plage quand elles ne manifestent pas. En plus, je parie qu’il y en a, dans le tas, qui ont fait couper les couilles à leur chat ou à leur cabot, ce qui fait mal, demandez au chat. Mais « c’est pour son bien ». Le matador, au moins, il prend des risques. Non ? Ah bon. C’est vous qui le dîtes. Demandez à Manolete. « C’est l’heure où les épiciers se prennent pour Garcia Lorca », disait Brel, homme du nord. « C’est bien pire quand ils se prennent pour des épiciers », répondit un jour, à peu près, Simon Cazas, homme du sud.

Donc, dans l’allée des marronniers, une corrida, c’est 10 000 spectateurs dont on ne parle pas et 10 anti-corrida qui ont cinq minutes d’antenne. C’est un rendement exceptionnel pour une manif. Hou la la, j’entends crépiter les mitraillettes, les corridas, c’est chic d’être contre aujourd’hui, c’est très people.Comme il était chic d’être au premier rang des arènes, à compter les oreilles entre Picasso et Hemingway, il y a cinquante ans. Ah, la mode ! C’est comme Brigitte Bardot : il y a cinquante ans, c’était compréhensible de vouloir lui ressembler, mais maintenant…

UNE BONNE PAIRE DE COQUILLES

Restons dans ce que les fumeux appellent « le règne animal » pour un ultime marronnier : l’interdiction de consommation des huîtres. Une fois, c’est Arcachon, l’année suivante, c’est Bouzigues. De toute façon, l’ostréiculteur, comme l’arboriculteur, est un abonné de la lamentation estivale. C’est à croire que l’été sert principalement à nous expliquer que « la profession est sinistrée », et que, par conséquent, les huîtres seront plus chères à Noël. J’ai même entendu à la radio une interview d’un de ces travailleurs de la mer qui en était réduit à faire visiter en bateau ses parcs à huîtres à des touristes. Cinq heures de navigation au ralenti, le cul sur le banc d’une barcasse en plein soleil ou sous la pluie, entre des parcs à huîtres immergés, vous imaginez le bonheur ! L’ivresse ! La joie de ne pas bronzer idiot en apprenant tout sur les portugaises et rien sur les bactéries qui les bousillent, puisque c’est même pas vrai que l’été, elles se daubent ! Et notamment, au cas où on ne l’aurait pas entendu l’argument rabâché sur les ondes, que le test de la souris, pour dire si les huîtres sont bonnes, c’est pipeau. Le seul test, c’est de bouffer les huîtres  : si on passe la nuit à serrer dans ses bras la cuvette des chiottes, c’est qu’elles n’étaient pas bonnes. Sinon, elles étaient bonnes, tout le reste n’est que pinaillage de technocrates dans les bureaux.

Moi, les huîtres, depuis ma tendre enfance, je n’en mange que les mois en –r. C’est dire si je suis rétif aux marronniers.

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7 MESSAGES

Forum

  • Eté de m… (3) : allée des marronniers, bis
    le samedi 22 août 2009 à 17:06, Heerven a dit :
    Toro ? El toro oui mais c’est en espagnol, le taureau en français. Arene ou pas arene. Et de plus c’est bien la même bestiole, un chat est un chat qu’il soit siamois ou de goutière. Ah ! Au temps pour moi, je vois sur wikipedia (référence s’il en est, où tout un chacun peut y écrire tout et son contraire) que l’on dit "toro" lorsqu’il s’agit de la toraumachie. D’ailleurs lorsque je regarde sur le même wikipedia à toraumachie, ils n’en parlent plus. Dommage. Bien tenté. En tout cas sur mon Larousse de 1990, ce terme n’existe pas. Il a sûrement été inventé après. Et maintenant des rigolos veulent l’utiliser pour faire staïle. Phénomène de mode nous dit-on, Brigitte Bardot, tout ça quoi…
    • Eté de m… (3) : allée des marronniers, bis
      le dimanche 23 août 2009 à 23:27, olé olé a dit :

      Dans ton Larousse 1990, il y a "goutière" ou "gouttière" ?

      Grévisse , spécialiste du bon usage, confirme Wikipédia… "Emploi technique d’un mot étranger pour désigner une réalité spécifique" : par exemple, "manga" et non pas " bande dessinée pour pervers amateurs de petites culottes japonaises".ou "Ola" pour "vague enmouvement collectif de crétins dans un stade de foot".

      En revanche, "toréador" (prends garde) n’existe ni en français ni en espagnol : c’est un nom inventé par le librettiste de Carmen de Bizet.

  • Eté de m… (3) : allée des marronniers, bis
    le mercredi 19 août 2009 à 17:24
    Seraient-ils dix mille, à se réjouir de la mort d’une bête, ce serait toujours dix mille cons de trop.
    • Eté de m… (3) : allée des marronniers, bis
      le jeudi 20 août 2009 à 05:23, Ailleurs a dit :

      Que seraient les commentaires d’article sans un spécialiste méconnu qui, ayant longuement mûri une réflexion grâce à une connaissance approfondie du sujet, nous gratifie d’un jugement définitif et limpide ?

      Un toro (merci à l’auteur !) passe des années en plein champ, libre et choyé. Il meurt en soufrant quelques dizaines de minutes. Quel scandale !

      N’y a t il aucune autre cause où votre indignation pourrait s’exprimer ? Des toros subissent une séance d’acuponcture méridionale traditionnelle qui se termine mal. C’est un peu cruel, certes. Mais il y a plus grave.

      Pensez donc aux hôpitaux psychiatriques et aux conditions de soins prodigués à des humains. Leurs souffrances durent bien plus longtemps, faute de moyens. Ils sont tout aussi innocents et en plus, ils sont humains.

      Pour conclure : vous n’êtes pas obligés d’aimer, mais respecter les personnes qui n’ont pas les même goûts et priorités que vous serait souhaitable. Pour citer le grand philosophe BHL (ou Don Panzanni, je les confonds) "ce ne sont que quelques toros".

      • Eté de m… (3) : allée des marronniers, bis
        le jeudi 20 août 2009 à 12:57

        On peut toujours tout relativiser…. "c’est pas bien grave un bestial qui meurt , aga’d il y a des gens qui meurent de faim…."

        Ma…non. le principe du : "je m’éclate en regardant une mise a mort, tu peux pas comprendre c’est culturel" ben ca ne passe pas. Autant je trouve mal venu de vouloir empêcher les chasseurs de pratiquer leur loisir (car il y la plusieurs motifs a légitimer cette pratique ) autant défendre la mise a mort /spectacle…ben …bof.

    • Eté de m… (3) : allée des marronniers, bis
      le jeudi 20 août 2009 à 21:17, aniamux a dit :
      BRAVO tout à fait d’acord ! BR
  • Eté de m… (3) : allée des marronniers, bis
    le mercredi 19 août 2009 à 15:16, J_P_M a dit :
    Bravo, même si c’est un peu moins bien que les précédents articles. Il faudrait peut-être envisager d’arrêter la série ?
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