Rechercher dans Bakchich :
Bakchich.info
UNE BRÈVE HISTOIRE DE BAKCHICH

Tags

Dans la même rubrique
Avec les mêmes mots-clés
RÉCLAME
Du(des) même(s) auteur(s)
MODES DE VIE

Bilingue, l’école où l’enfant est roi (II)

VIP / lundi 17 novembre 2008 par Anaëlle Verzaux
Twitter Twitter
Facebook Facebook
Marquer et partager
Version imprimable de cet article Imprimer
Commenter cet article Commenter
recommander Recommander à un ennemi

L’Éducation nationale est en pleine crise financière. En revanche, certaines écoles se portent bien, merci ! Suite de l’enquête de « Bakchich » sur l’École Bilingue de Paris.

A l’Ecole Active Bilingue Jeannine Manuel (Paris XVè), si la vie scolaire est un pur cocon pour les élèves, les enseignants ne sont pas toujours aussi choyés.

Une partie des enseignants titulaires, ceux « sous contrat d’association avec l’Etat », s’ils ne sont pas mal payés, dépareillent avec le faste de Bilingue. Salariés de l’Education nationale, ils bénéficient des mêmes salaires que les enseignants du public. Soit en moyenne 1580 euros net par mois pour un temps plein.

D’autres enseignants n’ont pas l’agrégation, ni le Capes ou le Cafep. Et vivent dans la crainte d’être « déplacés » d’un établissement à l’autre, ou à l’ANPE. A l’image de Pierre, enseignant d’histoire, qui assure : « Si le directeur de l’école et l’Education nationale décident d’une même voix de me remplacer l’année prochaine, c’est possible. » Et d’ajouter : « Dans ce cas, je ne serai pas certain de retrouver un poste à temps plein ». Une minorité à Bilingue, mais qui tend à se généraliser dans le public.

Jusqu’à 39 % d’augmentation de salaire

L’autre partie des profs et du personnel enseignant de l’école relève elle du droit privé, et bénéficie d’un statut plus enviable. Là, les conditions de vie sont bien plus confortables. Des salaires parfois exubérants – des bruits de couloirs fixent celui du proviseur à près de 11 000 euros par mois –, et des augmentations de salaires inconsidérées. Comme en mars 2005, quand, « profitant de l’absence d’expertise comptable au Comité d’entreprise (CE), Bilingue a augmenté certains salaires de profs proches de la direction, jusqu’à 39 % », selon un prof, membre du CE à l’époque.

 - JPG - 83.4 ko
© Nardo

Cet écart de niveaux de vie entre la majorité des élèves et celle des profs se retrouve sur le plan relationnel, où, si les élèves sont des petits princes choyés par leurs pédagogues, certains professeurs éprouvent parfois la sensation de jouer aux valets de leurs maîtres. « A cause de cette manie qu’à Bilingue de nous mettre en concurrence les uns les autres », assure Cécile. Et la prof de maths donne un exemple – également raconté par trois autres enseignants de l’école –, l’humiliation, lors de ces « sempiternelles réunions de rentrée, où, devant l’ensemble des collègues, des profs sont gratifiés, applaudis, acclamés ( !) pour le taux de réussite au Bac dans leurs classes, tandis que d’autres n’ont droit à aucune récompense. Certains étant même désavoués par la direction. » « Ce sont des méthodes d’entreprise ! », ajoute-t-elle.

Un financement général au poil

Si cet exemple pris seul est un peu léger pour comparer le fonctionnement de Bilingue à celui d’une entreprise, l’on saisit mieux la comparaison lorsqu’on l’associe au modèle économique de l’école.

Bilingue perçoit, en toute régularité, beaucoup d’argent. D’abord, sous contrat d’association avec l’Etat, elle touche de sa part chaque année une certaine somme, restée quasi-secrète – ni le ministère, ni le rectorat, ni l’école, n’ont souhaité communiquer son montant à Bakchich. Mais l’on sait, par le ministère de l’Education nationale, que pour l’ensemble des établissements privés sous contrats, les crédits votés en Loi de finances initiale s’élèvent à environ 6883 millions d’euros pour 2008. [1] Une misère !

Ensuite, Bilingue bénéficie des versements des parents d’élèves correspondant à l’inscription de leur rejeton, à ses déjeuners, et aux activités annexes (voir la première partie de l’enquête).

L’école des riches - JPG - 331.3 ko
L’école des riches
© Hélène Marian

Un budget provenant d’une fondation, donc doté d’une douce fiscalité

Une bonne part de son budget vient de sa fondation, la Fondation Jeannine Manuel. Créée en 1998 par le directeur de l’école, Bernard Manuel, elle appartient à la Fondation de France. Ce qui lui confère quelques avantages, dont l’allègement d’impôts pour les donateurs. Elle a pour objet, selon la responsable de la fondation, Madame Bosc, de « promouvoir la compréhension internationale par l’éducation bilingue en soutenant l’Ecole Active Bilingue Jeannine Manuel et d’autres établissements d’enseignement à but non lucratif poursuivant le même projet ».

D’après des enseignants ayant eu accès aux comptes de l’école, il arrive souvent que des parents d’élèves, des entreprises ou d’anciens élèves versent des sommes astronomiques à la fondation. « Il n’est pas rare d’avoir un don d’un million d’euros, cash ! », nous assure-t-on. [2]

Mais n’ayons crainte, nos généreux donateurs ne se ruinent pas pour autant ! Ils bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % de leur montant, pris dans une limite de 20 % du revenu net imposable ». Mais attention, sans la Fondation, pas (ou très peu) de dons ! Puisque – selon l’article 200 du code général des impôts –, les établissements privés sous contrat d’association avec l’Etat ne peuvent pas bénéficier du mécénat avec une réduction d’impôt pour les donateurs.

Un modèle impeccablement ficelé. D’autant que la fondation collabore avec une petite soeur : une association de loi 1901. Créée en 1998 par le même Bernard Manuel, cette association est locataire des locaux et, assumant tous les frais de fonctionnement (chauffage, travaux, etc), reçoit de temps en temps un peu d’argent de la fondation. Ainsi, c’est elle qui aurait payé tous les nouveaux locaux de 2006.

Un directeur et trois structures juridiques

Pour boucler la boucle, il se trouve que l’association loue les locaux à… une autre société, une SCI qui, elle, en est propriétaire. In fine, Bernard Manuel a réussi à créer et à être seul directeur de trois structures juridiques qui fonctionnent en circuit fermé. Au moins, on évite ainsi les intrus.

Laissons le mot de la fin à un jeune retraité de Bilingue : « le fonctionnement de cette école symbolise ce qu’est le modèle de l’école privé, préfigurant les projets du gouvernement actuel, école payante, sélective, concurrente, et faisant appel à des financements privés. C’est le parangon de l’entreprise du rêve capitaliste ».

Lire ou relire sur Bakchich.info :

L’Éducation nationale est en pleine crise financière. En revanche, les écoles des riches se portent bien, merci ! Enquête sur l’école Bilingue de Paris.
Que vous soyez petits ou grands, en ce monde, septembre rime avec rentrée des classes. La marmaille Pinault, Fillon et autre Hortefeux n’échappent pas à la règle et leurs parents les ont accompagné jusqu’aux bancs de la si chic école privée (…)

[1] Répartis comme suit : 6 157 millions d’euros pour les dépenses de personnel et 726 millions d’euros pour les dépenses de fonctionnement et d’intervention.

[2] L’école n’a pas souhaité répondre à nos questions sur le sujet.


AFFICHER LES
25 MESSAGES
0 | 5

Forum

  • Bilingue, l’école où l’enfant est roi (II)
    le vendredi 3 juillet 2009 à 21:18
    et petit je crois que tu est un petit peu enervé car tes enfants n’ont pas pu rentrer à l’EABJM. Sans rancune hein…
  • Bilingue, l’école où l’enfant est roi (II)
    le dimanche 29 mars 2009 à 11:54, Maman d’une ancienne de l’EABJM a dit :
    Bonjour, J’ai lu avec beaucoup d’intérêt vos deux articles et les avis de vos lecteurs sur l’Ecole active bilingue Jeannine Manuel (EABJM). Je me permets de vous faire part de mes commentaires et de répondre aux détracteurs de cette école : 1° Il existe plusieurs écoles bilingues en région parisienne : l’une s’appelle l’"EAB" et ne doit pas être confondue avec l’EABJM située à la rue du Thêatre, dans le 15e. Il est très difficile d’entrer à l’EABJM, même dans les petites classes. 2° Par la qualité de son enseignement et de ses professeurs, l’EABJM attire beaucoup de familles françaises et étrangères issues de milieux favorisés sur le plan économique, social et intellectuel. Je vous l’accorde, on y rencontre des "filles et fils de" ; toutefois, ils ne sont pas majoritaires. Les frais de scolarité sont certes très élevés, mais de nombreux élèves bénéficient d’une prise en charge : parents diplomates, salariés expatriés, personnel de grandes entreprises, professeurs à l’EABJM, etc. De plus, l’école accorde quelques bourses d’études aux plus méritants, et l’Association Jeannine Manuel s’emploie à augmenter davantage le nombre des bénéficiaires. 3° Comme dans beaucoup de lycées, "l’écrémage" permet d’arriver à un taux de réussite de 100% au bac. Beaucoup de diplômés vont ensuite dans les meilleures prépas, universités et Grandes Ecoles, tandis que d’autres poursuivent leurs études à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne, au Canada ou aux USA. En tant que ressortissants de l’Union européenne, ils ont droit à des tarifs préférentiels et quelques uns obtiennent même des bourses d’études. Enfin, l’EABJM encourage la participation à des activités humanitaires et de bénévolat. Le service à la communauté (ou "community service") est important pour ceux qui veulent étudier aux Etats-Unis. J’espère que ces quelques points permettront à vos lecteurs d’avoir une vision plus juste de cet établissement réputé et de son personnel compétent et dévoué.
    • Bilingue, l’école où l’enfant est roi (II)
      le mardi 24 novembre 2009 à 14:20

      Madame,

      ma femme étant prof de français dans une école privée je connais parfaitement le "problème". Ce qui me scandalise n’est pas qu’une personne ait les moyens d’assurer une bonne éducation à son enfant, c’est surtout qu’un grand nombre de personnes n’en aient pas les moyens. Autant d’argent, oui même sans chiffre clair, l’opacité ne peut cacher qu’un "autant", pour une école qui pourrait parfaitement vivre sans alors que des centaines de lycées en crèvent littéralement de ne pas avoir les moyens. Ca, c’est scandaleux.

  • Bilingue, l’école où l’enfant est roi (II)
    le samedi 3 janvier 2009 à 01:05, Logcom a dit :
    Une élite riche a certes ses enfants à l’EABJM mais la majorité sont issus de familles "normales" ou le choix educatif et financier est une décision familiale, en sacrifiant d’autres choses… Saviez vous que l’EABJM a de nombreaux boursiers, qu’ils ont un programme de discrimination positive… qu’il y a 68 nationalités, qu’ils sont pilotes de l’Education Nationale pour un programme d’enseignement des sciences au collège…que les enfants apprennent le chinois dés la 9e… Lorsque l’ont fait une enquête l’on se renseigne… Mais au final moi je suis heureuse d’avoir fait ce choix pour mes enfants, même si il implique des sacrifices, car je suis certaine qu’ils auront leur bac et de nombreuses possibilités d’avenir après.
  • Bilingue, l’école où l’enfant est roi (II)
    le vendredi 21 novembre 2008 à 23:54, hedona a dit :
    J’ai fréquenté cette école, lorsque j’avais 12 ans ; j’en ai aujourd’hui 61. La directrice s’appelait déjà Mme Manuel ; ce ne peut être la même ? L’école se situait alors avenue de la Bourdonnais, près du Champ de Mars. ELle accueillait des enfants de toutes nationalités mais surtout des Américains, dont les pères travaillaient au Shape. Les petits américains ne fréquentaient pas trop les autres, et avaient décrété qu’apprendre le français ne servait à rien, car pour eux, cette langue était un peu comme pour nous le latin. En tout cas j’en garde un très bon souvenir et cette école a développé chez moi un esprit curieux, tolérant et j’ai eu la chance d’avoir alors des amis dont les parents étaient russes (blancs), américains, indiens ou italiens.
  • Bilingue, l’école où l’enfant est roi (II)
    le lundi 17 novembre 2008 à 23:50, Mazel a dit :
    Où avez-vous lu que "selon l’article 200 du code général des impôts –, les établissements privés sous contrat d’association avec l’État ne peuvent pas bénéficier du mécénat avec une réduction d’impôt pour les donateurs". ?
0 | 5
BAKCHICH PRATIQUE
LE CLUB DES AMIS
BEST OF
CARRÉ VIP
SUIVEZ BAKCHICH !
SITES CHOUCHOUS
Rezo.net
Le Ravi
CQFD
Rue89
Le Tigre
Amnistia
Le blog de Guy Birenbaum
Les cahiers du football
Acrimed
Kaboul.fr
Le Mégalodon
Globalix, le site de William Emmanuel
Street Reporters
Bakchich sur Netvibes
Toutes les archives de « Là-bas si j’y suis »
Le locuteur
Ma commune
Journal d’un avocat
Gestion Suisse
IRIS
Internetalis Universalus
ventscontraires.net
Causette
Le Sans-Culotte