Individualisme, sous-culture, préparation quasi-militaire à « affronter » le marché du travail, tous les coups sont permis. Témoignage d’une ex-"hyène" repentie.
Une école de commerce, comme son nom l’indique, c’est un business. On ne rigole donc pas et on joue son rôle – celui d’une unité de production d’agents économiques, destinés à remplacer ceux qui sortent du système - en retraite ou plus tôt (burn-out, suicide,…).
Partant, l’objectif est de rendre opérationnels, en quatre-cinq ans, des cadres conformes aux attentes des recruteurs. L’esprit critique, le projet de vie, l’ouverture réelle aux autres : rideau ! Ici, on dispense un savoir-faire technicien, valorisé parce que spécialisé, ligotant pieds et poings le diplômé à un avenir qui lui échappe (essayez de vous reconvertir, quand vous êtes spécialiste en produits dérivés de valeurs technologiques sur la zone asiatique). Préparation quasi-militaire à « affronter » le marché du travail – jungle dans laquelle, conformément à la morale du wannabe citoyen du monde, tous les coups sont permis.
Questionnements ? Eludés par une psalmodie rodée : vous êtes une élite. Doutes métaphysiques ? Occultés par des modules ad hoc - développement durable, éthique en affaires,… Autant de palliatifs dérisoires au déficit palpable de sens à cette entreprise : dans certaines ESC, entre deux conférences sur « l’environnement social », on fait plancher les étudiants sur des cas…de délocalisation.
L’école de commerce, c’est le temple de l’individualisme : on y apprend à ne pas se faire d’amis. Agglomérations d’arrivistes intéressés, les promotions sont le point de rencontres d’egos concurrents : royaume des coups fourrés et de la violence rentrée, celle des oisifs - moins on travaille, plus on intrigue. De la dépressive russe thunée, fan de Lolita Pille, au fils de négociant bordelais, chétive crotte méchée, c’est la Cour des Miracles des névroses et des faux-semblants petit-bourgeois ! Toujours ensemble parce que seuls, les étudiants ne partagent rarement autre chose que leur vide intérieur, noyé dans l’allégresse mort-née des soirées.
Par contre, sa morale, l’étudiant la partage…avec le délinquant. A quelques détails esthétiques près : l’Audi A3 (modèle commercial, payé en loucedé par la boite à Papa) remplace le booster MBK ; le lardeuss Burberry supplante le survèt’ ; et la coke ringardise le shit. Similarité des aspirations, comme des modèles : Carlos Ghosn, le cost killer de Toyota et Snoop Dogg, le tueur tout court…réconciliés (évidemment) dans la figure tutélaire de Tony Montana/Scarface : soit l’adoration conjointe, par les futures racailles d’en haut et les racailles d’en bas, du voyou libéral, mâle entrepreneur et entreprenant. De la culture bling-bling et de l’ergotage, au détriment du bon goût et de la morale. Petite altérité, toutefois : chez l’étudiant, on note un gros déficit de courage physique, compensé par une forte capacité de nuisance– rumeurs, manipulation, harcèlement…
Et les stages en entreprise sont autant d’occasion de s’y habituer. Embauché sans être payé pour servir de supplétif à un cadre stressé, le stagiaire apprend, in situ, la règle d’or pour gravir les échelons : qu’importe ce que tu fais, du moment que tu donnes l’impression de le faire correctement aux personnes qui importent. En parallèle, écrasement des concurrents par tous moyens (rumeurs, fausses allégations, transfert de responsabilité,…) pour préparer son ascension. D’où un éclatement de la masse salariale, sans conscience partagée, ce qui arrange, on s’en doute, les intérêts des dirigeants. Pas étonnant qu’il n’existe aucun syndicat de financiers, marketeurs, gestionnaires de RH : ils ont été à bonne école.
La fragmentation des tâches rend le quotidien, le plus souvent, très peu digne d’intérêt – inversement proportionnel à la longueur de l’intitulé du poste. La masse de travail est, par contre, certaine. D’où les heures sup’ consenties (« Je travaille pour ma carrière ») ou auto-imposées (« Si je pars à 19h, on va croire que je ne fais rien »). Objectif : un poste à « responsabilités ». En échange : une foule d’avantages – salaire, voiture de fonction, cadeaux divers et une allégeance corps et âme à l’entreprise…temporaire.
Car quant on élève une hyène dans l’arrivisme barbouze, il est malaisé de la tenir en laisse. On se vend donc au plus offrant ; et qu’importe si une PME régionale a été la première à croire en vous (« C’est pas de mon fait si vous pouvez pas vous aligner sur Nestlé ! »). Logique de mercato footballistique : soumission le temps de l’apprentissage, puis révérence irrévérencieuse.
L’ouverture à l’international est matraquée pendant le cursus. Beaucoup choisissent l’expatriation – et son exotisme fantasmé (300.000 Français à Londres – autant choisir Marseille). On opte, suivant les goûts, pour la finance, le marketing ou la communication, et toujours pour un « grand » nom. Au détriment des PME françaises, pourtant créatrices, à 99%, de la richesse nationale.
Les diplômés se mettent au service, donc, d’entreprises étrangères, soutenant ainsi des économies concurrentes. Mais sont-ils encore français ? Cerveaux en fuite, ils suent désormais pour leurs maîtres-amis de toujours : les banques, sponsors de leurs études, les marques de textile américaines produites en Chine, les multinationales de la junk-alimentation. Continuité de services rendus et d’échanges de bons procédés entre artisans (souvent inconscients) d’une même œuvre : la faillite des économies nationales, fondues dans le chaudron mondialiste. Intelligence avec l’ennemi de ceux qui ne croient plus à rien.
L’espoir reste pourtant permis. Chaque année, quelques étudiants choisissent l’enracinement - plutôt que l’internationalisation, et décident d’offrir leurs compétences à des entreprises françaises. Pour ces jeunes gens motivés, porteurs de valeurs et de projets honnêtes – souvent la reprise de l’entreprise familiale - l’école de commerce est envisagée comme source de compétences, visant à accroitre l’adaptabilité de l’entreprise familiale, sauvegardant ainsi un patrimoine humain et économique. Le business au service de l’homme, et pas le contraire. Reste dès lors à résister aux motifs de corruption, contre lesquels les moralistes du XVIIè siècle nous ont mis en garde : le pouvoir, la richesse et les honneurs.
je suis ahuri par cet article, qui ressasse à la manière de "fonctionnaires tous des branleurs" une vision de café du commerce (c’est le cas de le dire (- : ).
Je constate que vous indiquez bien qu’il s’agit d’une vision d’une seule personne.
Je n’ai jamais vu d’Audi A3 sur mon campus, oui on se marait comme des fous, et, désolé, l’esprit était très sympa et tolérant.
En ce qui concerne les stages, l’ambiance dépend des entreprises, pas des écoles de commerces, et je n’y ai perso jamais rencontré d’ "écrasement des concurrents par tous moyens (rumeurs, fausses allégations, transfert de responsabilité,…)" : c’est archi faux, sauf "transfert de réponsabilité", notion fourre tout qu’on retrouve dans les administrations également ! L’objectif des écoles de commerce est clairement de faire ressortir nos compétences propres, elles nous poussent à nous investir dans des projets personnels (humanitaires, création de PME..).
Concernant l’absence de syndiqués : "Pas étonnant qu’il n’existe aucun syndicat de financiers, marketeurs, gestionnaires de RH " c’est encore archi faux, c’est méconnaitre la CFDT par exemple (CFDT Cadres, ou la Fédération des banques CFDT).
Je m’étonne donc clairement sur les motivations de ce texte (pb avec un petit copain ?), ou carrément sur les sources (a t elle vraiment été en école de commerce ?)
Moi je suis diplômé de management mais à l’université (IAE). J’avais un camarade de promo qui me fait énormément penser à l’orientation de votre article. Il était très ambitieux, très travailleur également mais également d’inspiration très libérale. Sur le Master censé être un cycle de 2 ans (bac+4 et +5), il ne sera resté qu’une année, complètement exaspéré par la "médiocrité" des enseignements. Il est parti rejoindre une grande école pour son M2.
Je suis en recherche d’emploi, c’est difficile. Lui est sûrement dans un poste à responsabilités dans une grande entreprise. En y réfléchissant bien, et malgré l’inconfort de ma situation, je ne l’envie pas vraiment. S’investir dans un travail épanouissant, je réponds oui. Devenir esclave d’une structure qui n’a aucune reconnaissance, c’est non.
Et puis Carlos Ghosn a été un terrible cost-killer chez Nissan, sûrement pas chez Toyota !
"Une école de commerce, comme son nom l’indique, c’est un business" : FAUX. Seule l’ESSEC est privée, toutes les autres appartiennent aux Chambres de Commerce et d’Industrie et aux universités. Dans tous les cas, les écoles dépensent plus qu’elles ne facturent aux étudiants, difficile donc de faire un profit !
"On ne rigole donc pas" : L’auteur a-t-il déjà mis les pieds dans une école de commerce ?! :-)
"on joue son rôle – celui d’une unité de production d’agents économiques, destinés à remplacer ceux qui sortent du système" : VRAI pour les écoles de commerce comme pour la totalité du système éducatif mondial ! Est-ce que l’auteur vient de s’apercevoir qu’on vit pour remplacer la génération précédente ?!
"l’objectif est de rendre opérationnels, en quatre-cinq ans, des cadres conformes aux attentes des recruteurs" : VRAI même si la période passée dans une ESC est en fait de 2 à 3 ans puisqu’on y accède après une prépa ou une licence.
"L’esprit critique, le projet de vie, l’ouverture réelle aux autres : rideau !" : FAUX. L’esprit critique est requis dans la plupart des enseignements (Economie, Ressources humaines, Stratégie…). Le projet de vie est suivi par un tuteur dans de nombreuses écoles, des séminaires de développement personnel aussi. Pour ce qui est de l’ouverture aux autres, l’engagement associatif en est le garant (pour ceux que ça intéresse évidemment). De nombreux projets humanitaires mais aussi éducatifs et culturels sont entrepris par les assos des écoles de commerce. On peut citer le 4L Trophy.
"Ici, on dispense un savoir-faire technicien, valorisé parce que spécialisé, ligotant pieds et poings le diplômé à un avenir qui lui échappe" : FAUX. Toute école propose des bases pluridisciplinaires pendant au moins 1 an, les diplômés disposent donc d’un socle généraliste. Ensuite, le parcours est personnalisable dans un domaine tel que la comptabilité ou le marketing, jamais sur un sujet ultra-spécifique. Là encore, pour information : tous les diplômes BAC + 5 comportent une part de spécialisation, c’est tout de même le but des études approfondies.
"préparation quasi-militaire" : Je ne comprends pas. Explicitez SVP.
"dans certaines ESC, entre deux conférences sur « l’environnement social », on fait plancher les étudiants sur des cas…de délocalisation." : Evidemment FAUX. D’abord, les cas de délocalisations ou de licenciements sont peu abordés. Lorsqu’ils le sont, ils font partie d’une approche globale de la gestion des compétences, les cours insistent donc sur l’importance de la relation personnelle avec employeur-salarié et du traitement humain des conflits sociaux.
"L’école de commerce, c’est le temple de l’individualisme : on y apprend à ne pas se faire d’amis." : VRAI. Les test de machiavelisme ont toujours donné des résultats élevés en écoles de commerce. Les écoles créent des microcosmes où les jeux psychologiques sont légion. En particulier, la petite taille des promotions en comparaison avec les facs aboutit à ce que tout le monde se connaisse. Dès lors, les effets de groupe et la pression sociale s’accentuent. Les mensonges pour se construire une image cool et rebelle se multiplient. Par exemple, tous les élèves déclarent ne pas réviser les cours à leurs camarades mais en réalité, tout le monde bosse en cachette ! Tout le monde tacle tout le monde en petit comité, les vrais amis sont rares. L’hypocrisie règne et les soirées sont de simples occasions pour disposer de potins. Typiquement : identifier qui n’est pas en classe le lendemain matin (ce qui permet indirectement de savoir qui couche avec qui) est une activité classique des cours de 8H…
"Par contre, sa morale, l’étudiant la partage…avec le délinquant" : FAUX. Il la partage avec tout le monde, les écoles de commerce sont représentatives de la réalité de notre monde contemporain. Il y a de tout.
"Et les stages en entreprise sont autant d’occasion de s’y habituer." : FAUX et risqué ! Avoir un comportement tel que celui décrit dans une entreprise aboutira rarement à une embauche ! C’est parfait pour se faire virer prématurément ce scénario.
"un éclatement de la masse salariale, sans conscience partagée" : Le début de l’article sentait la lutte des classes (cf. passage sur les retraités et suicidés à remplacer par des jeunes…), on y revient avec le concept plus marquant de ’conscience de classe’ maintenant. Marx appliqué aux ESC, waouh. Bref, la remarque de l’auteur est de toute façon FAUSSE puisque des associations professionnelles existent pour chaque profession. Côté syndicat pur, chacun est libre d’adhérer à la branche ’Cadres’ des divers organismes syndicaux. Pour rappel, c’est le statut du salarié (cadres, employé, ouvriers…) qui définit son appartenance éventuelle à un syndicat et non sa profession elle-même.
"On se vend donc au plus offrant ; et qu’importe si une PME régionale a été la première à croire en vous" : Plutôt VRAI, en général. Il faut quand même préciser que le coût des études est élevé et qu’il est important de maximiser ses revenus pour rembourser les possibles prêts (car tout le monde n’est pas un fils à papa contrairement à ce qui est asséné). Parallèlement, l’intérêt du poste et les perspectives de carrière sont globalement meilleures dans les grandes entreprises.
"L’ouverture à l’international est matraquée pendant le cursus. Beaucoup choisissent l’expatriation" : FAUX. Moins d’un diplômé sur cinq part à l’étranger. L’auteur semble se plaindre du manque de reconnaissance à la patrie française illustré par l’expatriation mais il a omis que les étudiants des ESC payent leurs études plein tarif, par conséquent ils ne doivent rien à la France !
"Au détriment des PME françaises, pourtant créatrices, à 99%, de la richesse nationale." : 99% ! Pitié pourquoi pas 101% tant qu’on y est !
"Les diplômés se mettent au service, donc, d’entreprises étrangères, soutenant ainsi des économies concurrentes." : FAUX. Il faut revoir David Ricardo : les économies nationales ne sont pas concurrentes sur les mêmes secteurs ! Même si cette théorie est discutable, sachez que de nombreux étrangers travaillent pour des entreprises françaises dans d’autres pays : les grands spécialistes cosmétiques français sont implantés aux USA par exemple. Cela introduit une réciprocité et un brain-drain global qui s’annule en fin de compte.
D’autres points à éclaircir ?