Le financement direct de campagne par les entreprises américaines est désormais autorisé et les républicains peuvent compter sur un raz-de-marée d’argent patronal pour renforcer leurs candidats.
Il y a quelques semaines, en supprimant les lois séculaires interdisant aux entreprises de financer la campagne des candidats, la Cour Suprême des États-Unis a légalisé un tsunami d’argent frais qui changera durablement la politique américaine.
Le pouvoir du patronat et des grandes sociétés dans la politique est déjà dominant, grâce aux 35.000 lobbyistes à Washington, sans compter les lobbyistes présents dans chaque État, où leur influence néfaste transforme les parlements locaux en abîmes de corruption.
Mais jusqu’ici, la possibilité pour ces entreprises de verser directement de l’argent à un candidat était prohibée, et elles étaient obligées de contourner les limitations des lois sur le financement des campagnes.
Par exemple, en créant des « comités d’action politique » pour soutenir leurs favoris, ou par le biais des « bundlers », ces gens -souvent des avocats- qui, sous l’autorité du patron, collectent du cash auprès des cadres d’une entreprise afin d’offrir au candidat une plus belle enveloppe et ainsi accroître l’influence de la boîte.
La majorité conservatrice et républicaine des neuf sages de la Cour Suprême a bizarrement décidé qu’une entreprise est une personne et possède les mêmes droits constitutionnels qu’un individu, y compris le droit d’alimenter des candidats avec de la fraîche. Ce faisant, la Cour a balayé l’interdiction faite aux entreprises de financer les campagnes, interdiction votée par le Congrès pour la première fois en 1907 et réitérée en 1925, 1947 et 2002.
Puisque le patronat a toujours favorisé le Parti républicain, la droite gagne ainsi un avantage énorme et structurel. Et tout candidat qui s’oppose aux désirs du secteur « business » se verra puni et noyé par un flot de billets verts. Les experts ont estimé à 1000 milliards de dollars la somme d’argent patronal frais que la décision de la Cour mettra à la disposition des candidats. En comparaison, Barack Obama et son rival républicain John McCain n’ont dépensé ensemble « que » 1,5 milliard de dollars en 2008, lors de la campagne présidentielle la plus chère de l’histoire.
Obama se sent visé par cette décision, qu’il a dénoncée comme « une menace envers notre démocratie ». Avant ce jugement biaisé, le Parti démocrate était déjà dans les cordes pour les législatives de 2010, car la rancœur anti-washingtonienne qui enflamme les ressentiments populistes cible d’abord le Congrès, à forte majorité démocrate dans les deux chambres. Avec 47 sortants démocrates dans la Chambre des Représentants élus dans des circonscriptions qui avaient voté pour John McCain en 2008, on ne donne pas cher des chances du parti d’Obama à conserver le contrôle de la chambre basse.
En plus, les retraits surprises annoncés par des sénateurs démocrates (Evan Bayh dans l’Indiana ou Byron Dorgan dans le Dakota du Nord, effrayés par la colère des contribuables), font qu’aujourd’hui les démocrates risquent aussi de perdre leur courte majorité de 9 sièges sur 100 au Sénat.
Avec la décision de la Cour Suprême, les républicains peuvent désormais compter sur un raz-de-marée d’argent patronal pour renforcer leurs candidats. Et Obama lui-même ? Pour la première fois la semaine dernière, un sondage réputé a montré qu’une majorité des électeurs ne souhaitent pas qu’il se représente pour un deuxième mandat en 2012. En 2008, Obama avait l’avantage d’avoir récolté plus d’argent que McCain avec des dons en petite coupures par Internet. Cet avantage sera éliminé.
Un vieux dicton politique américain dit que « le vrai scandale n’est pas ce qui est illégal, mais ce qui est légal ». Avec la décision toxique de la Cour Suprême, c’est plus vrai que jamais.
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Ca ne fait que confirmer le caractère politique de l’’entreprise’.
Je cite Lordon (lien plus bas) : "rétablir le caractère fondamentalement politique de toutes les formes d’organisations collectives et ceci, quel que soit leur objet […] à ce titre, les collectifs productifs que l’on nomme ’entreprise’ sont des communautés politiques".
Une personne seule est par définition a-politique. La politique s’effectue dans l’espace-qui-est-entre-les-hommes d’après Hannah Arendt.
"Personne morale" signifie à contrario "anonyme et à irresponsabilité illimitée, mais c’est le groupe qui est anonyme. Il ne s’agit en aucun cas d’une personne seule.
Le mot ’entreprise’ est à redéfinir, y compris dans le 14ème amendemant de la Constitution américaine.