La campagne américaine ne connaît pas la trêve estivale. Pour le candidat Barack Obama, c’est même l’occasion d’aller à la pêche aux voies du centre. Quitte à renier quelques engagement et à susciter la gronde de ses plus fervents partisans.
Le site Internet de Barack Obama a été inondé ces derniers jours de milliers de courriels de ses supporteurs exprimant leur angoisse face aux prises de position récents du sénateur métis. Exemples parmi ces 1800 mails.
« Je suis une grand-mère, et j’ai mes racines dans le Kansas comme votre mère. J’étais un de vos volontaires pendant le primaire, et je vous supplie de ne pas abandonner notre Constitution », écrit une femme. « Je ne suis pas de gauche, je suis un centriste qui soutient la peine de mort et le droit de porter des armes. Mais je crois dans la Constitution que vous avez promis de « prendre au sérieux » quand vous avez déclaré votre candidature, et c’est pourquoi je vous ai envoyé 100 dollars à deux reprises, décrit un homme. C’était la première fois que j’ai envoyé de l’argent à un candidat. Maintenant, je le regrette. »
Et une étudiante déclare, « Bush a violé notre Constitution, et je travaillais pour votre campagne parce que vous sembliez être notre seule espoir. Je vous envoyais aussi 10 dollars par mois. Maintenant vous allez faire comme Bush, et donc je vous demande de me rembourser mes contributions à votre campagne. »
Les raisons pour ces cris d’alarme et ces accusations de perfidie dans le camp des Obamamaniaques ?
Primo, dans un discours du 1er Juillet, Obama annonçait non seulement qu’il comptait reprendre le programme d’aide financière aux organisations religieuses lancé par George W. Bush au début de son mandat, mais qu’il l’augmentera de manière importante. Ce que Bush appelait ses « faith-based initiatives » n’étaient en réalité qu’une manière de récompenser en argent comptant les églises de la droite religieuse qui l’avaient soutenu politiquement. D’ailleurs, le premier directeur de son « Office of Faith-Based and Community Initiatives » (le « Bureau pour les initiatives confessionnelles et communautaires »), avait démissionné en dénonçant ce programme de Bush comme « plus intéressé par la politique que par les politiques d’aide. » Ce bureau de Bush avait même joué le rôle clef dans le détournement, au profit des programmes religieux qui étaient farouchement opposés à l’utilisation des préservatifs, des fonds américains affectés à la lutte mondiale contre le SIDA. Un tiers des 15 milliards de dollars que Bush vouait au combat global contre le virus étaient ainsi donnés aux religieux qui préconisent que « seul el’abstinence sexuelle » était permissible dans les campagnes d’éducation de la lutte antisida.
Jamais dans l’histoire de la république américaine un président n’avait tant troué les garanties constitutionnelles de la séparation de l’Eglise et l’Etat comme Bush, et ce principe de séparation est considéré par beaucoup comme fondamental pour la démocratie américaine. Obama a beau insister que son concept de subventionner les organisations religieuses n’équivaut pas à les laisser « utiliser l’argent pour faire de prosélytisme auprès des gens qu’elles aident » dans la pratique c’est inévitable. En outre, chaque dollar donné à des religieux pour un programme dit « laïc » libère un dollar de plus pour le prosélytisme. La communauté gay, source importante de fonds pour le Parti Démocrate, a très mal pris l’annonce d’Obama. La plupart de ces programmes religieux interdisent systématiquement aux homosexuels de faire partie de leurs équipes, et le nombre de bloggeurs gay qui dénoncent l’entreprise religieuse d’Obama est chaque jour grandissant.
Secundo, il y a la volte-face d’Obama sur un vaste programme de surveillance électronique des Américains au nom de « la Guerre contre le Terrorisme. » Dans la loi dite FISA (« Foreign Intelligence Security Act »), qui existe depuis 30 ans, le gouvernement ne peut espionner les citoyens américains sous le prétexte de « sécurité nationale » ou des les placer sous écoutes sans le mandat d’un juge. Or, l’administration Bush a mis des dizaines de milliers d’Américains sous écoutes avec la coopération des grandes entreprises de télécommunications. Ce qui est parfaitement illégale. Une quarantaine de procès contres ces entreprise pour violation des garanties constitutionnelles de la vie privée sont déjà intentés. Le Sénat, dans les jours qui suivent, votera sur une version nouvelle de FISA qui protège ces sociétés de télécommunications de poursuite pour avoir aidées l’administration Bush de fouiner dans les conversations privées des citoyens. Et Obama vient d’annoncer qu’il votera pour.
Pourtant en Février, Obama s’opposait avec force à cette immunité, clamant : « Je suis fier d’être à cote d’un mouvement populaire contre un Président Bush qui tente de mettre les intérêts particuliers des entreprises avant notre liberté. » Ainsi le sénateur est accusé de trahison par bon nombre de ses propres supporters. La rébellion contre le revirement d’Obama sur les écoutes téléphoniques dans la blogosphère va croissant. « Cette question est définitive, c’est énorme », disait les bloggeurs phare des progressistes, Markos Moulitsas du blog Daily Kos, qui a des millions de lecteurs. Et Moulitsas, dont l’influence sur les donateurs par Internet est considérable, a proclamé qu’il ne contribuera plus un sous à Obama en attendant le vote du sénateur.
L’état-major du candidat démocrate commence à s ‘inquiéter de cette fronde parmi ses supporters. Obama a essayé de s’expliquer dans un communiqué écrit pour le Huffington Post, ou la rébellion à sa volte-face avait commencé. Et son staff de campagne a tenté de s’adresser aux rebelles dans un chat en direct de 90 minutes sur le site Internet d’Obama le 4 Juillet. En vain. Comme l’a écrit le lendemain le bloggeur Bob Ostertag du Huffington Post, ni le sénateur ni son équipe n’« avaient répondu directement aux critiques féroces de ses supporters. »
La manœuvre d’Obama sur les subventions aux religieux et sur les écoutes téléphoniques est classiquement politicienne. Après avoir louvoyé un tout petit peu a gauche pendant les primaires pour battre Hillary Clinton, il tente désormais de courir au centre, à la poursuite des 15 à 18 % d’électeurs indécis (selon les sondages) qui se disent « modérés », sans être fidèles ni au Parti Démocrate ni au Parti Républicain. Stratégie parfaitement cynique : il considère comme acquis les électeurs Démocrates, qu’ils n’ont pas d’autre choix que lui, et qu’il puisse glisser de plus en plus vers sa droite sans perdre leur soutien.
Ce n’est pas le premier mouvement d’Obama en ce sens. Avec son discours musclé contre l’Iran et les Palestiniens devant le puissant lobby pro-israélien AIPAC le 4 Juin ; en s’opposant fin Juin à la décision du Cour Suprême interdisant la peine de mort pour les violeurs d’enfant (la position d’Obama enverrait d’un coup des milliers de prisonniers à la mort si elle devenait la loi) ; en essayant d’être à cheval sur une autre décision du Cour Suprême interdisant à la ville de Washington de bannir la possession d’armes a feu, quand il avait soutenu pareil loi à l’époque où il siégeait au parlement de l’Etat d’Illinois ; et en mettant en cause sa position sur le retraite des forces américains de l’Irak en disant le 3 Juillet qu’il pouvait « peaufiner » son concept du date de ce retraite. Si cela ne ressemble pas à du retropédalage…
Car la promesse centrale, terreau de l’Obamamania, était qu’il rejetait la « vieille politique », qu’il n’était pas un politicien comme les autres. Comme l’a souligné dans un analyse le 5 Juillet l’Associated Press sous le titre « L’emphase centriste d’Obama donne des munitions au Parti Républicain » le sénateur « risque d’être assombri par l’image de quelqu’un qui retourne habituellement sa veste jusqu’à dans les bureaux de vote en Novembre. » Et c’est cette même image que les républicains ont utilisé avec succès contre le candidat présidentiel démocrate John Kerry en 2004.