Royal Canino

Plein de bonnes idées, le si affable président Sarkozy manque d’un bon public. Par exemple, son projet d’Union méditerranéenne n’a pas encore rencontré le sien. À part, un vibrionnant entrepreneur italien, qui tambourine à la porte du Palais depuis des mois pour prendre en charge l’affaire : l’énigmatique Andrea Canino. En vain pour l’instant. Pourtant Canino multiplie les ronds de jambe. Le garçon s’est habilement glissé sur les chemins médiatiques qui ouvrent d’habitude la voie de la présidence. Ainsi l’a-t-on vu publier une tribune dans le Figaro du 31 mai dernier : « nous sommes fin prêts à créer une Union méditerranéenne ». Le bonhomme se place, en précisant sa fonction principale, « Président du conseil de coopération économique ». Et Canino a fait des efforts : ce conseil de coopération économique, axé désormais sur la Méditerranée, n’était quand il en a pris la présidence en 2002, que franco-italien. Bref de louables efforts pour l’instant pas récompensés. À croire que la Présidence se méfie quelque peu du « parrainage permanent des gouvernements espagnol, français, italien et portugais », dont se revendique Canino…

Résident monégasque, son adresse correspond à celle de l’Ambassade d’Italie à Monaco, les diplomates rient encore du coup de fil que leur a passé Bakchich. « Canino, jamais vu… » De l’autre côté des Alpes, son amitié proclamée avec Berlusconi fait beaucoup rire les milieux proches de l’ancien président du conseil italien. « C’est n’importe quoi, Berlusconi ne le connaît même pas ». Du côté du quai d’Orsay, le joli patronyme d’Andrea Canino en fait encore frémir quelques-uns qui se rappellent de ses recommandations. « À une époque, détaille une mauvaise langue, il exhibait une soi-disant lettre de Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, pour se dire mandaté par le gouvernement français auprès des grands patrons. En fait c’était un simple accusé de réception d’une lettre de Canino à Villepin pour présenter son Conseil d’analyse franco-italien, devenu méditerranéen ».

Une méthode comme une autre pour se faire des relations. Dans un autre genre, Canino en a une autre. Quand un officiel italien se pointe à Paris, le vibrionnant Andrea a l’habitude d’aller voir les patrons français pour leur proposer un petit déjeuner avec ledit officiel. Puis s’empresse auprès de l’officiel pour lui organiser un petit déjeuner avec le gotha de l’industrie et de la finance parisienne. Une autre façon de discuter de la poule et de l’œuf… Plus classique, Andrea se targue de moult relations, que d’aucuns appellent name dropping. Au hasard, Canino s’est longtemps prévalu d’une « amitié de vingt ans » avec le monstre de l’assurance, le boss de Generali Antoine Bernheim, qui « ne l’a vu qu’une fois dans sa vie »…

Un trousseau de bonne manière qui n’a étonnamment pas fermé toutes les portes à celui que ses détracteurs appellent joliment « un rat de cocktails de réception ». Et pour cause, le bon Canino dispose au moins d’une entrée solide : l’amicale des Savoyards de Paris, dont Hervé Gaymard, le furtif ministre de l’Economie, et sa douce Clara, lui ont ouvert les portes. Un sacré coup de flair