Vétéran de la Françafrique, Robert Bourgi agite encore le marigot. Petit portrait et documents qui en appellent d’autres, au cours des prochaines parutions de « Bakchich »
L’ami Bourgi a eu son pin’s. Le 27 septembre dernier, l’avocat parisien s’est vu remettre l’insigne de chevalier de la Légion d’Honneur par le bon président Sarkozy lui-même. Pas forcément une bonne nouvelle pour cet « homme de l’ombre », qui a rarement connu une telle publicité que lors des derniers mois. Pour l’héritier auto-proclamé des réseaux Foccart – l’homme qui créa les réseaux françafricains sous De Gaulle –, fort proche des président-démocrates tel le Gabonais Omar Bongo, le Congolais Denis Sassou Nguesso, l’Ivoirien Laurent Gbagbo ou feu Mobutu, paraître en pleine lumière équivaut à une chute de son business : jouer les entremetteurs entre la présidence français et les potentats africains. Ou, tout le moins, à une guerre des réseaux latente.
Car le bon Bob s’est fait quelques ennemis et une réputation dans sa carrière. Né le 6 mai 1945 à Dakar, à en croire le passeport diplomatique sénégalais dont il a joui jusqu’à l’année dernière, dans une influente famille chiite libanaise, l’avocat a une réputation de « faiseur ». En gros, de se vanter de bien des choses. Au hasard : d’avoir plus d’influence que la haute administration française ou d’être mieux renseigné et plus efficace que la DGSE. Ce qui fait bien entendu grincer quelques dents, notamment du côté de la nouvelle cellule africaine de l’Élysée, animé par Bruno Joubert, gentiment surnommé le « boyscout », qui jure la main sur le coeur que le temps des margouillats françafricains est révolu. Et, à l’instar d’un autre habitué du continent, le capitaine Paul Barril, Bourgi traîne la fâcheuse étiquette de « pompier pyromane ». Ou comment créer un problème, par exemple en finançant l’opposition gabonaise tout ou partie, pour ensuite proposer au président Bongo de régler ses soucis… de l’art de se rendre indispensable.
Mais pire, le bonhomme a une petite tendance à louvoyer. Son passage avec armes et bagages du villepinisme forcené au sarkozysme zélé en décembre dernier, comme l’a narré Bakchich, a agacé. Et le clan du président n’est pas connu pour sa magnanimité envers les anciens affidés du « poète »… Ainsi Bourgi n’a-t-il pu rentrer au Fouquet’s, le soir du 6 mai, pour fêter la victoire de Nicolas. Mais a réussi à s’incruster lors de la passation de pouvoir. Et dernièrement, donc, la remise de la Légion d’honneur, à double tranchant…
Exhumées par Bakchich, les deux notes de 1997, adressées au président gabonais, sont un petit condensé de Bourgi dans le texte. Un ton fort familier, que ce soit concernant « Papa » Bongo, le « Masqué » Villepin ou « Jacques » Chirac. Une promesse d’aider au « dossier Ali » (Bongo, fils du président gabonais alors en bisbille avec la justice française). « Jacques Toubon (alors ministre de la Justice) m’a demandé une note (…) pour le régler rapidement dans le sens souhaité ». Et en cadeau, la note transmise par ses soins à Dominique de Villepin, alors secrétaire général de l’Elysée… sur Omar Bongo. Le tout signé au choix « votre dévoué », pour Villepin ou votre « indéfectiblement attaché » Robert, pour Bongo.