Les eaux sénégalaises s’épuisent et les Européens travaillent sans relâche les fonds du littoral. Pourtant, dès 2006, ils auraient du emporter leur ancre, car finis les accords UE-Sénégal.
Bannis des eaux sénégalaises en 2006, les pêcheurs européens ne lâchent pas prise. Pas question de confier les ressources marines aux Africains seuls. À Dakar, les pêcheurs sénégalais décrient les sociétés écrans montées pour couvrir les intérêts étrangers alors que la mer regorge de moins en moins de poissons. Selon le Nouvel Observateur, en 25 ans, les ressources halieutiques du Sénégal ont diminué de trois quarts. Les jeunes pêcheurs, eux, sont de plus en plus contraints à l’exil sur les mêmes pirogues qui faisaient vivre leurs ancêtres.
« Ici, il y a des Italiens, là, c’est un navire grec », nous explique un maître de port à Dakar, fier d’exhiber les chalutiers étrangers suintant le gasoil comme un conservateur de musée montrerait ses plus belles pièces. Pourtant seules les sociétés sénégalaises – avec quelques petites exceptions [1] - peuvent pêcher dans les eaux du pays. Mais c’est par une petite lucarne administrative, que les pêcheurs industriels bannis reviennent à la charge. Les sociétés à 51% capitaux sénégalais et à 49% étrangers peuvent aussi obtenir des licences. Selon Dougoutigui Coulibaly, secrétaire général du groupement des armateurs du Sénégal, la moitié des armateurs sénégalais sont des sociétés mixtes.
Dans le port de Dakar ces société mixtes n’ont de mixité que le nom. À bord du King Crab, un crevettier appartenant à Senepeco, une société sénégalaise à participation espagnole, un des employés nous confirme que le véritable propriétaire du bateau est un Espagnol de Vigo. Société mixte ou société écran ?
L’administration sénégalaise, elle, préfère fermer les yeux plutôt que de réexaminer les licences des entreprises dont la « sénégalisation » est jugée fictive par les professionnels de la pêche. Et la chute des ressources de la pêche inquiète… Là-bas c’est plus d’un sénégalais actif sur 6 qui vit de la pêche.
Ci-joint, la réponse de l’Union Européenne à Action Aid sur l’exploitation des côtes sénégalaises. Si les sociétés mixtes ne sont pas nominalement citées, l’UE l’évoque de manière implicite mais seulement pour botter en touche. « La politique d’attribution du pavillon sénégalais dépend des règles mises en place par le Gouvernement sénégalais qui est souverain en la matière. Si des navires européens sont passés sous pavillon sénégalais, il est incorrect de parler de règles contournées, car ce sont bien les règles existantes qui permettent les changements de pavillons. L’Union Européenne (UE) n’a pas de pouvoirs dans ce domaine. »
Malgré un gel de l’attribution des nouvelles licences clamé en 2006, les autorités continuent d’en délivrer. Le port de pêche de Dakar comptait 120 bateaux en 2006 et surprise 126 en 2008 ! Vous avez dit gel des licences ? Fin des accords UE-Sénégal, trente bateaux européens [2] ont levé l’ancre, mais d’autres ont saisi l’occasion de se trouver une petite place. En particulier les chalutiers de pêche côtière [3] dont le nombre a presque doublé [4]. Ces navires industriels pêchent entre 6 et 12 milles des côtes et rentrent parfois en conflit direct avec les pirogues. Heureusement, avec la crise du pétrole, certains n’ont pas pu quitté le port en 2008. Qui du pétrole ou du poisson s’épuisera en premier ?
Lire ou relire sur Bakchich.info :
[1] notamment une dizaine de canneurs espagnols et français
[2] en particulier des senneurs et des chalutiers de pêche profonde, certains n’hésitent pas à dire qu’ils sont partis sans rechigner du au manque de poissons
[3] Chalutier poissoniers-céphalopodiers de pêche démersale côtière
[4] De 34 en 2006 à 61 en 2008