Un polar qui fait aimer les RG, c’est rare. Et encore plus quand il est écrit par une ancienne gauchiste.
« L’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, l’argent qui ruine, l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes ». De qui est cette phrase ? Vous la trouverez en exergue de Nos fantastiques années fric, de Dominique Manotti.
L’auteur utilise le polar pour décrire la fin des années du règne de François Mitterrand. On ne parle pas directement du colonel Prouteau, ni de Jacques Attali, ni du Capitaine Baril, mais on les croise en creux.
À la fin des deux septennats de « Tonton », certains membres de l’Elysée ont perdu le sens de l’engagement politique. Les intérêts nationaux et les intérêts privés se mélangent. Bornand, notre héros, veut sauver les otages français au Liban, les élections approchent et la gauche, ou ce qu’il en reste, est mal partie. Pourquoi ne pas en profiter pour faire un peu d’argent ? C’est vrai après tout, pourquoi pas ? La mode est au fric. À partir de cette époque, c’est même l’étalon de la réussite. Il faut rouler en Porsche. Bornand n’est pas le seul dans cette situation. L’Elysée roule grand train. Pendant cette période, Jacques Attali à la tête de la BERD a du mal à se contenir « des repas londoniens dans les restaurants « branchés » à hauteur de 170.000 francs, des dépenses personnelles sur le compte de la BERD tardivement remboursées », un siège qui coûte plus cher que les encours qu’il offre aux anciens communistes.
Dans cette ambiance de « m’as-tu vu ? », tout le monde se méfie de tout le monde. C’est donc à la police d’arbitrer. Et la police va mal. Certains flics sont directement employés par les politiques. Les socialistes se méfient de la Police Nationale, elle ne fait confiance qu’aux gendarmes, et encore. Dans ce monde c’est un commissaire des RG « d’autant plus intègre que l’argent ne l’intéresse pas » qui permettra aux lecteurs d’y retrouver leurs petits.
Evidemment, dans le roman, Bornand échouera, tué par son épouse. Mais c’est uniquement parce que c’est un roman noir. D’autres ont été plus chanceux. Jean-Charles Naouri par exemple, l’ancien directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy de 1983 à 1986 se lance dans la finance. Le père de la grande réforme des marchés financiers, tente, avec l’appui de Pierre Bérégovoy de prendre le contrôle de la Société Générale. Il échoue et écope d’une mise en examen pour délit d’initié. Mais rien n’arrête notre homme. Ce héros de Challenges est aujourd’hui classé 63ème fortune française.