Pour la liberté de la presse, les combattants ne manquent pas. Surtout du côté des politiques, en grande forme lundi 15 décembre, pour défendre les journalistes lors du débat RSF-Mediapart. Qui a dit que l’engagement était mort.
Théâtre du Rond-Point, 20 heures. Une heure que le 2e grand raout de Mediapart et Reporters sans frontières sur la liberté de la presse a commencé. Et les portes sont closes par une jolie mais intraitable cerbère. « Retard vous rentrez pas c’est complet ». Diantre. Le bon Edwy Plenel, patron du site Mediapart et néanmoins ancien boss du Monde, avait certes sorti les grands moyens. Entrée pour une fois gratuite en ses terres et texto à l’appui. « Presse audiovisuelle : pour défendre la liberté, le pluralisme et la qualité de l’information, RSF et Mediapart vous donnent rendez-vous lundi à 19 heures au Théâtre du Rond Point. Paroles et débats en présence de toutes les familles politiques. Je compte vivement sur votre/Ta présence. Edwy ». Banco ! Le Rond-Point, sympathique bicoque de quelque 700 places, est bondé. Au grand étonnement même des organisateurs. « Se mobiliser autant… un lundi soir. Epatant ».
Et pas moyen d’entrer même pistonné. Enfin presque. « C’est un redac’chef, il doit faire un papier ». Hop, une place au premier rang. Charmant pour assister au défilé politique de bonne volonté. Soutenir l’appel de la colline et la liberté de la presse, c’est comme manifester contre le Sida, pour la paix dans le monde et contre la guerre. Essentiel et si engageant que toutes les familles politiques s’y sont retrouvés. Et succédés à la tribune.
Les attendus bien sûr, Noël Mamère (Verts) haut pourfendeurs de la loi sur l’audiovisuel et Daniel Bensaïd (LCR). Le plus en phase, François Bayrou, heureux de trouver une tribune pour l’un des thèmes de sa campagne, et d’y asséner une petite leçon d’histoire. A citer le tigre Georges Clémenceau, grand défenseur de la liberté des journalistes pendant la grande guerre selon le Béarnais. Et a accusé Sarko Ier d’avoir « méthodiquement pensé une stratégie de muselement de la presse ». Après les grands mots les grands témoins.
Vittorio de Filippis, journaliste réveillé de Libé, assène une jolie vérité. Des gardes-à-vue comme il en a connues, battage médiatique en moins, il y en a tous les jours en France… Douce France. Claude Sérillon, ancien présentateur du journal de France 2 et historique du service public, rappelle bien gentiment que tous les pouvoirs politique, quel que fut leur couleur, font, à défaut de la tentation de Venise, la tentation de la Télévision.
La classe politique regarde ses chaussures. Heureusement, un grand ancien vient faire le cabotin. Jean-François Kahn, fondateur de Marianne, ancien patron de l’Evénement du Jeudi. « Un grand témoin », assure Plenel. A croire que personne ne l’a mis au courant qu’il était désormais encarté au Modem.
Enfin, la grande famille est réunie. Journalistique et Politique. Même le Parti socialiste en ce soir béni, a l’air uni… Ils n’ont officiellement délégué qu’un homme pour prendre la parole. Une chance, il s’agit du porte-parole Benoît Hamon. Sa prise de parole coïncide avec le départ de Jean-Pierre Mignard, fervent avocat royaliste et soutien de Mediapart, de la salle. Malencontreux hasard. François Hollande passe aussi par là. Oui, toutes les familles politiques sont là. Enfin presque toutes. Manque les sarkozystes. Mais au moins, une espèce en voie de disparition aura été entr’aperçue. Le député UMP Hervé Mariton, opposant à la loi sur l’audiovisuel, est monté à la tribune, apporté sa contribution à un débat. Un villepiniste. Le théâtre bondé n’a pas perdu sa soirée. Las, dès 21h30, le bar a fermé.
A lire ou relire du Bakchich.info
Seuls les hommes politiques présents à la tribune n’avaient jamais entendu des griefs faits à RSF sur des centaines de milliers de commentaires Internet, dans toutes les langues.
Ils ne sont pas informés des déboires de RSF avec l’ONU, l’UNESCO, avec les tribunaux français en raison de son acharnement partisan envers les pays pauvres qui prétendent user du "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes" (De Gaulle).
Les propos ahurissants de Ménard sur la torture au micro de France Culture ne leur ont pas été rapportés.
Les propos du "président d’honneur" (sic) de RSF, Ménard, affirmant "En tant que patron de RSF je m’abstiendrai de dire ce que je pense des médias français" leur ont été cachés.
La reconversion du chevalier blanc de la liberté de la presse dans une monarchie qui pratique la polygamie, la flagellation, la torture, la peine de mort, la censure des médias ne les empêche pas d’entrer dans sa maison.
Aucun n’a lu les mails que je leur ai personnellement envoyés pour les mettre en garde.
Bref, la classe politique éclairée, celle qui se bat contre Sarko et pour le droit d’expression est sourde et aveugle.
Lui reste la parole. Parfois, on rêve qu’elle s’enroue et reste au chaud à relire Marx, Jaurès, etc.
Maxime Vivas