Pas facile d’être ado de nos jours. Les principes de précaution se multiplient là où, dans leur jeunesse, leurs grands-parents n’entendaient que les conseils classiques : « ne prend pas froid ! », « bois ton huile de foie de morue ! », « remonte tes chaussettes ! » et « dis bonjour à la dame ! ».
L’ado contemporain est en butte à un vrai parcours du combattant. Chez lui, il doit se taper des jeux vidéo à la con sur internet au lieu de se plonger avec stupeur ou délices dans Céline, Vian ou Beckett. Il dort à côté de son mobile pour ne pas rater le copain ou la copine qui lui confie son mal de vivre et s’expose ainsi à un cancer précoce du cerveau car les ondes sont dangereuses. Une fois amoureux, il redoute le sida. Sur le chemin de l’école ou du lycée, il jongle entre les racketteurs et les dealers. Arrivé dans un lieu voué en principe à l’éducation et la méditation, il voit son cartable fouillé et son cutter confisqué par la trogne patibulaire d’un vigile couperosé. S’il a la malchance d’être bronzé (comme dirait Berlusconi), il se fait contrôler vingt fois dans la journée et serre les fesses sur un scoot probablement volé. Enfin rentré chez lui, il redoute le Karcher promis à ces feignants qui blablatent avec leurs potes dans les cages d’escalier. Ses vacances, il les passe sur des plages qui puent l’algue verte et se baigne dans des rivières gorgées de pesticides.
Diplôme en poche, il pointe au chômedu illico. Avec bac + 6, il peut raisonnablement briguer un poste de caissière au super ou au péage de l’autoroute. Dans les deux cas, il renifle les pets des clients et le plomb des moteurs. S’il décide de convoler pour acheter à prix d’or un studio en banlieue, entre le périph’ et la voie ferrée, son compte en banque alimenté par ses vieux se retrouve siphonné par les Madoff les plus proches. Son chemin de croix prendra fin dans 50 ans, le jour où il touchera enfin son minimum vieillesse.
Et on se demande pourquoi, avec les perspectives radieuses que lui offrent les adultes, les ados hésitent à aller voter aux Européennes !
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