Le bon président Nicolas Sarkozy rend visite à une nation en crise. Petit tour d’horizon du pays sorti des limbes de l’apartheid.
La "nation arc-en-ciel" de Nelson Mandela et Desmond Tutu qui nous avait illuminés en 1994 n’est plus. Si cela n’est pas évident vu de Paris, les signes du déclin le sont pour les millions de Sud-Africains qui vivent au quotidien la criminalité, une corruption endémique, un système de santé défectueux et des coupures d’électricité de plus en plus fréquentes. Le temps de l’unité et de l’espoir qui avait marqué les années 90 est un souvenir qui a vieilli avec les deux derniers justes, Desmond Tutu et Nelson Mandela.
L’usure du pouvoir se fait sentir pour l’ANC. A l’image du parti de la cause anti-raciste a succédé l’image d’un club de profiteurs politiques, reconvertis dans le conflit d’intérêts permanent. Après les années de vache maigre qui conduisirent Nelson Mandela sur le chemin de Tripoli (1995), l’ANC a affiché l’année passée un patrimoine de 1,7 milliards de rands (147 millions d’euros). Un bilan bénéficiaire pour un parti politique étant un phénomène assez rare, cela a déclenché une enquête interne dont plusieurs dignitaires du régime Mbeki devraient être victimes. Censé bénéficier aux "populations historiquement défavorisées", le "black economic empowerment" a été transformé en jeu de casino pour le clan de Thabo Mbeki à tel point que l’événement sociologique majeur de ces 15 ans d’ANC est l’émergence d’un petit groupe de grands capitalistes africains, à la fois détestés et enviés par les townships.
En même temps que le casino du pouvoir faisait son œuvre parmi les syndicalistes et communistes de l’ANC, la grande politique cédait le pas à la petite, voire la toute petite. Thabo Mbeki et son vice-président Jacob Zuma se battaient à coup de dossiers judiciaires interposés et de coups bas qui ont, pour le moment, tourné à l’avantage du second et dont Bakchich s’est fait l’écho.
Mais le vrai problème n’est pas les turpitudes de l’ANC et le passage de relais entre Mbeki, l’Africain britannique, et Jacob Zuma, le populiste Zoulou. Le vrai problème, c’est l’état de la nation dont le déclin devient maintenant visible, voire trop visible, à travers des signes qui ne trompent pas : le retour de la tuberculose résistante et l’incapacité du système de santé public à faire face aux pandémies, un taux de SIDA parmi les plus élevés au monde, une délinquance qui malgré les milliards investis dans la police figure toujours parmi les plus élevés au monde et une électricité qui se raréfie. L’absence d’investissements dans l’énergie pendant des années ne pénalise plus seulement les ménages des grandes villes qui se sont habitués à avoir des coupures régulières tout au long de la journée, mais elle pénalise maintenant l’industrie en forçant certaines mines à cesser leurs activités. Dans un pays dont la richesse a été construite grâce à l’industrie minière, l’arrêt temporaire de mines d’or faute d’électricité est un symbole fort.
Après 15 ans d’ANC, le rideau est maintenant levé sur les luttes intestines du parti et le déclin devient de plus en plus visible, même pour les intellectuels africains qui n’y voyaient que la mauvaise humeur des Blancs. Très récemment, le frère du président, Moeletsi Mbeki, a lui-même tiré la sonnette d’alarme sur le déclin sud-africain. La "nation arc-en-ciel" perd de ses couleurs et risque de sombrer dans le crépuscule quand Nelson Mandela et Desmond Tutu, les deux consciences de la nation, auront soufflé leur dernière bougie.
Je voudrais ajouter quelques commentaires sur la plupart des articles sur l’Afrique du Sud. Reduire la composante sociale de la RSA aux riches blancs et aux pauvres noirs est assez reducteur. L’Afrique du Sud c’est aussi (et de plus en plus) une immigration de diverses origines. Mis a part les presences historiques (Boers et Anglais), on y trouve en masse du Portugais, du Grecque (depuis longtemps), du Malaisien, du Chinois (de plus en plus), de l’Indien-Pakisatanais et tout un tas d’autres migrants qui vivent joyeusement en communaute. Et il me semble que ces derniers ne s’en tirent pas trop mal au niveau economique.
Pour ma part, j’ai travaille en 97-98 au deploiement de reseaux telephoniques en RSA, dont une grande partie de nos systemes etaient installes dans tous les townships de Joburg (social). A l’epoque, ca n’etait deja pas fameux, et pour certains (ex : Thembalihle,etc…) je ne vois pas comment ca pouvait etre pire. Quand on vit dans une cabane faite de palettes et de portes de voiture, et que la temperature descend en dessous de 10 degres l’hiver, c’est franchement pas la joie. Cote sous-traitant, une tripotee de sud-af blancs, et pour vous dire pas franchement des lumieres…. donc l’education pour les blancs, que dalle pour les noirs n’est pas 100% vrai. Il y a comme partout pleins de type qui reste sur le carreau, en marge du systeme educationel (Blanc, Noirs et autres couleurs inclus). Mais il est vrai que depuis la mise en place de l’"Affirmative Action", c’est de plus en plus dur pour les blancs non diplomes (voire non eduque), les "privilegies" de l’ancien regime….
Bonjour, Clémence.
Il a certes été précisé que l’apartheid avait joué un rôle dans cette situation (ce qui est une évidence) et les responsabilités des personnes au pouvoir (l’ANC) n’ont pas été minimisées. Mais il n’a jamais été dit que l’apartheid était la source de tous les mauxs.Il ne faut quand même pas déformer les propos. Cela serait bien que lorsque l’on parle d’un pays africain, on fasse preuve de recul et de modération, les choses sont plus complexes qu’elles ne le paraissent, même en Afrique ! Un peu de rigueur intellectuelle… Merci.