Dans le domaine des surprises politiques, cette semaine, la République démocratique du Congo succède à l’Afrique du Sud. Après l’annonce de la démission surprise de Thabo Mbeki dimanche soir, c’était au tour du Premier ministre Antoine Gizenga de jeter l’éponge le jeudi 25 septembre.
A l’issue d’une déclaration sobre où il met en avant ses 84 ans (voir le texte en encadré), le compagnon de Lumumba se retire des affaires et laisse la place libre. Choisi en 2006 parce que le clan Kabila, surpris de ne pas gagner au premier tour, avait désespérément besoin d’un allié à l’Ouest, Antoine Gizenga et son parti historique, le PALU (Parti lumumbiste unifié), avaient fait un retour qualifié de miraculeux sur la scène politique congolaise.
Présenté comme la caution historique et morale du régime et le contrepoids expérimenté de Joseph Kabila, le plus jeune président d’Afrique, le premier ministre n’a cependant pas beaucoup agi pendant deux ans. A cause de son âge selon certains, à cause de la présidence, pour d’autres, qui aurait modérément apprécié les résultats de l’audit que la Primature avait commandé sur la gestion des deniers publics pendant la transition.
En tout cas, Antoine Gizenga, le patriarche de la politique congolaise, laisse un bilan inexistant, un parti réduit à l’état de secte personnelle et une Primature vide de pouvoir. Prudent, l’adjoint d’Antoine Gizenga, Godefroid Mayobo, a conclu la journée de la démission par une causerie morale aux agents de la Primature, les prévenant de ne partir ni avec leur véhicule de fonction ni avec les meubles de leur bureau. Tradition oblige…
La présidence doit maintenant arbitrer entre le respect de l’accord de 2006 avec le PALU (pour faire partie de la majorité présidentielle, le PALU avait obtenu le poste de premier ministre) et les membres du parti de Joseph Kabila (PPRD) qui se verraient bien dans le rôle du Premier ministre salvateur (la situation socio-économique est plus que morose et les bruits de bottes ont repris dans l’Est du pays). La présidence a encore un joker à jouer : nommer un homme de l’Ouest qui ne soit ni du PPRD ni du PALU et dont le nom pourrait rappeler celui d’un ancien président-maréchal…
MESSAGE DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE ADRESSE AU PEUPLE CONGOLAIS, Le 25 septembre 2008. Congolaises, Congolais,
Chers compatriotes, Depuis plus de vingt mois, j’ai été à la tête du Gouvernement de notre pays grâce à la sollicitation de son Excellence Monsieur le Président de la République, Joseph KABILA KABANGE, et après investiture par l’Assemblée Nationale du Parlement de la République Démocratique du congo. Cette élévation a été un grand honneur pour ma modeste personne qui, après avoir contribué dans la lutte pour l’indépendance de ce pays et de son peuple en 1959 et 1960, avait été évincée du pouvoir par les Forces hostiles à notre Nation. J’exerçais alors les fonctions de Vice-Premier Ministre du Gouvernement dirigé par l’immortel Patrice Emery LUMUMBA. Grâce à vous, par vos suffrages et par la volonté du Président de la République, Chef de l’Etat, je suis revenu, 45 ans après dans la gestion des affaires nationales au poste de Premier Ministre, Chef du Gouvernement de la République. Ce retour fut essentiellement dicté par notre volonté de travailler avec le Président de la République pour empêcher la facture Est-Ouest de notre pays, pour promouvoir la paix, renforcer l’unité nationale et instaurer la bonne gouvernance dans un élan de redressement politique, économique et social de la nation. La tâche est immense car le fossé de la régression, dans lequel était tombé notre pays, est très profond. Toutefois, on peut aujourd’hui affirmer que le pays commence à reprendre le bon cap et à connaître une vraie dynamique de redressement et de refondation. Il faut tenir bon et avancer avec détermination. Cependant, pour tout homme, même si l’esprit peut encore être sain et alerte, le corps physique a ses limites dont il convient de tenir compte.
C’est pourquoi, après près d’un demi siècle de lutte pour la cause nationale et plus de six cents jours d’exercice des fonctions de Premier Ministre, Chef du Gouvernement, J’ai décidé en ce jour de présenter ma démission de ce poste auprès du Président de la République, Chef de l’Etat. J’ai déposé la lettre y afférente ce jour à 10 heures. Nous aurons la réponse du Président de la République lorsqu’il lui plaira de nous la faire savoir. Avant de terminer, je voudrais exprimer toute ma gratitude à Son Excellence Monsieur le Président de la République pour la confiance qu’il a bien voulu placer en ma personne. Je remercie aussi, le Parlement pour la courtoisie qu’il m’a témoignée sans cesse. Je suis également reconnaissant envers le pouvoir judiciaire de notre pays pour l’estime qu’il m’a porté, notamment par la visite de courtoisie que m’a rendue le Premier Président de la Cour Suprême de Justice. Je dis infiniment merci à vous tous, Congolaises et Congolais, qui m’avez entouré de tant de compréhension et d’affection traduite par la gentille appellation de « Patriarche ». Enfin, je formule les vœux les meilleurs de progrès et de succès à toutes les Institutions de notre pays et je réitère ma profonde conviction que, dans la paix, l’unité, la concorde nationale, le travail, la justice et la bonne gouvernance, le Congo, notre cher pays, ne pourra aller que de l’avant et construire toute sa grandeur. La lutte continue et le peuple vaincra ! Vive la Patrie, Vive le Peuple congolais souverain et uni, Vive la Démocratie. Je vous remercie.
Fait à Kinshasa, le 25 septembre 2008 ANTOINE GIZENGA.
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