Plus de cent personnes, dont de nombreux adeptes du mouvement Bundu dia Kongo (BDK), ont été tuées dans une opération de police en février-mars au Bas-Congo. L’ONU dénonce les violations des droits de l’homme commises par les hommes de Kabila.
Alors que la plus séduisante droit-de-l’hommiste de l’UMP, Rama Yade, était en service commandé le 9 juin dernier à Kinshasa pour remettre une invitation officielle à Joseph Kabila de la part du président de la République, les Nations Unies ont publié le 13 juin un rapport accablant sur la chevauchée sanglante des unités spéciales de la police congolaise au Bas-Congo.
Début mars, la PIR (comprendre : police d’intervention rapide, acronyme bien choisi) et l’UPI (unité de police intégrée) ont réprimé un mouvement politico-religieux, le Bundu dia Kongo (expression kikongo qui signifie « royaume du Congo »), qui commençait à en prendre trop à son aise avec les autorités publiques, les policiers, les curés et même les sorciers ! Jusque-là rien de spécial : les NeKongo trouvent tous les 20 ans un nouveau prophète qui se fait le héraut de leurs velléités d’autonomie et échauffe les esprits dans la province rurale du Bas-Congo. Mais cette fois-ci, la police envoyée de Kinshasa pour calmer ce début de rébellion magico-ethnique a eu la main lourde : les enquêteurs des Nations Unies ont conclu qu’environ 100 membres de ce mouvement avaient été tués lors d’exécutions extrajudiciaires, de tortures, pillages, etc, alors que le bilan officiel des autorités congolaises est de 27 morts. La police a systématiquement détruit les églises et maisons des membres du BDK, des cadavres ont été jetés dans le fleuve Congo – la mission d’enquête en a ramené quelques photos – et des fosses communes ont été localisées.
Mauvaise joueuse, la mission d’enquête a même consigné toutes les obstructions des autorités congolaises lors de son déplacement au Bas-Congo. Les unités de la bien nommée PIR n’ont pas hésité à utiliser leurs armes automatiques face aux paysans armés de bâtons qui devaient se transformer en armes réelles sous l’effet d’un rite magique. Dans les villages de Mbata Siala, Sumbi, Lufuku et autres, cet excès de foi a abouti à des tueries dignes de l’époque où les sagaies s’opposaient aux mitrailleuses.
Les enquêteurs des Nations Unies estiment, dans leur rapport, « que ce lourd bilan, en termes de vies humaines, a été principalement causé par l’usage excessif ou illégitime de la force par la PNC » (La police nationale congolaise). Ils dénoncent avec un certain euphémisme les dissimulations de preuves de la part des autorités congolaises :« le fait que la police nationale congolaise ait jeté des cadavres dans la rivière pour chercher à dissimuler des preuves est aussi très troublant » (sic). Cet élégant langage pour désigner une répression sanglante n’est pourtant pas du tout du goût du gouvernement congolais. Le ministre de l’Information, Emile Bongeli, est monté au créneau pour dénoncer « la légèreté de ce rapport » et protester auprès du secrétaire général des Nations Unies. Avec leurs bouts de bois et leurs noix de cola qui devaient se transformer en grenades, les quelques paysans illuminés du BDK ont « failli mettre en péril la vie de la République », selon le ministre.
Habitué à plus de compréhension de la part des Nations Unies quand l’américain Bill Swing était le chef de la mission des Nations Unies en RDC, Joseph Kabila vient d’apprendre avec le très britannique Alan Doss qu’avoir 17 000 casques bleus chez soi a l’avantage d’éviter que les Kivus ne passent sous contrôle rwandais mais l’inconvénient de donner - parfois – un coup de projecteur sur les mauvaises actions du gouvernement. Cette répression, dont le compte-rendu détaillé figure sur le site de la mission de l’ONU en RDC, pourrait bien être pour Joseph Kabila ce que l’affaire des disparus du beach est pour son voisin, Sassou N’Guesso : une tâche indélébile sur une réputation déjà douteuse.
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