A Paris, la très huppée Clinique du Sport a pratiqué des années durant, la chirurgie à la chaîne, avec une notion particulière de l’hygiène. L’établissement prospérait…avec les maladies nosocomiales
Avant que Virenque n’apparaisse dopé à l’insu de son plein gré, plein de braves gens ont cru que le sport et la santé, c’était la même chose. Mais la performance crée aussi des névroses. Comme à Paris, à la « Clinique du Sport » (CDS). A peine créé, l’endroit est devenu d’un chic….
Pourtant un malhonnête « Mycobacterium xénopi », de son petit nom M.xenopi s’est incrusté dans les tuyaux de la clinique en 1989. Incroyable mais, peinard, il pourrit l’eau de la si huppée clinique pendant 4 ans. Dans l’indifférence. Pourtant la bactérie a mauvaise réputation. Elle provoque des multiples infections, par exemple une sorte de tuberculose osseuse. Pendant toutes ces années certains clients de la clinique se demandaient bien pourquoi ils souffraient de maux étranges… « Ce n’est qu’en juillet 1997 qu’une lettre de la direction de l’établissement de santé les alerte, par courrier, en les invitant à subir des examens radiologiques de contrôle », décrit dans son réquisitoire du 12 février 2008, le parquet de Paris.
Et le procès fait à cette médecine de rêve, s’est achevé le 27 octobre. Le 3 février, on saura si les docteurs Mabuse iront de la Clinique du Sport à la Santé. Achevé sans trop de brouhaha. A la même heure les bouchers de Clearstream sortaient leur croc et l’Angolagate publiait le résultat des courses. Sur les ravages de M.xenopi, les colonnes des journaux officiels sont restées quasi-muettes. Pourtant, sur l’échelle du grave, « cette affaire est la plus terrible depuis celle du sang contaminé », apprécie Me Olivier Baratelli, avocat de l’un des seize plaignants.…
Histooire d’un scandale. Entre 1988 et 1991, des travaux de réfection ont « perturbé le circuit de lavage-décontamination-stérilisation des instruments". Joli litote policière pour décrire une vraie infection . En 1989, le professeur Meunier, basé à Lyon, découvre qu’un de ses patients, opéré à la Clinique du Sport, rencontre quelques complications : « La surprise de découvrir non pas une récidive de hernie discale, mais un tissus granulomateux (…) dont l’examen évoquait de manière assez caractéristique une tuberculose ». Excellent confrère, le doc’ prévient le patron de la CDS, le docteur Sagnet afin de le prévenir d’une possible infection… Des prélèvements ont alors lieu, mais pas dans le circuit d’eau alors que c’est ici que M.xenopi prospère…. Ballot.
De 89 à 93, les cas d’infections se multiplient dans cet établissement qui pratique une chirurgie d’abattage avec 5 000 opérations par an. Ce qui implique qu’on est pressé, que pour stériliser les outils, les blocs, Bof, on passe un petit coup vite fait. Pour nettoyer leurs scalpels, pinces et scies les chirurgiens les passent sous l’eau du robinet. Certes les tuyaux sont munis de filtres, pas pour autant stérilisés. Quant à l’utilisation de « solutions » génocidaire de microbes, elles sont peu usitées. Mêmes les kits à « usage unique » sont réutilisés.
Le 1er aout 1991 vingt-trois opérations sont réparties entre deux chirurgiens. Elles concernent des hernies discales malgré « un nombre insuffisant de boîtes d’instruments disponibles », précise l’enquête. Ce rythme prouve, à lui tout seul, que « les procédures de remise en état des salles d’intervention, la décontamination et la stérilisation du matériel n’étaient pas réalisables dans le temps imparti. »
Légère conséquence certains patients se retrouvent des années après « avec des abcès tout le long de la colonne vertébrale ». Il parait que ça gratte une peu… Après une quarantaine de cas de contamination révélés, des questionnaires « de satisfaction », assez lapidaires, sont postés. En vue de préparer un séminaire à Agadir. Six cents envois pour 175 réponses. Et aucun examen de dépistage pratiqué. Circonstance atténuante ? La pauvrette ne dispose pas, à l’époque, d’un CLIN (centre contre les luttes et infections nausocomiales), qui ne s’impose « qu’aux établissements qui dépendent de l’Etat, ou liés contractuellement avec lui. Et pas du tout aux établissements privés indépendants, comme la CDS ». Là les juges lavent la réputation de la clinique.
Poursuivis pour blessures involontaires et tromperie, trois chirurgiens risquent de huit mois à trois ans de prison. Avec le M.xenopi d’or pour l’ancien directeur de la clinique, l’excellent docteur Sagnet, alias « le Pinocchio du scalpel, le Pinocchio du bistouri » selon les mots enjoués de Me Baratelli. Trois ans de prison dont deux avec sursis sont requis. Verdict le 3 février 2010. Le temps d’étudier le spore.
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