Encore une prescription foireuse du docteur Maure, ce médecin marseillais devenu chirurgien esthétique autodidacte. Afin d’éviter une condamnation pour publicité mensongère, tromperies aggravées, mises en danger d’autrui et blessures involontaires, il s’était « imposé » une cure de repos hors de France, communément appelée cavale. Mauvais diagnostic, le bon docteur a été arrêté hier, mardi 19 août en Espagne.
« Vous ne me reverrez plus », avait-il écrit au parquet de Marseille. Raté. Annoncé en cavale depuis le 15 juin par la Provence du côté de Rosas, une station balnéaire espagnole, Michel Maure a été alpagué par les flics espagnols. Et les juges marseillais, impatients, attendent son extradition. « Le mandat d’arrêt européen a été exécuté normalement, indique-t-on au parquet de Marseille, ne nous reste plus qu’à attendre qu’on nous l’envoie pour le renvoyer en détention provisoire » [1].
Difficile aussi pour le docteur Michel Maure de vouloir retrouver des magistrats qui avaient requis en juin dernier lors de son procès 4 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour quelques babioles… 96 de ses patients se sont plaints de ses services, dont une malheureuse qui, après une augmentation mammaire, s’est retrouvée avec le « sein droit sous l’aisselle ».
Tentant aussi de se faire la belle après un an de contrôle judiciaire, quand on possède un yacht de 18 mètres amarré sur le port de Marseille.
Mais surtout vexant de voir son œuvre ainsi bafouée pour le bon doc’, autoproclamé jusqu’à la barre du tribunal « plus grand chirurgien esthétique du monde »… Autodidacte, aurait-il pu ajouter. Peut-être une raison pour laquelle il est également accusé de mise en danger d’autrui, et de « publicité mensongère ».
Michel Maure, 59 ans au compteur, et 34 ans d’exercice de la médecine a en effet appris le métier de chirurgien esthétique sur le tas. Sans formation ni même conseil, en dehors de tout cadre légal. Tout juste a-t-il indiqué aux enquêteurs, qui ont ouvert une information judiciaire à son encontre en 2004, qu’il avait assisté deux éminents chirurgiens dans leurs opérations… entre 1984 et 1987. Aucun des deux n’a confirmé lui avoir prodigué des conseils.
Et le conseil d’experts de la DDASS, mandaté par l’instruction, ne s’est guère montré confraternel dans l’avis rendu . « Ils estimaient enfin que Michel MAURE, autodidacte en chirurgie, ne faisait état d’aucun diplôme universitaire, voire du collège français de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, a fortiori de la compétence (créée en 1977 et devenue depuis 2002 une spécialité reconnue et délivrée par l’ordre national des médecins) », décrit, peu amène, le réquisitoire du parquet dont Bakchich a eu vent.
Une lecture passionnante mais un livre de chevet un peu glauque, à l’évocation des conditions sanitaires dans lesquelles étaient pratiquées les interventions. Aucun bilan pré anesthésique, ni bilan sanguin, sortie le jour même de l’opération, quelle qu’elle soit, anesthésie au Valium concentré… des méthodes révolutionnaires et ainsi résumées en quelques points.
« - Court délai entre la visite préalable et l’opération
- Vétusté et insalubrité du bloc opératoire et des instruments
- Présence d’une assistante qui pratiquait une piqûre de VALIUM
- Anesthésie sans effets suffisants pour éviter de violentes souffrances (jusqu’au malaise) éprouvées pendant les actes opératoires
- Assurance de pouvoir reprendre les activités dans un délai de trois jours
- Absence de suivi postopératoire, si ce n’est la remise d’une prescription des médicaments, difficultés post-opératoires (D 935/5)
- Absence de résultats, désagréments esthétiques ».
Au rayons fraîcheur, le doc n’était pas non plus irréprochable. « Prothèses mammaires périmées », « perte de la stérilité des dispositifs pouvant entraîner une encelopathie subaigüe spongiforme (la vache folle) », « Sur des étagères « sales et poussiéreuses » du couloir menant à la stérilisation, et qui semblaient être la réserve de médicaments et de matériels médicaux utilisés pour les interventions en bloc, les inspecteurs constataient les mêmes confusions et désordres que dans le bloc opératoire. Les médicaments périmés ou non côtoyaient des dispositifs médicaux. ». Pas un as du rangement non plus le Maure…
Docteur Michel, lui-même, se néglige quelque peu. Description in vivo par une de ses victimes, venu pour une liposucion. « A son arrivée, deux personnes portant des blouses sales de couleur verte tout comme celle de Michel MAURE, qui était elle-même tachée de sang, assistait ce dernier. La table sur laquelle elle devait s’allonger était également souillée. L’opération était réalisée sans anesthésie. Au cours de l’opération, la machine à aspirer les graisses tombait en panne. Une personne se présentait pour la réparer pendant que l’intervention se poursuivait. Les suites opératoires avaient été difficiles (écoulements sanguins, douleurs, démangeaisons, hématomes) ». Il faut beaucoup souffrir pour être belle.
Le tout à des tarifs défiant tous concurrence. 3050 euros la mise sous airbag pour ces dames…
Le conseil national de l’ordre de médecins s’est beaucoup penché sur son cas. le doc’ n’est pas du genre à se cacher. Une promotion assurée via des petites annonces dans les journaux régionaux (depuis 1995) et un site, magicclinic.com.
Plutôt un bonhomme en quête d’un « besoin d’affirmation, de reconnaissance sociale. », notent même les psychiatres qui l’ont ausculté à la demande des enquêteurs en 2005, assorti d’une pointe de « mégalocentrisme ».
11 sanctions disciplinaires, depuis 1985, lui ont été infligées, allant de l’interdiction d’exercer durant un mois à trois ans… pour déboucher, après 23 ans de suivi à une radiation pure et simple en décembre 2006. Le temps de bien triturer le sujet ?
Plus étonnant que cette langueur à anesthésier ses activités, ce témoignage d’une victime, qui affirme qu’elle n’a accepté l’opération « qu’après s’être assurée auprès du Conseil de l’Ordre qu’il était en mesure de pratiquer ce type d’intervention » …
Dernières petites incongruités, les deux cliniques où a officié le docteur Maure ont été frappées d’interdiction préfectorale. La Clinique de la Corniche, après son retrait d’autorisation, a effectivement fermé en 1995. Mais la bonne maison Clinique Chirurgicale Saint Bernard, frappée d’interdiction en 1995, décision confirmée en 1996, n’a fermé qu’en 2004…
Une petite rallonge fort bien mise à profit par l’autodidacte Maure.
Lire ou relire dans Bakchich :
[1] Contactés par Bakchich, les avocats de Michel Maure ne nous ont pas encore répondus