Tout le monde trahit Sarkozy, ou s’apprête à le faire. Mais certains le font avec plus de brio que d’autres.
Le meilleur de Judas, c’est le baiser. On ne peut pas reprocher aux hommes politiques de trahir. Les ambitieux cherchent le pouvoir, c’est humain, voire utile. Quand la monture qu’ils ont choisie s’écroule, ils changent de camp, c’est légitime.
Tout ce que je leur demande, c’est de le faire avec doigté. Avec tendresse. Pas par respect envers les leaders qu’ils abandonnent : ce n’est pas leur faute si le pur-sang qu’ils ont joué se révèle un bourricot. Mais pour nous. Il ne suffit pas de retourner sa veste. Il faut se donner, nous donner, de belles raisons. Des raisons auxquelles on puisse faire semblant de croire, qui ne nous prennent pas pour des imbéciles.
Désormais, chez ses amis, tout le monde trahit Sarkozy, ou s’apprête à le faire. Mais certains le font avec plus de brio que d’autres. On découvre même de beaux traîtres auxquels on ne s’attendait pas. Bien qu’il ait déjà déserté élégamment son leader d’alors, entre les deux tours de la dernière présidentielle, on ne croyait pas devoir tenir Hervé Morin pour un félon du grand répertoire. Pourtant, le bougre a de la ressource, surtout quand Santini vient appuyer de son gros calibre la volte-face annoncée : « Je soutiendrai la candidature d’Hervé Morin, dit cet humoriste sans rire, et justement pour aider le Président en écartant de sa route le danger que pourrait constituer un gros score de Bayrou. » Beau petit coup de poignard, non ?
C’est dans l’épreuve qu’on découvre les talents. Et, très inattendu, M. Arnaud Lagardère, qu’on prenait pour un niais, vient d’honorer son nom, et de manier la dague en vrai Bossu : « Bien que ma fidélité me plombe, je reste inconditionnel du président de la République. En amitié, je veux dire. Pas forcément en politique. »
Plus forte encore, Mme Dati, qui était tombée bien bas, mais qui a fait des études, et qui se redresse grâce à la conjugaison. Sa trahison est plus que parfaite. « Lors de ses débuts, j’avais soutenu inconditionnellement Nicolas Sarkozy : et je l’ai soutenu tant qu’il a fait la politique pour laquelle il a été élu. » Tout cela n’est pas très bon pour M. Besson, qui plaça haut la traîtrise, mais qui s’accroche depuis à une rhétorique navrante : « Non, je n’ai jamais changé ! ».