Un bobo voyage

Je reviens du Mexique, où j’ai passé quelques jours au brillant Festival international de cinéma de Morelia. J’y ai vu un documentaire signé Carlos Hagerman, qui s’intitule Vuelve a la vida (« Retour à la vie »), et qui pourrait bien, pour peu qu’on en prolonge légèrement la réflexion, régler définitivement l’un des douloureux problèmes du monde contemporain.

Que voit-on dans Retour à la vie ? Un ancien mannequin de la Ve Avenue qui, dans les années 60, alors que ses 45 kilos commençaient à s’épaissir, abandonna Manhattan pour s’en aller soigner son spleen sur la côte mexicaine du Pacifique. Elle y fit la connaissance de Long Dog, alias Perro Largo, séducteur moustachu dont elle s’éprit sur-le-champ (Perro Largo signifie « chien long », le mot « largo », authentique faux ami, désignant à la fois un homme grand et un discours un peu exagéré).

Dans les bras de ce beau Tartarin, elle oublia les vanités new-yorkaises et fit venir ses amies pour qu’elles connaissent, elles aussi, cette vie plus authentique et cette passion plus vraie.

En l’écoutant chanter ce bonheur enfin trouvé, je ne pouvais m’empêcher de penser à ces milliers de Mexicains qui, eux, risquent chaque jour leur vie pour franchir le mur qui les sépare désormais des riches USA. Si, me disais-je, tous les bobos américains abandonnent, eux aussi, le fallacieux confort de New York ou de Los Angeles pour aller découvrir les joies plus chaudes, plus authentiques des sierras mexicaines, il n’y a plus aucune raison d’empêcher les immigrants d’entrer. Il suffirait de tenir une exacte comptabilité des partants, et on légaliserait exactement autant de clandestins qu’on recenserait d’Américains sur le départ.

Le principe, bien sûr, ne serait en rien réservé au Nouveau Monde. Chez nous aussi, le retour aux vraies valeurs titille les imaginations. Bobos de Paris, de Neuilly, de Montreuil ou d’ailleurs, partez où vous portent vos rêves. Échangez vos brouillards contre le soleil des sans-papiers. Et comme vous êtes sensibles aux arts, laissez votre désir s’aiguiser au contact des fascinants récits de contrées éloignées que nous ont laissés les talentueux voyageurs. Pourquoi, d’ailleurs, ne rééditerait- on pas la Chanson des gueux, de Jean Richepin, qui rend irrésistible la vie rude, mais libre et si fièrement indépendante, des Roms ?

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