La scrupuleuse éthique est tellement répandue que la Cour de justice de la République en est réduite à un désœuvrement absolu.
Nous vivons une époque excessivement morale. En politique surtout. La scrupuleuse éthique, qui régit toutes les décisions de ceux qui nous gouvernent, est désormais tellement répandue que la Cour de justice de la République, prévue pour instruire les éventuelles fautes commises en haut lieu, en est réduite à un désœuvrement absolu. Le JDD a révélé que l’État songerait à s’en séparer.
Que faire de ce magnifique bâtiment, sis rue de Constantine ? Les idées circulent, et nous sommes précisément en mesure de publier, grâce à Matignon, le compte rendu d’une écoute commanditée par la Place Beauvau entre le nouveau garde des Sceaux, M. Michel Mercier, et le conducteur de sa voiture officielle.
– Dites-moi, brave chauffeur… Je suis un provincial. Quel est ce magnifique hôtel particulier devant lequel nous passons, alors que vous me conduisez présentement à la Chambre des députés, pour la séance de questions au gouvernement ?
– Il s’agit de la Cour de justice de la République. On ne sait d’ailleurs qu’en faire, les élus sont si honnêtes que l’on n’a pas besoin de les juger. Mais j’y songe… vendez-la.
– La vendre ?
– Bien sûr ! Si vous connaissiez les prix du quartier… Il y a un splendide bonus à faire. Vous êtes un spécialiste des marchés publics, d’après ce qui se dit à Lyon.
– Eh bien non, mon ami. Cette Cour restera à sa place. Car elle est toute proche du Palais-Bourbon, des principaux ministères et pas tellement éloignée du Sénat. Les parlementaires ne peuvent ignorer sa présence et, si l’honnêteté est désormais la règle dans leurs rangs, c’est sûrement à cause de la juste crainte que leur inspirent les murs de cette vénérable institution. Mais faites donc attention, vous avez failli écraser M. Longuet !
– Je vous demande pardon. Je ne l’avais pas vu. Il est tellement fantomatique !
– J’en conviens et vous êtes absous. Oh ! M. Juppé à présent. Surveillez-vous : il a purgé sa peine.
– Mais M. le ministre, tout ça, c’est votre faute…
– Comment, c’est ma faute ?
– Parfaitement. C’est vous qui m’avez dit : « Dépêchez-vous. Je ne veux pas être en retard pour le retour de M. Woerth parmi les députés ! »