Dans "Libre, seul et assoupi", Romain Monnery vante la paresse. Alain Riou, dont il fut l’assistant, vante Romain Monnery.
En attendant de décrocher le Goncourt, le jeune Romain Monnery vient de publier une sorte de roman vécu, Libre, seul et assoupi, dans lequel il vante sa paresse. C’est, à l’image de l’auteur, un texte gracieux et soigné.
J’en parle en connaissance de cause, Romain a été mon assistant personnel sur un film à petit budget dont le titre prend un aspect prémonitoire : Tous les hommes sont des romans. Un assistant personnel m’était alors et me reste nécessaire, car je ne suis pas de ceux qui accaparent toutes les tâches sans jamais en laisser aux autres, au contraire. C’est dire qu’auprès de moi, l’auteur de Libre, seul et assoupi, qui n’avait pas encore découvert son actuelle profession de paresseux, devait mettre les bouchées doubles.
J’observe au passage que si l’assistant d’un improductif était improductif, il aurait besoin lui-même d’un assistant-assistant, et ainsi de suite : beau gisement d’emplois, qui laisserait cependant intact le problème de leur indemnisation. Car Monnery avoue que son inactivité lui donne mauvaise conscience et certains de ses lecteurs, de fait, s’indignent sur le Net de ce qu’ils doivent travailler pour faire vivre des bénéficiaires volontaires d’allocations chômage.
Ils ont tort de crier. Les jeunes gens de la génération Monnery ont appris, à force de stages non rémunérés, cent métiers sans qu’on leur offre de s’insérer dans aucun d’eux. Ils savent tout faire, se contentent de peu et représentent un vrai danger pour les arrivistes en place. La ponction opérée par le Pôle emploi sur les revenus de ces nantis est donc le prix, très modéré, qu’ils paient pour trouver devant eux des parcours à peu près dégagés.
Pour en finir avec ce dénigrement rampant des non actifs, et sauver de la honte notre jeune romancier, je suggérerais plutôt aux chômeurs modernes d’instaurer un système de capitalisation, comme les retraites américaines, où ce ne serait plus la collectivité qui les indemniserait, mais les titulaires de postes intéressants qui arracheraient ainsi une espèce de tranquillité. L’honneur de chacun serait sauf.
Quant à Romain lui-même, qui est joli garçon, on pourrait l’employer à faire des enfants : il aurait ainsi la fierté de donner du travail aux autres, car si l’oisiveté est la mère de tous les vices, elle est loin d’être le vice de toutes les mères.