Le premier martyr de la loi Hadopi a un nom : le responsable web de TF1, Jérôme Bourreau-Guggenheim, viré pour avoir osé critiquer le bébé d’Albanel.
C’est un télescopage qui vaut toutes les analyses sur l’avenir de TF1 : dans la même semaine, la chaîne de Bouygues et de Super Sarko annonce que ses résultats sont en perte au premier trimestre et procède au licenciement de son responsable Internet, Jérôme Bourreau-Guggenheim.
Ce dernier, comme Libération l’a raconté, a adressé un e-mail à sa députée, Françoise de Panafieu, pour dénoncer les risques liés à la fameuse loi Hadopi destinée à lutter contre le piratage sur Internet. Par un petit miracle qu’on ne s’explique pas trop, ce mail réacheminé vers la ministre de la Culture, la transparente Christine Albanel, est donc arrivé chez TF1 où le salarié téméraire a été viré au prétexte qu’il critiquait « un axe fort » de la chaîne.
Quel rapport entre les deux faits, direz-vous ? Éh bien, cela montre que chez TF1, la puissance économique ne peut venir que du pouvoir politique. La culture de Bouygues, c’est le réseau de copains et les renvois d’ascenseurs quitte, si nécessaire, à aller en justice s’il le faut. Déjà, à l’époque du fondateur du groupe, Francis Bouygues, le slogan de la maison était « un chantier, un procès ». Chez TF1, le fils, Martin Bouygues, a longtemps joué du lobbying. La chaîne, sous la houlette de l’éruptif Patrick Le Lay, a longtemps bataillé contre la télévision numérique terrestre. Faute d’avoir pu empêcher ce progrès technologique, qui permet tout de même au téléspectateur d’avoir quatre ou six fois plus de chaînes qu’auparavant, elle a refusé d’y aller.
Comme la TNT est un succès, elle s’en mord les doigts. Dans l’affaire, Le Lay a été viré, remplacé par Nonce Paolini, qui est tout sauf un apôtre des nouvelles technologies. TF1, qui est devenue une annexe de l’Elysée, n’a jamais cru à Internet. Selon un ancien cadre de la chaîne, le discours de la direction a toujours été : c’est trop cher et ça ne rapportera pas d’argent. Comme les programmes de TF1 vieillissent, l’audience est en chute libre. La part de la Une est à peine au-dessus de 25% et la dégringolade n’est a priori pas terminée face à la montée en puissance d’Internet et des chaînes de la TNT. Du coup, les recettes publicitaires baissent aussi. Face à une telle situation, n’importe quel chef d’entreprise chercherait de nouveaux débouchés. Pas à TF1, où on préfère faire du lobbying. C’est ainsi que cette télé de maçon menace (gentiment) tous ceux qui prétendent chiffres à l’appui que les Français, en particulier les jeunes, regardent moins la télé. C’est ainsi qu’elle a obtenu de Super Sarko la suppression de la pub sur les chaînes publiques. Il ne lui reste plus qu’à demander la suppression de toutes les autres chaînes afin que les Français ne regardent que la Une.
Et Hadopi là-dedans ? L’esprit de cette loi est le maintien de la rente pour les grands groupes de la musique et du cinéma. Face à l’évolution technologique, la France préfère, comme d’habitude, tenter d’ériger une ligne Maginot. On a vu l’efficacité d’une telle stratégie en 1940. Le piratage de la musique et des films a toujours existé. Il prend de nouvelles proportions avec Internet, c’est certain, mais personne ne dispose de chiffres sur l’ampleur du phénomène. Peut-on supprimer le piratage ? C’est comme si on voulait supprimer le vent ou la pluie. Au lieu de chercher de nouvelles approches pour tenter de générer de nouveaux revenus pour les artistes (et non pour les majors, dont les dirigeants vivent sur un très grand pied), on cherche donc à surveiller et punir les internautes. C’est exactement la stratégie de TF1 et on comprend donc qu’Hadopi soit un « axe fort » de son développement. C’est une stratégie du sauve qui peut.
À lire ou à relire sur Bakchich :
"Au lieu de chercher de nouvelles approches pour tenter de générer de nouveaux revenus pour les artistes (et non pour les majors, dont les dirigeants vivent sur un très grand pied), on cherche donc à surveiller et punir les internautes".
il y en a des choses dites dans cette phrase…
peut-on vraiment continuer dans la voie actuelle, à savoir des millions de prolos qui enrichissent quelques "artistes" et leurs VRP/vampires attitrés, qui deviennent eux riches à millions ?
mais comme on a tous nos paradoxes, je continuerai de toute façon à acheter les disques que j’ai envie d’écouter. c’est tellement bien un beau disque, la pochette etc… la qualité du CD, c’est déjà moyen, alors les mp3…
bien à vous,
nicogé
"Peut-on supprimer le piratage ? C’est comme si on voulait supprimer le vent ou la pluie. "
Peut-on supprimer la violence et les viols ? C’est comme si on voulait supprimer le vent ou la pluie.
Ce n’est pas parceque un comportement est naturel chez certains individus qu’il faut renoncer à le combattre.