Albanel, la petite sœur des riches

Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour relayer les idées forcément géniales de Super Sarko. Notre hyper et masochiste président, qui se plaint en privé d’avoir quasiment tous les médias français contre lui, a décidé de faire plaisir à ses amis patrons des médias, en particulier Martin Bouygues, dont le groupe contrôle TF1. La première chaîne ne cesse de voir son audience dégringoler (27% au dernier pointage) tout comme son cours de bourse (25% depuis le 1er janvier et 50% sur les 12 derniers mois). M6, contrôlée par le géant allemand Bertelsmann, fait à peine moins pire (-10% cette année et -40% sur un an). La faute aux annonceurs qui investissent de moins en moins de pub sur les grandes chaînes pour privilégier les nouvelles chaînes de la TNT et d’Internet.

Christine Albanel

© Kerleroux

Pour sauver les soldats TF1 et M6, Super Sarko a déjà annoncé sa décision de supprimer la pub sur les chaînes publiques, ce qui coûtera un milliard d’euros qu’il faudra trouver en inventant une nouvelle taxe sur Internet puisque les caisses de l’État sont vides (dixit Super Sarko). Mais cette annonce n’a pas eu l’effet escompté. Il faut donc aller plus loin. Comme notre merveilleux président ne peut pas tout faire − ce qu’il regrette car il lâche en privé qu’il est entouré d’incapables −, il envoie au front Christine Albanel. Relativement inexistante depuis sa nomination au ministère de la Culture et de la Communication, cette ancienne chiraquienne qui a dirigé le Château de Versailles vient d’acquérir une notoriété soudaine et mérite certainement que les dirigeants de TF1 et de M6 lui brûlent des cierges.

La bonne parole d’Albanel

La douce Christine vient d’annoncer dans Les Échos (un journal qui, il faut le souligner, a pris la décision courageuse de soutenir la politique de Super Sarko ces dernières semaines) qu’il y aurait une seconde coupure de pub dans les films. La raison ? Si vous dites qu’il s’agit de faire gagner plus d’argent aux chaînes privées, vous avez tout faux. Cette mesure, selon la ministre, « permettrait que les films disparaissent des antennes, alors que le nombre de films diffusés a déjà été divisé par deux depuis 2000 et s’approche du plancher règlementaire ». Une ode à la création ! Bientôt nous pourrons donc voir davantage de films américains et moins de séries américaines. Quelle bonne nouvelle ! De plus, le volume de publicité sur les chaînes privées va passer de 6 à 9 minutes par heure. Mais qu’on se rassure, c’est moins que le plafond de 12 minutes fixé par la directive européenne. Ouf !

Mais la vraie mesure de rupture – pour reprendre un terme sarkozien injustement oublié ces derniers temps – c’est la prochaine suppression de la loi interdisant à une entreprise d’avoir plus de 49% d’une chaîne de télévision nationale. Si vous pensez que c’est pour permettre à Bouygues de prendre le contrôle total de TF1 (dont il a 41%) et à Bertelsmann de faire la même chose chez M6, vous n’avez rien compris. Écoutons la douce Christine : « si on garde la loi actuelle, les groupes audiovisuels seront obligés de vendre 51% du capital qu’ils détiennent dans les chaînes de la TNT dès qu’elles atteindront 2,5% de part d’audience nationale ». Quelle affreuse perspective de voir M6 devoir vendre la moitié de W9 et TF1 se délester de TMC. Merci Christine de comprendre les malheurs de ces petits patrons. Pour les aider, Christine est prête à aller plus loin encore : elle veut « repenser » la règle interdisant à un même groupe de détenir à la fois un journal national, une télévision et une radio. Bonne nouvelle, Lagardère, qui a déjà Europe 1 et une ribambelle de petites chaînes de télé, pourra mettre la main sur Le Monde. Bouygues pourra quant à lui racheter NRJ ou Le Parisien ou les deux. C’est à ce genre de petites choses que l’on voit que le pays est gouverné.