Pendant que PPDA et Claire Chazal s’usent doucement, alors que Laurence Ferrari pourrait revenir dans la chaîne de Bouygues, d’insolents journalistes s’échinent à vouloir créer une société des rédacteurs. Ça bouge à TF1.
« Encore un article avec des sources anonymes, quand j’ai quelque chose à dire, je le fais ouvertement. En quoi ça intéresse les autres ce qui se passe à la rédaction de TF1 ? », s’indigne Michel Izard, de son bel accent méridional. Le journaliste de le première chaîne, au service « Notre époque », chargé de décrypter « les nouvelles tendances qui émergent dans la vie quotidienne », ne souhaite pas commenter les lentes transformations qui se déroulent actuellement au sein de sa rédaction. Non sans heurts.
Négociant actuellement son départ, Robert Namias, le directeur de l’info, n’expédie pas que les affaires courantes. Il a été chargé de refonder la rédaction, voire de la moderniser. Traduit en langage moins châtié cela donne : « Vendre TF1 avec une équipe finissante et vieillissante rapporterait moins à Bouygues que s’il cédait sa chaîne avec des vedettes médiatiques en passe de devenir des stars », explique un actionnaire.
Une pierre dans le jardin des dinosaures de TF1, au premier rang desquels les présentateurs des « 20 heures », Patrick Poivre d’Arvor et Claire Chazal. En privé, PPDA consent volontiers à l’impérieuse nécessité de réforme… mais seulement à son profit. « Qu’on ne change rien, en fait », résume un reporter. Galant homme, Poivre est en même temps le porte-parole de Claire Chazal qui, elle, avait confié sa peur de vieillir lors d’un chat avec les téléspectateurs le 8 juin 2007 : « j’ai peur de vieillir et je fais tout ce que je peux pour rester en forme, gym, danse, régime, hygiène de vie, activités culturelles… Cela n’est pas une obsession mais le sentiment d’urgence et du temps qui file s’impose de plus en plus… C’est ainsi et j’ai naturellement la certitude que je ne suis pas irremplaçable et que la concurrence est rude et que la relève se prépare. C’est parfois angoissant mais pour le moment je crois pouvoir exercer mon métier quelques temps ». Émouvant et plutôt bien senti…
Poivre, lui, fait donner les amis de la grande presse. Pour preuve, un article paru dans Match début mars, titré : « Il faut sauver le soldat PPDA ! » On ne peut faire plus clair. L’article égrène toutes les bonnes raisons pour lesquelles un patron sensé ne devrait pas se séparer du « meilleur », d’après le journal : « Lui seul sait lancer des sujets en aussi peu de mots, faire comprendre en un rictus ce qu’il pense vraiment des soubresauts de la politique française, ou interviewer avec un tel sang-froid les grands de ce monde », écrit le magazine sous la plume d’un certain Jérôme Béglé. N’en jetez plus ! Et sans une once d’élégance, le coup de pied de l’âne à l’amie Chazal : « Les témoins du Waterloo que fut l’autre dimanche l’entretien menée par Claire Chazal avec l’avocate de Jérôme Kerviel savent désormais que poser des questions est un art qui se prépare, se travaille et dans lequel PPDA a depuis longtemps obtenu ses galons de maréchal ». Dans la langue de fiel on ne pouvait mieux faire.
Symbole de la cure de jouvence lancée par Namias, la carte Laurence Ferrari, dont le retour à la tour de Boulogne est évoqué, n’a pas fini de semer le trouble et d’inquiéter les moins jeunes.
La blonde Laurence, désormais vedette de Canal +, ne serait pas hostile à un come-back. Mais elle souhaite que sa boîte de production créée avec son ex-mari Thomas Hugues profite aussi de son arrivée sur Télé Bouygues. Quelle chance, l’éternel Charles Villeneuve vient de libérer « le Droit de savoir », et l’idée que Ferrari produise l’émission a un temps fait son chemin. Jusqu’à ce que les équipes du « Droit de savoir » prennent les devants, avec la refonte du magazine et le renforcement de la production en interne.
La réforme a déjà été opérée sans la transfuge de Canal +. Pour ses détracteurs, il n’y a donc plus besoin d’elle. Reste la case du dimanche 19 heures pour Ferrari, où l’idée de transposer son émission « Dimanche + » et de reprendre la mouture de 7/7, qui a trouvé à la direction quelques supporters. Mais il n’est pas sûr qu’une émission politique stricto sensu recueille de fortes audiences à cet horaire. Et quid alors de « Sept à huit »…
Dans sa lutte contre les poids lourds de la présentation, l’ami Robert Namias n’est guère suivi par la rédaction, un brin méfiante. La piétaille journalistique de TF1 l’a encore mauvaise après son instrumentalisation du printemps dernier…
Une SDJ est censée défendre les intérêts des journalistes face à leur direction ou au moins créer un espace de dialogue. Isabelle Torre, Amel Arfaoui, et d’autres encore en auraient eu bien besoin à TF1. La première a suivi Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle. La tradition maison, comme dans d’autres rédacs, veut que celui qui suit la campagne d’un candidat lui soit attaché une fois élu. Pour Isabelle Torre, ce ne fut pas le cas. François Bachy, chef du service politique de TF1 – qui a reçu l’ordre national du Mérite entre les deux tours de l’élection présidentielle – a préféré nommer un journaliste moins expérimenté… Quant à Amelle Arfaoui, elle a dû subir les foudres de Namias pour avoir simplement pris langue directement avec Nonce Paolini.
À son arrivée, le nouveau patron de TF1 a voulu marquer sa différence de l’époque Le Lay-Mougeotte où « le règne de la terreur empêchait toute liberté d’expression », dixit un chef. Avec Paolini, que cent fleurs s’épanouissent… Arfaoui, en plus d’être journaliste, tente de faire vivre la fibre citoyenne au sein de TF1. Et notamment de développer les contacts entre les minorités visibles et sa chaîne, et plus généralement avec les banlieues. Selon des témoins de la scène et des journalistes qui ont recueilli les confidences de la « victime » de Robert Namias, le patron de l’info lui a asséné : « Je t’ai engagé pour tes origines et je ne peux pas te virer en raison de tes origines ». Robert Namias n’a pas souhaité répondre aux questions de Bakchich… trop occupé, le 14 mars 2008, à animer un colloque de la fondation TF1, au rez-de-chaussée du siège de la chaîne à Boulogne, en faveur de l’intégration.
L’idée de relancer une Société des Journalistes (SDJ) qui sommeille depuis près de quinze ans, surgit fort à propos, comme Libé l’a raconté. Namias, alors sur un siège éjectable après la victoire de Sarkozy, fait croire à Nonce Paolini, le nouveau directeur général, que si la SDJ reprenait du service, c’était pour le soutenir et que son départ provoquerait du désordre. Naïf, le nouveau patron de TF1 l’a cru. Namias avait sauvé sa peau et la SDJ s’était replongée dans sa longue léthargie jusqu’à ces derniers jours.
De grossiers journalistes avec à leur tête l’équipe du service « Notre époque » se sont ouverts auprès de Namias de leur projet de relance de la SDJ en début de mois. Un peu ingrat, le boss a dit non. PPDA a, lui, réservé sa réponse. Malin dans l’ambiance de guerre feutrée qui règne du côté de Boulogne…
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