Chaud devant ! Les Irlandais se prononcent jeudi 12 juin pour ou contre le traité européen de Lisbonne. Par référendum. Si le « non » venait à l’emporter comme le laissent entendre les sondages, la France, qui prend la présidence de l’Union européenne le 1er juillet, devra gérer un « cataclysme ».
« Ça va être horrible ! C’est clair que si les Irlandais votent « non » jeudi, ce sera un grand foutoir. D’ici le référendum de jeudi, on ne peut que croiser les doigts. » Ce diplomate français résume à lui seul l’angoisse qui étreint la représentation permanente de la France à Bruxelles. Une angoisse muette. « Consigne a été donnée de ne pas intervenir publiquement dans le débat irlandais. On a tiré les enseignements de l’échec du référendum français en 2005 : cela pourrait inciter les indécis à voter non ».
D’où le profil bas de Nicolas Sarkozy qui a annoncé le 9 juin avec la chancelière allemande, Angela Merkel, que, quel que soit le résultat, la France et l’Allemagne prendront une initiative commune au lendemain du vote. Mais en attendant, point de leçon faite à l’Irlande. L’avenir, « c’est aux Irlandais d’en décider », a simplement commenté un Sarkozy sobrissime. Bien plus en tout cas que son grandiloquent ministre des Affaires étrangères qui, le jour même sur la radio RTL, n’a pu s’empêcher de pérorer. « La première victime d’un non éventuel auquel je ne veux pas croire ce serait les Irlandais eux-mêmes », a tonné Bernard Kouchner. Avant d’en remettre une louche en se faisant le porte-voix de ce qui se chuchote tout bas à Bruxelles : les Irlandais ont profité plus que les autres de l’argent de l’Europe. Foi de technocrates européens, ce n’est quand même pas un hasard si l’Irlande est passée du grade peu enviable de « pays le plus pauvre » par habitant de l’Europe à celui du « plus riche », après le Luxembourg !
Une chose est sûre en tout cas, ce pays de quatre millions d’habitants va décider de l’humeur de Nicolas Sarkozy pour les six mois à venir et risque de faire tourner vinaigre les bals du 14 juillet rebaptisés « bals de l’Europe ». De tous les États membres de l’Union européenne, l’Irlande est le seul, comme sa Constitution l’y oblige, à soumettre au peuple la ratification du traité de Lisbonne. Ce dernier est – rappelons-le – un vulgaire copier-coller du traité constitutionnel européen, retoqué par les Français en 2005, et qui doit régir le fonctionnement de l’Union européenne dès janvier 2009. Le hic, c’est qu’à en croire les sondages, peu d’Irlandais sont enthousiastes. Un tiers voterait non, un autre oui et les autres hésitent. D’où la méchante campagne lancée par certains partis locaux : « si vous ne savez pas, votez non ». Un argument massue. Il faut dire que les Irlandais sont les seuls à constater que le fameux traité présenté comme « simplifié » est d’une affreuse complexité.
Même si à Bruxelles, certains envisagent déjà de faire revoter ces diables d’Irlandais, un « non » de leur part le 12 juin engendrerait un cataclysme, dramatisent tous les acteurs. « La mouise la plus totale pour l’Europe » commente-t-on sans prendre de gants à la Commission. Et pour cause ! Le traité de Lisbonne inapplicable, on en reviendrait au traité de Nice de 2001. Ce qui signifierait en clair qu’il ne serait plus question de nommer les futurs hommes devant assurer la future présidence ou les relations extérieures, alors que la période positionne la France en bonne place pour influer sur les choix. Et, les quatre priorités – énergie/climat ; immigration ; défense et sécurité ; politique agricole – sur lesquelles planchent l’Élysée et le gouvernement français depuis des mois, deviendraient anecdotiques au milieu du chaos à gérer. « En cas d’échec, on est dans la merde la plus totale. Ça va mettre par terre la présidence française », prophétise poétiquement un proche du chef de l’État, cité par l’agence de presse AP.
Reste parmi ce scénario apocalyptique, un point positif. Placé au milieu d’une crise majeure, Nicolas Sarkozy pourra toujours se rêver en homme providentiel et sauveur de l’Europe. Ça ne mange pas de pain.
Lire ou relire dans Bakchich :
Vive, l’Irlande !
Les peuples sont l’enjeu final de la conspiration qui les menace.
Oui, il y a forcément moyen de gripper cette machine infernale, un grain de sable dans les rouages.
Ce grain de sable peut être infime, et venir de n’importe lequel d’entre nous.
C’est la force des peuples qui a fait les puissants et saura les défaire.
Pour ce qu’ils auront sans cesse abusé des pouvoirs que l’Histoire leur aura légués, pour ce qu’ils auront sans cesse attenté aux intérêts de l’humanité, et dénaturé l’essence même de la vie sur notre miraculeuse planète, la Terre.
Ils auront peut-être semé la ruine et le chaos, la haine et la guerre, sans pouvoir jamais aboutir à assouvie ce fantasme dément, cer la dictature mondiale ne peut être et ne sera pas.
Vive, l’Irlande !
Pour avoir regardé le JT de TF1 ce soir (non, pas taper !), j’ai eu l’impression que les Irlandais profitaient énormément de l’Europe et donc que ce serait mal placé (pour rester poli) de leur part s’ils votaient non.
Le JT a ensuite réduit les partisans du non aux antis-avortement.
Tout ça pour dire que le reportage était très orienté -comme cela a été souvent le cas lors du référendum en France sur la premier traité.
En tout cas, les Irlandais ont de la chance de pouvoir donner leur avis sur un texte provenant d’une constitution rejetée…