Contrairement à quelques grands journaux américains, la presse française, craintive, est partiale dans son traitement des massacres dans la bande de Gaza.
L’armée israélienne a bombardé mardi 6 janvier une école de Gaza dirigée par les Nations unies. Bilan : plus de 40 morts. Réaction des autorités israéliennes : légitime défense. Réaction de la communauté internationale ? Aucune. Traitement de l’information par les médias, en particulier en France ? A minima. Ainsi Le Parisien du mercredi 7 janvier se contente d’un titre en première page « La France craint les dérives communautaires ». Il faut se rendre page 6 pour lire un article sur ce carnage. Libération mentionne l’attaque en « une » mais avec d’infinies précautions : « Une école de Gaza sous le feu ». De part de qui ? Il faut se rendre en page intérieure pour en savoir plus. Pour Le Figaro, l’information la plus importante est qu’« Israël accepte d’ouvrir des couloirs humanitaires ». Quant au Monde, il s’est contenté d’un sobre « Guerre de Gaza : l’ONU dénonce une ’crise humanitaire totale ».
Imagine-t-on la réaction des médias français si un attentat suicide avait fait le même nombre de victimes à Tel Aviv ou à Jérusalem ? D’ores et déjà, nombreux, en particulier dans les banlieues mais pas seulement, sont ceux qui dénoncent cette politique du « deux poids, deux mesures ».
Sans aborder le fond du dossier - que des experts plus compétents peuvent expliquer beaucoup mieux que nous -, il faut rappeler que l’armée israélienne a lancé une offensive contre la bande de Gaza avec l’objectif officiel de démanteler l’appareil militaire du Hamas et mettre fin aux tirs de roquettes sur des villes israéliennes. Au passage, tout le monde ou presque semble publier que nombre de localités israéliennes visées se trouvent en territoire palestinien occupé et que le gouvernement israélien actuel cherche à montrer ses muscles pour contrer l’opposition de droite extrême de Benyamin Netanyahou à l’approche des élections générales du 10 février.
Pourquoi les médias français sont-ils aussi peu critiques vis-à-vis de la politique d’Israël ? Les responsables de rédaction expliquent qu’on ne peut pas mettre la seule démocratie du Proche-Orient sur le même plan qu’un mouvement terroriste que le Hamas. Ce qui se comprend parfaitement même si on doit rappeler qu’Israël a favorisé dans les années 1980 l’émergence du Hamas pour marginaliser l’OLP de Yasser Arafat et que le Hamas a gagné les dernières élections à Gaza. Un soutien à Israël peut parfaitement se comprendre mais tout de même, peut-on ignorer que sur les plus de 640 morts Palestiniens dénombrés depuis l’attaque israélienne du 27 décembre l’immense majorité sont des civils parmi lesquels nombre de femmes et d’enfants ? C’est vrai, nous dit-on, mais à trop insister sur les victimes palestiniennes on risque d’attiser les tensions communautaires en France. Certes, quelques imbéciles croient malin de s’attaquer à des symboles de la communauté juive en France mais c’est très marginal. N’y aurait-il pas une autre raison à la frilosité des médias français sur le dossier israélo-palestinien ? Si, il y en a une : la peur. La peur d’être accusé d’antisémitisme. Dans certains cercles proches du CRIF, toute critique de la politique israélienne est assimilée à un acte antisémite. Le journaliste de France-2 Charles Enderlin, qui vit en Israël depuis de nombreuses années, est bien placé pour le savoir, lui qui a été traîné dans la boue durant de longs mois.
La position des médias français est d’autant plus étrange que dans un pays comme les Etats-Unis, premier et indispensable allié d’Israël, les médias ne se gênent pas pour critiquer la politique israélienne. L’hebdomadaire Newsweek vient ainsi d’exhorter Barack Obama à être très dur avec Israël afin de faire avancer la paix dans la région.
En cédant au chantage, les grands médias français perdent sur deux tableaux : ils confortent les jeunes musulmans qui pensent qu’il y a une cabale pour nier leurs problèmes et ceux de leurs « frères », d’où le risque de tensions ; et ils perdent aussi des lecteurs qui se disent que décidément il n’y a plus rien à lire dans leurs pages. Mais peu importe : contrairement à leurs concurrents anglais et américains, les patrons des journaux français ne sont pas là pour développer une activité de presse et gagner des lecteurs.
Lire ou relire dans Bakchich :
Un qui n’a pas peur d’être taxé d’antisémitisme, c’est Eric Hazan avec son formidable texte "La deuxième mort du judaïsme", en ligne sur http://www.protection-palestine.org/spip.php ?article6846 . Épatant ! Il fait honneur de la diaspora, et conforte au passage ceux qui ont l’intuition qu’ici Israël a fait un pas de trop, qu’il appelle un "tournant fatal".
Et puis, il y a les dissidents israéliens qui ne craignent pas davantage d’être taxés de haute trahison par les faucons de Tel Aviv ! Je les trouve passionnants et je les cite abondamment dans deux articles, celui qui se trouve sous mon post, et "Gaza - La nausée" (http://liege.indymedia.org/article/show/id/71).
Bien à vous.