Audigier, le business mal

Le très aimable Henri Giscard d’Estaing, fils de et « Gentil Patron » des « Gentils Organisateurs », s’inquiète. Le Club Med qu’il préside attire de sulfureuses convoitises. Après Bernard Tapie, qui a mis un pied dans la maison grâce à l’argent des contribuables tiré du procès contre le Crédit Lyonnais dans l’affaire Adidas, voilà qu’un autre franc-tireur du business vient rôder autour de la célèbre marque au trident. La manœuvre de l’incorrigible Nanard - sur laquelle enquête depuis le printemps la brigade financière suite à une plainte déposée par le Club – semble susciter des vocations.

À grand renfort d’interviews télévisées, Christian Audigier, jetsetter français émigré de l’autre coté de l’Atlantique, fait savoir son souhait d’investir entre 5 et 15 millions d’euros dans le groupe. Avec un objectif assez flou : il faut internationaliser l’affaire, créer l’évènement autour des discothèques du Club en y faisant tourner les plus grands D.J. de la planète etc… Et d’assurer qu’il le ferait - pourquoi pas ? - en association avec … Bernard Tapie ! Les deux hommes se sont parlé au téléphone. L’ex-ministre devenu acteur, qui n’a en général pas froid aux yeux (voir Bakchich Hebdo n°4), reste pourtant sur la réserve.

Le gamin, pas très doué à l’école, se passionne pour le numérique

Il faut dire qu’en France, le nom d’Audigier n’est pas vraiment le meilleur sésame pour forcer les portes de l’establishment. Sa réussite, très « self made man à la sauce bling-bling », plait aux Américains. Au point que le « Frenchie », qui vient d’acheter la dernière demeure de Michael Jackson à Los Angeles, est devenu la coqueluche d’Hollywood. Mais ici, l’homme et ses méthodes éveillent la méfiance.

Côté face, l’histoire du petit « frenchie » est pourtant attendrissante. Elevé par sa maman à Avignon, le gamin, pas très doué pour l’école, se passionne pour James Dean et le rêve américain. Débrouillard, il finit par s’infiltrer dans le monde de la nuit tropézienne et devient l’ami indéfectible de Johnny Hallyday pour qui il organise alors des soirées clefs en mains dans sa villa la Lorada.

Des années plus tard, on le retrouve à Los Angeles où il va relancer la marque Von Dutch. On s’interroge encore ici sur la façon dont il a écoulé des casquettes et des T-shirts à des prix tellement exorbitants que le marché a été submergé de contrefaçons. Les stars hollywoodiennes s’arrachent les créations un tantinet destroy du styliste avignonnais. Dans sa petite boutique de Melrose boulevard, il attire les plus grandes vedettes de Britney Spears à Mickey Rourke en passant par Pamela Anderson, Paris Hilton, Madonna, etc. … Il leur offre des tenues et accessoires à son effigie puis paie des paparazzis pour les piéger quand elles sont « griffées Audigier » de pied en cap. Les magazines people font le reste : une pub gratuite qui vaut de l’or. En 2004, après la chute de Von Dutch et un malaise cardiaque, il récidive avec la marque Ed Hardy, grand maître du tatouage californien. Cinq ans plus tard, Christian Audigier affirme réaliser quelque 300 millions de dollars de chiffre d’affaires dans le monde entier.

Christian Audigier

Dessin de Mor

Côté pile, son parcours comporte un trou béant. En réalité, il a atterri aux Etats-Unis et y a vécu longtemps clandestinement. Après s’être évadé d’une prison asiatique du côté de Bali, une région où nombre de touristes se sont déjà fait incarcérer pour de soi-disant trafics illicites. Pour s’enfuir - raconte la légende - il aurait « acheté » ses gardiens…

Pendant longtemps, Audigier a dû ruser pour venir en France participer aux salons de la mode. Pour ne pas se faire prendre au retour, il lui fallait éviter les frontières aéroportuaires des Etats-Unis car il y séjournait illégalement, sans la fameuse carte verte qui donne le statut de résident permanent.

Désormais millionnaire, créateur d’emplois et généreux donateurs de plusieurs fondations, le FBI semble fermer les yeux sur le passé de clandestin d’Audigier. Mais Audigier l’aventureux ne s’occupe pas seulement de mode. Il est aussi entré dans le monde très particulier de la nuit à Las Vegas pour y ouvrir une boîte de nuit à son nom au Treasure Island Palace.

Dans le même temps, à Dubaï, c’est dans un hôtel de 36 étages et 380 chambres que le roi de la fripe a investi au côté d’un groupe saoudien.. Que vient donc faire le « franchouillard » club Med dans ses projets ? En tout cas c’est un fameux coup de pub, à défaut de pouvoir faire venir un jour Paris Hilton au Club Med de Vegas ou de Dubaï