Dans l’affaire du yacht volé du Pdg de la banque Lazard frères, le proc’ réclame le renvoi en correctionnelle d’un proche du président Ben Ali, Imed Trabelsi, qui se défausse sur un badaud.
L’affaire du yacht volé en mai 2006 du patron de la banque Lazard frères, Bruno Roger, suit son bonhomme de chemin devant la justice française.
A la fin du mois d’avril, le procureur de la République a rendu son réquisitoire. En voilà une mauvaise nouvelle pour celui que le régime tunisien présente comme le neveu de l’épouse du président Ben Ali, la vénéneuse Leila, mais qui serait en réalité son fils issu d’un premier lit : Imed Trabelsi.
Le procureur requiert son renvoi (avec d’autres acteurs de cette affaire) devant le tribunal correctionnel au motif d’être « complice du vol du navire Le Beruma (…) par fourniture d’instruction, aide et assistance, avec cette circonstance que les faits ont été commis en réunion ». Rien que cela !
Pourtant Imed aura tout fait pour échapper à la justice française. Il a même été jusqu’à faire embastiller un innocent à qui il essaie de faire porter le chapeau. Il s’agit d’un certain Naoufel Benabdelhafid qui affiche un honorable CV de docteur en droit et d’ancien doyen de la faculté de médecine de Tunis.
Dans le passé, le pauvre homme a eu la mauvaise idée de rejoindre dans le monde du business son frère qui dirige une entreprise d’import-export implantée en Tunisie… Il semblerait que les deux garçons aient de surcroît fortement énervé Imed en refusant de l’aider à gérer ses affaires alors que le rejetton présumé de Leila Ben Ali le leur avait demandé avec insistance et leur promettait monts et merveilles.
Il y a environ un an, après avoir fait l’objet d’une surveillance policière à son domicile, Naoufel Benabdelhafid est soudainement capturé par la flicaille du président Ben Ali et jeté dans une geôle de la prison le 9 avril, à Tunis. Motif invoqué : un feu rouge grillé !
Plus sérieusement, Imed Trabelsi fait alors savoir à la famille éplorée de son prisonnier qu’il doit témoigner devant les deux juges français attendus en mai 2008 à Tunis pour faire la lumière sur l’affaire du yacht volé. Et, foi d’Imed, dès qu’il aura certifié que les Trabelsi n’y sont pour rien, Naoufel sera libéré. Comme si de rien n’était.
C’est ainsi que le 17 mai 2008, le captif a eu la surprise de voir débarquer dans sa cellule des éléments de la garde présidentielle qui l’ont emmené devant les juges français de passage en Tunisie dans le cadre d’une commission rogatoire internationale.
Selon l’enquête, Naoufel a alors déclaré que, le 9 mai 2006, il avait été contacté par l’un des acteurs présumés de cette affaire dans le but de trouver un acquéreur potentiel pour le navire volé quatre jours plus tôt en Corse. Mais aussi qu’il avait donné rendez-vous sur le quai du port de Sidi Bou Saïd à Imed Trabelsi qu’il connaissait pour être un « amateur de plaisance nautique », puis qu’il lui avait fait visiter le bateau avant que Trabelsi ne quitte les lieux en indiquant qu’il n’était pas intéressé…
Ce tour de passe-passe a bien servi Imed lorsque, le 2 mars 2009, il a été entendu dans le cadre d’une confrontation avec deux complices présumés. Il a alors indiqué qu’il était monté à bord du yacht pour le visiter après que son « ami » Naoufel lui ait présenté le rafiot de luxe comme étant à vendre. Au vu de la demande de renvoi d’Imed en correctionnelle par le procureur, en France, l’argument était sans doute un peu léger.
Par contre, aujourd’hui Naoufel croupit toujours en prison. Et refuse de s’auto-dénoncer devant la justice tunisienne cette fois, comme le lui demande Imed Trabelsi. Bref, il fait de la résistance, ne veut pas porter le chapeau et clame son innocence. Il peut d’ailleurs compter sur le soutien de sa sœur, avocate, qui est parvenue à mobiliser de courageux confrères pour assurer la défense du captif.
Hélas, en Tunisie, justice rime souvent avec injustice. En mars dernier, Naoufel Benabdelhafid est présenté devant un juge… sans avocat. Le manège recommence alors pour lui faire avouer le vol du yacht qu’il n’a ni commis ni commandité selon des membres de son entourage. Il semblerait même qu’il se trouvait en France au moment où le bateau du Pdg de Lazard frères a accosté à Sidi Bou Saïd.
Lors de sa comparution à Tunis, un juge lui promet une libération imminente, un second lui affirme qu’il va prendre quarante ans. Si ce n’est pas perpétuité. On fait mumuse avec ses nerfs. Officiellement, on lui reproche pèle-mêle d’avoir grillé un feu, d’avoir agressé un agent de la circulation et de truander les douanes. Panique à bord. Naoufel Benabdelhafid craque et se blesse lui-même avec un verre d’eau. La scène a été filmée par des avocats horrifiés et présents sur les lieux.
Comme d’habitude dans ce type d’affaires, la famille de la victime est soumise à rude épreuve. La sœur a été interdite de quitter le territoire tunisien. Même punition pour son frère qui dispose d’un titre de séjour français et qui s’est, en plus, vu retirer bon nombre de ses licences d’import-export en Tunisie.
5 mai 2006. Le luxueux yacht du patron de la banque Lazard frères, Bruno Roger, disparaît du port de Bonifacio où il mouillait paisiblement. La bête est repérée par des limiers de l’assureur Generali lâchés à ses trousses le 26 mai dans le port de Sidi Bou Saïd, en Tunisie.
L’enquête - aujourd’hui close - montrera qu’avant d’accoster au pays du jasmin le navire a fait escale à Cagliari, en Sardaigne, où ses papiers ont été falsifiés. Les policiers français découvriront également qu’Imed Trabelsi se situait au sommet de la pyramide humaine mise en place pour dérober le bateau.
Cerise sur le gâteau : ce n’est pas un mais trois rafiots qui ont été chapardés et sont allés se promener du côté de la Tunisie. L’un de ces vols était une commande d’un autre neveu de Leila Trabelsi, Moaz. Charmante famille…
La P. E.
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