Pour vendre la Tunisie à l’étranger, le régime du président Ben Ali ne recule devant rien. Même pas éditer une plaquette mensongère frénétiquement distribuée aux journalistes étrangers de passage dans ce beau pays du jasmin et de la torture.
C’est une jolie plaquette de seize pages poétiquement intitulée « Tunisie, Démocratie & Droits de l’Homme ». Commise par l’organe officiel de propagande du régime du président Ben Ali, l’ATCE (cf. encadré), elle est distribuée à qui de droit. En l’occurrence, le mois dernier, aux journalistes français qui accompagnaient le président Sarkozy en visite officielle au pays du jasmin du 28 au 30 avril. Et avec quelle insistance ! Plusieurs fois par jour, la flicaille tunisienne garnissait le hall d’entrée de l’hôtel où étaient parqués les journalistes. Énervant au plus haut point le staff presse de l’Élysée qui, malgré les déclarations pro Ben Ali de Nicolas Sarkozy, se dépêchait de nettoyer les lieux.
Difficile en effet de ne pas rire (jaune) à la lecture de ladite plaquette. Au chapitre « Liberté politique », figure ce tissu de mensonges : « les réformes initiées depuis 1987 ont fait de la Tunisie un pays de libéralisme politique. (…). La Tunisie est ainsi passée, d’un régime de parti unique de fait à un système de multipartisme. (…) ». C’est sans doute pour cela que le général-président-à-vie Ben Ali est à chaque fois réélu avec des scores que n’auraient pas renié les dirigeants de l’ex-URSS. Mêmes inepties pour les droits de l’homme : « La Tunisie a, en outre, ratifié sans réserve la Convention des Nations Unies de 1988 contre la torture et autres formes de traitements inhumains ou dégradants. Le code pénal a ainsi été amendé, et interdit fermement tout acte de torture ou mauvais traitement, en même temps qu’il sanctionne lourdement tout manquement avéré. »
On se demande donc pourquoi le charmant régime du président Ben Ali est abonné aux rapports d’ONG de défense des droits de l’homme comme Amnesty International et Human Rights Watch. Ainsi, à l’occasion du 20è anniversaire du dictateur à la tête de l’État, fêté en 2007, Amnesty écrivait sur son site web : « les deux décennies passées au pouvoir par le président Ben Ali ont été marquées par des violations systématiques et persistantes des droits humains, notamment des arrestations et détentions arbitraires, des actes de torture et autres mauvais traitements, des procès inéquitables, le harcèlement et l’intimidation de défenseurs des droits humains, et des restrictions à la liberté d’expression et d’association ». Même constat accablant dans le rapport mondial 2007 de Human Rights Watch : « le président Zine el-Abidine Ben Ali et le parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique, dominent la vie politique tunisienne. Le gouvernement utilise la menace du terrorisme et de l’extrémisme religieux comme prétexte pour réprimer la contestation pacifique. Des témoignages dignes de foi mettent continuellement en lumière l’usage de la torture et des mauvais traitements aux fins d’obtenir des dépositions de suspects placés en garde à vue. Les prisonniers condamnés sont également exposés à des mauvais traitements délibérés. »
Le plus pathétique reste toutefois les passages de la plaquette de l’ATCE dédiés à la « liberté » des médias. « Le paysage médiatique tunisien est caractérisé aujourd’hui par l’ouverture et le pluralisme. (…) Plusieurs fois, le chef de l’État a appelé les journalistes à plus d’audace et d’initiative dans leur travail. Il a également souligné la responsabilité des médias d’œuvrer à changer les mentalités, y compris parmi les responsables qui doivent « accepter les critiques » ». Bienvenu au royaume de Zine Ben Ubu ! Là encore, c’est sans doute par miracle que la Tunisie arrive à la 145è place (sur 169) dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans Frontière et que le père Ben Ali appartient au club fermé des « prédateurs de la presse » de RSF. Aux côtés du nord-coréen Kim Jong-il ou du Cubain Raul Castro. La plupart des journalistes français qui accompagnaient Nicolas Sarkozy n’ont d’ailleurs pas été dupes puisque des articles dénonçant la dictature tunisienne ont fleuri dans les médias. L’ATCE et la propagande de Ben Ali ont échoué.
Détestée des journalistes étrangers qui tentent de couvrir sérieusement la Tunisie, l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE) est officiellement dotée de missions relevant du lobbying comme faire connaître la Tunisie. Dans la vraie vie, l’ATCE est un puissant office de propagande et de contrôle des médias. Comme l’écrivait Reporters sans frontières (RSF) en 1999, « dépendant directement de la présidence, qui nomme son personnel d’encadrement, et doté d’un budget autonome, cet organisme, créé en août 1990, est le véritable tuteur des journaux tunisiens ». C’est le moins que l’on puisse dire… Toujours selon RSF, l’ATCE « est notamment responsable de la répartition des budgets publicitaires entre les différents organes de presse, selon des critères totalement discrétionnaires. Une circulaire du Premier ministre, datée de janvier 1991, donne l’obligation aux ministères, aux entreprises publiques et aux collectivités locales, qui constituent les premiers annonceurs du pays, de soumettre leurs annonces à l’ATCE. » Si celle-ci excelle dans le contrôle des médias, elle rame par contre sérieusement en matière de lobbying. En effet les multiples plaquettes et autres documents de propagande qu’elle édite à l’attention des gouvernements étrangers ou grandes institutions (FMI, Banque Mondiale, ONU…) ne trompent personne. D’où quelques couinements à Carthage.
http://tunisie-harakati.mylivepage.com
La Tunisie se fatigue à faire une propaguande à grande échelle alors qu’il lui suffit de rentrer sur le bon chemin en agissant de manière à respecter les conventions et les réglementations nationales et internationales. Je ne peux reprocher à la Tunisie que de nourire une politique anti droit de l’homme qui pousse des centaines de Sameh Harakati dans les prisons.
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Désolé d’intervenir une seconde fois, mais je n’ai pu résister !
Une anecdote racontée par des amis algériens :
La police des frontières tunisienne recoltait, avec empressement, les journaux algériens, y compris les feuilles utilisées pour essuyer la buée sur le pare-brise ! POURQUOI ?
(Pour une fois, la réponse est vite donnée : Car, dans les journaux algériens il y a des articles, ainsi que des caricatures, jugés trop "libertines". Il faut savoir que la presse en Algérie est TROP LIBRE pour le goût de ben ali et consorts qui ne peuvent se permettre de laisser circuler ces mauvais exemples !)
Tant qu’on y est, une autre anecdote racontée par des chercheurs algériens :
(en 1995, durant la période "noire" :) Lors d’un séminaire à Tunis, on était en train de parler de la situation en Algérie lorsqu’on a remarqué que nos collègues tunisiens se faufilaient en douce ! L’Algérie était au bord de la guerre civile mais, nous, nous discutions LIBREMENT, alors que les tunisiens ne peuvent même pas aborder les problèmes internationaux !
Mon cher ami, quand on a faim, on ne pense plus à se révolter. Les Tunisiens n’ont pas faim en ce moment mais n’arrivent plus à boucler les fins de mois. La situation sociale se dégrade vraiment.
J’ai lu avec attention commentaire laissé sur un autre article et il me semble intéressant. Le pouvoir des parents sur leurs jeunes. La génération des 40-60 ans a trop à perdre si une révolution devait avoir lieu, ce qu’ils vivent aujourd’hui n’est pas pire que ce qu’ils ont vécu dans les année 80. Alors ils musèlent eux-même leurs fils et filles.
Ils ne sont pas prêts à laisser partir leurs enfants dans une aventure qui peut se solder par une boucherie, la répression, la torture et l’emprisonnement. Ils ne sont pas prêts à subir la perte de leur domicile, ou travail ou revenu ou avantages sociaux.
Pendant que l’opposant politique croupie en prison, sa femme et ses enfants n’ont pas le droit de faire soigner gratuitement à l’hôpital, alors que ce droit est de facto pour tout tunisien. ceci est un exemple, mais une demande de carte d’identité, l’inscription dans établissement universitaire ou professionnel, demande d’emplois… tout ça devient un vrai parcours du combattant. Les parents ne sont pas prêts à subir tout cela.