Rejetée ! Tony Musulin, le convoyeur de fond qui a piqué 11 millions avant d’en rendre 9, n’aura pas de remise en liberté en attendant son procès. De quoi lui tirer le portrait.
Si Tony Musulin avait encore le sourire aux lèvres lorsqu’il s’est rendu à la police monégasque, le 16 novembre dernier, c’est une époque désormais bien révolue. Incarcéré à la prison de Corbas, dans la banlieue de Lyon, le convoyeur le plus célèbre du pays est à l’isolement 24 heures sur 24. « C’est dur et il commence à en baver », indique à Bakchich l’un de ses avocats. Mais il n’existait guère d’alternative à cet isolement. « Tony Musulin a suscité un tel phénomène de curiosité, que pour sa sécurité, il n’est pas possible de le laisser au contact des autres détenus. »
En attendant, il n’a droit à aucune visite mais reçoit un abondant courrier dont, effectivement, nombre de déclarations d’amour. Solitaire et gueulard, Tony Musulin n’en est pas moins un grand séducteur. Beaucoup de soutiens proviennent d’ex-petites amies, dont une superbe judoka qui lui envoie une photo où elle s’exerce au grand écart sur un sol de briques.
Alors, craquera, craquera pas ? Une certitude, le convoyeur auteur du plus fameux fric-frac de ces dernières années n’a toujours pas retrouvé la mémoire. Tony Musulin ne sait toujours pas où sont passés les 2,5 millions qui manquent à l’appel. Interrogé à plusieurs reprises par le magistrat instructeur, le convoyeur « ne sait pas, ne se souvient plus ». Cueilli à Nice, il ne se montre guère plus bavard avec les flics qui l’emmènent vers Lyon et qui garderont un très mauvais souvenir de ce voyage.
Pour l’heure, donc, ce solide gaillard qui affiche 100 kg et 1,80m tient en échec la PJ lyonnaise. Certes, celle-ci est parvenue en un temps record à récupérer l’essentiel du magot (9 millions sur 11,6). Mais les flics peinent à confirmer le costume de voyou qu’ils tentent de lui tailler afin de le maintenir en prison.
Fils d’un Serbe gros bosseur et d’une Croate, qui plaquera la famille pour partir avec un amant en Nouvelle-Calédonie, Tony aura eu une existence presque sans histoires. Pendant dix ans, il menait une vie paisible en compagnie de sa femme. Il arrondissait son salaire de 1600 euros grâce à quelques petits boulots, comme beaucoup d’autres convoyeurs.
Il y a un an, Tony rencontre un mystérieux Yougoslave dont la PJ n’a récupéré que le prénom. Et sa vie bascule. Il se sépare de sa compagne, devient irascible et cesse de rembourser l’emprunt à la Caisse d’Épargne qui lui avait permis d’acheter avec un ami un modeste immeuble à Romans, dans la Drôme. En avril 2009, le convoyeur loue le box qui abritera, le jour du casse, le véhicule Kangoo où il embarque son butin.
Tout le mystère du casse de Lyon réside dans ce paradoxe. Voilà un hold-up qui tient du casse parfait mais dont l’auteur serait un pur amateur. « Jamais de vrais pros n’auraient laissé l’argent sans surveillance. L’argent, c’est sacré ! On ne le lâche pas une seconde de l’œil. Il est impensable d’abandonner 11 millions à la merci du hasard, d’un rôdeur, d’un incendie dans un box », s’étrangle ce policier qui, dans le même temps, estime que Tony Musulin a une tête de « soldat », mais pas celle d’un « cerveau ».
Au cours des heures qui ont suivi le braquage, la police a déployé des moyens considérables pour retrouver le butin. Il lui a ainsi fallu moins de 48 heures pour découvrir le box que Musulin avait loué sous un faux nom. Celui de l’ex-mari de son ex-concubine… Munis de cette carte maîtresse, les policiers ont immédiatement mis en place une planque, convaincus que, tôt ou tard, le convoyeur reviendrait chercher son butin. Or celui-ci n’est jamais repassé. Une trop belle intuition au goût des policiers, persuadés que l’information selon laquelle 9 millions d’euros avaient été récupérés avait transpiré au sein de l’entreprise de convoyage, la Loomis. Un comparse, pensent les flics, aurait bien pu en avertir Musulin.
De fait, l’hypothèse selon laquelle un homme seul, payé au Smic, puisse s’emparer de près de 12 millions d’euros sans même brûler un feu rouge s’avère très embarrassante. Pas sûr que, demain, la société Loomis, qui exerce un commerce sécuritaire, puisse encore vendre son savoir-faire dans les super-systèmes et autres clés inviolables.
Or l’enquête paraît établir que les procédures de sécurité en usage dans l’agence lyonnaise étaient particulièrement lâches. En théorie, l’argent est inaccessible aux convoyeurs. Un coordinateur ferme le coffre dans le fourgon et celui-ci ne peut, en principe, être ouvert qu’une fois arrivé à destination par un employé de la banque. Il semble qu’en réalité certains employés disposaient d’une télécommande ouvrant indifféremment toutes les portes…
Les sanctions prises au sein de la Loomis ont frappé principalement des cadres – le chef de transport et le chef d’agence lyonnais – licenciés pour « cause réelle et sérieuse », tandis que les deux collègues de fourgon de Tony Musulin n’écopaient que de peines symboliques. Devant le juge, le patron de la Loomis est par ailleurs revenu sur ses déclarations faites au Figaro selon lesquelles il n’y avait pas de plafond légal aux sommes transportées dans un fourgon. En réalité, ce sont 6,3 millions d’euros maximum, a-t-il depuis rectifié. Hélas pour lui, Tony Musulin et ses collègues en transportaient le double. Pour des raisons d’économie…
En matière de transport de fonds, il y aura incontestablement un avant et un après-Tony Musulin.
Pour l’heure, l’enquête se concentre sur la personnalité du convoyeur et ses éventuels antécédents. La piste de la Ferrari et de l’escroquerie reste à confirmer. Il apparaît en effet qu’avant d’acquérir un véhicule semble-t-il très au-dessus de ses moyens, Tony Musulin avait acheté plusieurs autres véhicules de luxe. Dont déjà une Ferrari. L’achat précédent finançant le suivant.
N’en subsistent pas moins des zones d’ombre, comme cette dizaine de comptes bancaires dont on saisit mal la nécessité.
Si les mouvements autour de ces comptes et si l’origine des fonds s’avèrent douteux, « la police tarde à le démontrer », observe narquoise la défense. Le match est loin d’être terminé… La France profonde s’est reconnue dans ce convoyeur qui gagnait à peine plus que le Smic. Pas sûr que les médias veuillent en faire une star : trop seul, trop loser, trop anonyme.
Lire ou relire sur Bakchich :
Un homme suspect se rend de lui meme a la police pour une detention de police et il est garde en detention d’enquete (detention dite provisoire dans le jargon).
C est incomprehensible car s’il se rend de lui meme a une detention de police, tout indique qu il se rendra de lui meme aux interrogatoires du juge d’instruction.
Triste France.
Monaco ayant ratifie la Convention europeene des Droits de l’Homme. Il pourra invoquer le transfert illegal de Monaco vers la France pour faire sauter la procedure.