Surprise à Valenciennes ! Le tribunal administratif de Lille a annulé le permis de construire du nouveau stade Nungesser 2, en travaux depuis plus d’un an. Et la polémique boursoufle au pays de Borloo…
Accordé par Valenciennes Métropole pour un euro symbolique à la ville de Valenciennes, le permis de construire du stade Nungesser 2 d’une capacité de 25 000 places, pourrit légèrement l’ambiance au pays des enveloppes enterrées. L’enceinte risque-t-elle la destruction ? Combien la Communauté d’agglomération, la région ou même la mairie vont-elles perdre dans cette histoire ? Le chantier étant suspendu, les entreprises Norpac et Sogea, filiales respectives de Bouygues et Vinci continuent de se rincer en attendant les développements judiciaires. Des pertes de 350 000 euros par mois estime la majorité qui tient la communauté d’agglomération. Un million d’euros pronostique l’opposition.
Au cœur de l’affaire, des riverains du futur Nungesser 2, excédés de voir ériger un stade à dix mètres de leur habitation alors que la rénovation du vieux Nungesser ou l’installation du nouveau stade en périphérie furent évoqués au départ du projet. Pour se défendre, ils évoquent des risques de nuisance sonore, des places de parking insuffisantes, des procédures faites à la hâte et qui ne respectent pas les normes d’urbanisme.
Et à ce petit jeu, tous les responsables cherchent leur coupable. La légalité (ou non) du permis incombe à la ville, ainsi que les frais si les choses tournent mal…
« Une position, a déclaré un proche du dossier, qui embarrasse pour le moins le député-maire de la ville Dominique Riquet, qui ne souhaite pas payer la note ». Le projet a, en effet, été mené par Valenciennes Métropole et initié par Jean-Louis Borloo… président de l’agglomération jusqu’en 2008. Et dont Valérie Létard, l’héritière du fauteuil de la présidence de Valenciennes Métropole et secrétaire d’Etat du même Jean-Louis, a signé les crédits sans moufter. Bref un sacré pastis touillé par de petits riverains.
Si Jean Luc Chagnon s’est montré solidaire des riverains, ce n’est pas le cas de tous les élus socialistes de l’intercommunalité comme l’a souligné furax, le Vert Luc Coppin, vice-président de Valenciennes Métropole, « on était quatre à voter contre le projet du stade et 98 pour, les socialistes compris, c’est un scandale ! M. Décourrières (président du club VAFC) était à ce moment là Président de l’aménagement du territoire dans Valenciennes Métropole. Un poste qu’il a brigué pour uniquement fabriquer son stade. »
Début 2008, alors que les travaux commencent, le débroussaillage de la voie d’accès fait apparaître de curieuses pierres. Des riverains croient deviner des restes de vestiges Vauban. Des spécialistes et des anciens du quartier confirment qu’il existe tout un réseau de galeries et peut-être même davantage. L’association Citoyens de Nungesser s’en étonne puisque l’existence de ces vestiges n’apparaît pas sur le diagnostique archéologique de la ville. Le tribunal s’en est aussi étonné et a jugé que la ville n’avait pas assez donné d’éléments pour éventuellement conserver cet élément du patrimoine. Selon Maître Manuel Gros, avocat de la défense,« Valenciennes Métropole n’a pas nié l’existence de vestiges qui étaient connus depuis 40 ans mais a conclu qu’elles étaient sans intérêt. »
Connus depuis 40 ans ? « Très bien, dit l’avocat de l’association, Pierre-Etienne Bodart, mais alors s’ils en avaient connaissance, pourquoi ces éléments ne figuraient pas dans le permis de construire ni dans l’étude d’impact ? » Il rajoute, « je crois sincèrement que si ces vestiges n’avaient pas été mis à jour par l’association et d’autres personnes, ils auraient été comblés et que des voies d’accès n’auraient jamais été réalisées s’il n’y avait pas eu une mobilisation citoyenne. » Quant à la connaissance parfaite des lieux, rien n’est moins sûr. Bakchich a contacté Yves Roumegoux, l’archéologue mandaté par la DRAC (Direction régionale d’Affaire Culturelle) pour visiter ces anciennes fortifications. Il nous informe que « ces vestiges étaient complètement oubliés puisqu’ils étaient recouverts de forêts et de mauvaises herbes. Et c’est à l’occasion du chantier qu’on les a redécouverts. » Étrange.
Ce qui est certain, c’est que les plans du service archéologique de Valenciennes n’étaient pas à jour. Il a fallu, courant 2008, que Valenciennes Métropole engage un architecte réputé François Bisman pour disposer de l’ensemble des données grâce aux plans des archives militaires. A partir de son diagnostic, les vestiges n’ont pas été condamnés mais remblayés avec soin. Bon point pour l’agglo mais un peu tard peut-être.
Des vestiges sans intérêt ? Pas sûr. Mr Roumegoux déclarait à la Voix du Nord en mai 2008 qu’ils étaient « très intéressants ». Nicolas Faucherre, professeur d’archéologie à Nantes et spécialiste de Vauban déclarait sur le site Va-infos.fr que « peu d’exemples de ce type de fortifications subsistent. » Il pointait l’importance de la conservation d’une lunette- très rare- (un poste avancé de la citadelle de Valenciennes), située au bout d’une galerie, à deux pas de la fameuse voie d’accès du stade.
Reste la mise en valeur du site qui après la nomination des vestiges Vauban « patrimoine de l’humanité » en 2008 aurait pu soulever de plus amples interrogations. Et des questions pèsent toujours sur l’efficacité et l’abnégation du service archéologique de la ville de Valenciennes. Chose rarissime en France, ce service municipal est l’un des rares à disposer d’un agrément d’archéologie indispensables pour effectuer des diagnostiques. Dans les autres municipalités, on fait appel le plus souvent à la région (la DRAC) ou l’Etat (l’INRAP). Des responsabilités encore à fouiller.
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La commission d’enquête s’était donné le temps de la réflexion avant de rendre un avis favorable unanime sur le projet de nouveau stade. Tombées mardi, ces conclusions sont une nouvelle pierre dans le jardin des riverains qui attendent maintenant de pouvoir consulter les pièces du futur permis de construire.
La fois dernière, ça n’avait pas traîné : à peine la commission d’enquête avait-elle rendu ses conclusions (favorables là encore quoique assorties de recommandations), le 30 novembre 2007, que la Ville de Valenciennes accordait le permis de construire du nouveau stade trois jours plus tard. Ça, c’était avant que la justice s’en mêle et ne vienne mettre un sérieux coup de frein au chantier débuté à l’été 2008 en annulant ledit permis de construire en juillet de l’année dernière. En abandonnant le terrain judiciaire à l’automne pour se concentrer sur l’élaboration d’un nouveau permis, Valenciennes Métropole, maître d’oeuvre du projet, a d’abord choisi de limiter la casse, et ce faisant, de courir après le temps. Quatre mois à peine se seront écoulés jusqu’à l’ouverture, fin février, de la nouvelle enquête publique. Au regard de ce resserrement du calendrier, le souci du détail manifesté par la commission d’enquête, dont les conclusions étaient théoriquement attendues pour le 27 avril, aurait fini par en agacer certains si l’avis rendu n’avait été favorable. Il l’est donc comme en 2007, même si les recommandations d’hier font cette fois place à un ensemble « de réserves et de recommandations » appelant de la part de l’agglo un certain nombre de corrections. Chat échaudé craignant l’eau froide, personne ne se hasarde en l’état à crier victoire, et c’est peut-être comme ça aussi qu’il faut interpréter le délai supplémentaire que s’accorde la Ville, la délivrance du nouveau permis ne devant pas intervenir avant la mi-juin. Dans ce contexte touffu, les riverains aussi réfrènent leurs ardeurs, même si le porte-parole de Citoyens à Nungesser, Michel Vermeersch, ne peut s’empêcher de penser que la commission d’enquête vient d’entériner là « des solutions qui nous paraissent aberrantes ». Tout en continuant de guetter le devenir de l’emplacement réservé (la fameuse tangentielle sud que personne n’a l’air très pressé, à commencer par le maire, Dominique Riquet, de voir sortir des cartons, notre édition du 25 avril), les opposants au projet attendent d’en savoir plus sur les réserves et les réponses qui y seront apportées par l’agglo puis les services de la Ville. « Il est trop tôt pour dire ce que l’on va faire, avance Michel Vermeersch. Rien n’est exclu, il faut simplement qu’on avance dans la prise de connaissance du dossier. » Lutter ou abdiquer : face au rouleau compresseur qui vient de se remettre en marche, l’ultime recours sera judiciaire. Ou ne sera pas. •
L’enquête publique sur le nouveau stade est close depuis samedi. Entre hier et aujourd’hui, les commissaires enquêteurs se sont donné deux jours pour récupérer l’ensemble des registres dans les trente-cinq communes de Valenciennes Métropole. Dans le maelström des observations formulées par les pro et les anti, il leur faudra faire le tri avant de rendre leur avis, d’ici au 27 avril en principe.
On imagine les services de l’agglo sur le qui-vive, prêts à dégainer sitôt que le feu vert sera donné. À supposer que la commission d’enquête rende un avis favorable sans la moindre restriction, ce qui n’est pas garanti sur facture, on ne désespère pas de pouvoir reprendre dès le mois de mai le chantier brusquement interrompu à l’été 2009, lorsque le tribunal administratif de Lille avait annulé le premier permis de construire. Dans cette attente fébrile, il y a comme une urgence dictée par cet argent public qui s’envole : 10 000 E par jour depuis que le béton a cessé de couler dans les veines de Nungesser 2.
Les commissaires enquêteurs, nommés par le tribunal administratif et dont l’impartialité ne saurait, de ce fait, être remise en question, n’ignorent rien des enjeux financiers, pas plus que du poids de leurs conclusions. Ils ont a priori un mois pour les motiver, sauf si la nécessité d’un complément d’information se faisait sentir d’ici là.
L’association Citoyens à Nungesser a attendu le dernier jour de l’enquête, samedi, pour transmettre un petit mémoire de sept pages reprenant le corpus de son argumentaire. Sept pages dans lesquelles elle s’interroge sur l’empreinte écologique du projet ou son impact sur la qualité de l’air. Aux yeux des riverains, les quelque deux cents places de parking ajoutées au projet initial ne changent rien à l’affaire en matière de circulation et de stationnement les soirs de match. Pas plus que les « réponses » apportées aux remarques formulées par les juges administratifs : l’abandon des concerts ou la création de mesures compensatoires ne règlent pas le problème des nuisances sonores quant à la destruction d’un mur de soutènement de 150 m de long, au nord, pour « libérer » l’emplacement réservé à la tangentielle sud, ou du moins ce qu’il en reste, elle relèverait de « l’aberration ». « Pourquoi ne pas abandonner l’idée de cette liaison ? », s’interroge le porte-parole de Citoyens à Nungesser, Michel Vermeersch. Pour qui le plus grave tient de l’erreur originelle : la décision d’implanter ce stade, en pleine ville, au ras des habitations… •
Dans son édition de mars 2010, le mensuel du groupe VISITE "Entreprises&Management" établit un constat accablant du gaspillage d’argent public dans la région Nord Pas de Calais.
1er du best of : Nungesser 2
Le journal rappelle à cet effet que l’arrêt forcé des travaux depuis l’été dernier se chiffre à 400 000 euros par mois pour gardienner le chantier et indemniser les ouvriers. L’origine de ce fiasco : en juillet dernier, alors que le stade est érigé aux deux tiers, le tribunal administratif de Lille annule le permis de construire. Apparemment, le dossier a été bâclé : la ville de Valenciennes ne s’est pas suffisamment préoccupée des nuisances sonores, encore moins des vestiges Vauban découverts lors des fouilles. Depuis, l’agglo a donc dû redéposer un permis de construire. Le nouveau projet coûterait 70 millions, soit 25 millions de plus que prévu. Pour éviter de faire davantage flamber la facture, il a fallu faire une croix sur l’option spectacles. Reste à Valérie Létard, présidente de l’agglo - et secrétaire d’Etat à l’Ecologie -, à trouver les moyens de régler rapidement la note pour satisfaire le futur locataire des lieux, le Valenciennes Football Club, présidé par… son père, Francis Decourrière. Tiens, il a également été président de l’aménagement du territoire de Valenciennes Métropole au moment du vote sur ce nouveau stade. On n’est jamais si bien servi…