Le MUC 72, sympathique équipe de football, honnête pensionnaire du championnat de Ligue 1, fait son entrée dans la cour des grands : le terrain juridico-financier, jusque là trusté par l’OM et le PSG. En faisant preuve d’une grande créativité. Une plainte vient d’être déposée au parquet du Mans.
A défaut d’avoir franchi l’obstacle des 1/8ème de finale de la Champion’s League cet hiver, les clubs hexagonaux brillent de mille feux sur le terrain de l’innovation juridique. Et nul doute que s’il existait un « crampon d’or de l’innovation contractuelle », récompensant les équipes administratives et juridiques les plus créatives, le bucolique club du Mans serait un solide prétendant, tant il a démarré l’année 2008 en fanfare.
En quête d’un défenseur central expérimenté, les Sarthois ont jeté leur dévolu sur le charmant Antonio Malta Camilo, dit « Geder ». L’artiste brésilien, pensionnaire du Spartak Moscou, a semble-t-il eu quelques réticences à s’arracher à la dolce vita moscovite et venir exercer son talent au paradis de la rillette. Afin de le convaincre, les Manceaux ont donc mis le paquet.
Le 3 janvier 2008, le MUC 72, en la personne de Daniel Jeandupeux, conseiller du président, a fait au joueur une proposition écrite, en français et en portugais s’il vous plait, de contrat de travail de deux ans et demi prévoyant notamment un salaire mensuel de 30 000 euros et une prime dite « d’impatriation » de 500 000 euros. Après tout, pourquoi pas ? Du moment que les contrats sont homologués par les experts de la LFP, il n’y a rien à redire. Sans doute encore sous l’effet d’un réveillon moscovite copieusement arrosé, le pauvre garçon ne s’est toutefois pas rendu compte d’une légère différence entre la version portugaise et la version française de l’offre de contrat. La version française offrait 30 000 euros bruts mensuels contre 30 000 euros nets après impôts pour la version portugaise. Un léger écart d’environ 61%, bref, une broutille…
Le 13 janvier, le même Geder a signé avec son employeur russe un accord lui assurant, en guise de cadeau de départ, une prime de 1 100 000 euros. La somme devait lui être payée « dans les 10 jours de la réception du premier versement de l’indemnité de transfert du joueur au MUC 72 ». En d’autres termes, un complément de salaire occulte pas dégueulasse, versé à l’étranger par son futur employeur et échappant donc aux griffes acérées de l’Urssaf sarthoise.
Cet accord avec Geder a été rendu possible par la magie du contrat de transfert du joueur, signé entre les 2 clubs, 48 heures plus tôt. Il prévoit le paiement par le MUC 72 au Spartak du prix du Brésilien à raison de 1 400 000 euros le 14 janvier 2008 (en grande partie destinés au joueur), un million d’euros avant le 15 Juillet 2008, un million d’euros avant le 15 janvier 2009, et un reliquat de 265 000 euros avant le 15 juillet 2009, le tout assorti d’une garantie bancaire en titane exigée par les Spartakistes.
Le 15 Janvier 2008, les créatifs du club manceau s’attelaient à l’ultime partie de leur œuvre baroque : la rédaction et la signature du contrat de travail de Geder. Ils décidaient de ne tenir aucun compte de l’offre acceptée par lui le 3 janvier et de lui faire signer, sans l’assistance de son agent, un contrat dans lequel son salaire se voit réduit à 25 000 euros bruts et sa prime d’impatriation, portée à 132 500 euros la première saison, 265 000 la seconde et 265 000 la troisième, si tant est qu’il la termine.
Tout laisse penser que les lauréats de notre Crampon d’or 2008 vont tenter d’affirmer que la prime d’impatriation échappe aux charges sociales patronales. Affaire à suivre.
Pour faire bonne mesure, ils ont aussi consenti au solide brésilien, une avance sur salaire de 100 000 euros dès le 1er février. L’avance est remboursable à perte de vue (35 000 euros en septembre, 35 000 euros en septembre 2009 et 30 000 euros en septembre 2010.) Normal, avec son salaire de moujik, on ne peut quand même pas le prendre à la gorge…
Geder le polyglotte a signé son contrat sans l’assistance d’un agent. Il semble qu’il ait eu tort. Pas plus tard que le 19 mars, un certain Paulo Texeira, impresario sportif carioca un brin teigneux, déposait plainte auprès du Procureur de la République du Mans en joignant à sa missive, copie du mandat d’agent que lui avait confié Geder par inadvertance. Le club en revanche, avait pris ses précautions. Il était assisté par l’illustre Teni Yerima. Cet agent lui aussi polyglotte, offert à son insu en pâture aux téléspectateurs anglais dans le cadre de la fameuse émission d’investigation « Panorama » il y a quelques mois [1] pendant qu’il s’employait à fluidifier les relations sociales outre-Manche au moyen de généreuses rétro-commissions en faveur des managers anglais qui recrutaient ses joueurs.
[1] La face Cachée du foot business, Flammarion page 339