Chacun son style : la reine socialiste vante bruyamment ses racines locales, le petit Nicolas boucle rapidement un accord de taille
Un beau matin de l’année 1953, dans la banlieue dortoir de Ouakam au Sénégal, naît Marie-Ségolène Royal, fille de militaire. Au cas où quelqu’un l’aurait oublié, « Ségolène » s’est chargé de rappeler ses origines tout au long de son voyage au Sénégal, du 25 au 27 septembre. Quitte à le rabâcher.
La quarantaine de journaliste qui l’a accompagné dans l’avion a donc du souffrir ses multiples références à son « pays », ses « racines », à qui voulait lui prêter une oreille. « Peut-être qu’inconsciemment, avance-t-elle, il y a un retour aux sources », vers un pays qu’elle a quitté à l’âge de deux ans…
Après sa rencontre après le président Wade, le même hymne est entonné. « Il m’a reçue en tant que fille du pays ». Et le maître du palais de l’avenue Roume la soutiendrait dans sa course à la présidentielle en vertu de sa « sénégalité ». Concept à peu près aussi profond que celui de préférence nationale. Le vieux « Gorgui » a aussi dû, avec son entourage, supporter la pression insistante de dame Royal. « Royal a fait des pieds et des mains pour que la rencontre avec Wade ne soit pas reportée, ne serait-ce que d’une demi-heure », sourit un diplomate. Un président sénégalais doit du respect à une présidente poitou-charentaise après tout. Question de statut.
Un tour chez ses amis socialistes sénégalais et français plus loin, embrassades et accolades inclus, la « pasionaria » de Boulogne-Billancourt s’est rendue sur la tombe de Léopold Sédar Senghor. Pas forcément un bon présage, le dernier candidat à la présidentielle à s’être recueilli devant le poète président se nommait Jean-Pierre Chevènement, en 2002. Comme le président du Mouvement Républicain et Citoyen, Ségolène a appelé à un rattrapage immédiat de la pension aux anciens combattants issues des colonies. Et comme l’homme de Belfort, la « madone » de Poitiers n’a pipé mot sur la non-prise en compte de cette revendication quand elle était au gouvernement.
Arrivée dans la Téranga en délivrant un « oui mais » à l’accord signé par Nicolas Sarkozy avec son homologue sénégalais Ousmane Ngom, Royal en est reparti en décriant le « bluff » de Sarko, « marchands d’illusions ». Sans doute l’air du pays.
Un peu trop furtive pour nos confrères sénégalais, la visite de Nicolas Sarkozy au Sénégal est presque passée inaperçue. Presque. Les six heures passées sur le sol de la Téranga et l’accord signé lui ont quand même valu quelques articles. Dont un mordant papier de Walfadjiri « l’immigration concerté ne chasse pas l’immigration choisie » (25/09). « Rien n’a changé dans la politique d’immigration de la France votée par l’Assemblée nationale française. Seulement, il fallait sauver les apparences et c’est ce qu’a fait Nicolas Sarkozy en se rendant à Dakar pour parapher un accord dit de gestion concertée de l’immigration », écrit notre peu convaincu confrère. Même son du côté du Quotidien. « Les charters de Sarkozy, vont sous peu, reprendre du service » (25/09). Présente plus longtemps en terre africaine, dame Royal eut l’honneur de plus de papiers et de plus d’attention. Mais pas de beaucoup plus de mansuétude. Si sa popularité, notamment auprès des femmes s’est vérifié tout au long du voyage, Soro Diop, dans le billet d’humeur du Quotidien, lui a réservé sa plume la plus acerbe. Quand Ségolène pourfend l’accord Sarkozy, « on est tenté de voir sous les marges de silence de cette dénonciation Ségolènienne, les résonances politiques d’une candidate qui vise à ruiner les acquis de son adversaire politique ». Pervers, les collègues !
Le ministre de l’Intérieur français, qui l’a précédé à Dakar, n’a lui, humé que six petites heures l’atmosphère dakaroise, le 23 septembre. Un laps de temps suffisant à Speedy-Sarko pour boucler un « accord historique », en boubou et sans talonnettes : des facilités d’entrée en France pour les hommes d’affaires sénégalais, les sportifs et les étudiants contre une convention de « réadmission » des Sénégalais sans papiers vers leur pays. Traduction, les charges qui découlent d’une expulsion (billet d’avion, passeport) incomberont à l’Etat sénégalais mais la France investira deux millions et demi d’euros dans des projets de co-développement locaux. Mais, comme le révèle le Canard Enchaîné (27/09), la convention de « réadmission » n’a pas été signée… sans doute un oubli du à un agenda trop chargé. « L’emploi du temps était tellement serré qu’on a pu rencontrer personne. On a pas eu vingt minutes pour pisser », confesse, lyrique, un des Sarko boys du voyage. La section UMP de Dakar, forte de 300 membres, n’a pas même eu droit à une risette du ministre. Néanmoins satisfait, le locataire de la place Beauvau a signifié sa satisfaction, et son entier accord avec son homologue sénégalais. « Immigration choisie ou immigration concertée, quelque soit le terme, l’important est qu’on s’accorde », a-t-il lâché en substance.
Au moins les Sénégalais ont-ils pu profiter d’une vraie leçon de politique à la Française, dénuée de toute démagogie et très informée : aucun des deux ténors n’a ne serait-ce qu’évoqué le quatrième anniversaire du naufrage du Joola. Plus de 1800 morts et pas un mot. Tant de pudeur les honore.