Récession ou dépression : cela vous gratouille ou vous chatouille ?

Les indicateurs sur la situation économique de la France se dégradent à grande vitesse. Que ce soient l’Insee, la Banque de France ou les chambres de commerce, tous les services qui interrogent les entreprises sur leurs perspectives 2009 constatent une détérioration sensible du climat.

L’investissement est en chute libre, les patrons déclarent qu’ils ne voient pas pourquoi ils se lanceraient dans des plans de développement alors qu’ils ne sont sûrs de rien. Leurs critiques les plus acerbes portent sur l’attitude des banquiers. Les taux d’intérêt se tendent ; en six mois, on a pris près de deux points supplémentaires. La Banque de France diagnostique que 82% des entreprises ont vu leurs conditions d’accès au crédit se détériorer depuis six mois alors même que la banque centrale a baissé son taux directeur d’un point, à 3,25%.

Une histoire de fonds souverain

Le banquier est devenu le bouc émissaire de la crise – assez naturellement il faut bien le dire ! C’est ce qu’a compris Nicolas Sarkozy. N’arrêtant pas de demander à son entourage ce qu’il faut faire pour éviter une récession sévère, il ponctue chaque réunion qu’il tient sur le sujet d’imprécations contre un monde bancaire suffisant et insuffisant et contre les économistes qui n’ont rien vu venir et qui n’ont rien à proposer. La seule solution qu’on lui présente est de laisser dans l’immédiat filer la dette publique, tout effort de rigueur étant, selon le vocable charmant des économistes, « pro-cycliques ». En panne d’idée, il s’accroche à son histoire de fonds souverain à la française, bien qu’elle ait suscité plus de sarcasmes que d’enthousiasme. Les plus aimables des critiques soulignent que les fonds souverains chinois ou proche-orientaux sont alimentés par les excédents extérieurs des pays concernés. Or, en France, on est systématiquement en déficit…

Cela a même tendance à s’aggraver. En septembre, le déficit cumulé depuis janvier 2008 a atteint un peu plus de 40 milliards d’euros, alors que sur la même période l’Allemagne a enregistré un excédent de 143 milliards… Cet état des lieux peu brillant de notre compétitivité ne provoque d’ailleurs plus qu’une réaction résignée des pouvoirs publics. Anne-Marie Idrac, officiellement secrétaire d’État au Commerce extérieur, est officieusement aux abonnés absents, se demandant encore pourquoi on lui a imposé ce poste sans véritable consistance. Quant à Chrisine Lagarde, l’expérience lui donnant le sens de la prudence, elle répond à ceux qui l’interrogent sur ce déficit qu’elle n’a pas de réponse. En fait, la seule conséquence pratique que semble voir le gouvernement, c’est que cela décrédibilise le « fonds souverain » de Nicolas Sarkozy.

Le mépris de Sarko pour les économistes

Ceux qui développent une critique plus poussée de ce fonds se gaussent de ce virage très à gauche du chef de l’État : en effet, rendre l’État propriétaire d’activités économiques par l’intermédiaire d’un fonds, cela s’appelle des …nationalisations ! Le PS occupé à se déchirer ayant abandonné le créneau de la rupture avec le capitalisme, Sarkozy s’engouffre.

En fait, en termes de rupture, le chef de l’État l’est plutôt d’avec les technocrates, notamment de Bercy. Jamais son mépris pour les économistes n’a été aussi fort. Leur dernier pinaillage pour savoir si la croissance en 2009 sera de 0,1%, 0,5% ou 0,9% était là pour le rassurer sur le thème : « nous ne connaîtrons pas la récession ». Cela a eu l’effet inverse. Il pense qu’ils se réfugient dans les détails parce qu’ils ne comprennent rien. Résultat, il fait lui-même le travail, gérant la crise à coup de dette publique, de communication et de… chance politique : de fait, s’il a encore des opposants, il constate chaque jour qu’il n’a pas d’adversaire. Quant au chômage, qui est l’indicateur auquel la population est la plus sensible, les évolutions démographiques, marquées par beaucoup de départs en retraite, devraient en limiter l’augmentation…

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